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Cah. Agric.
Volume 34, 2025
Oil palm in Mexico and in the Americas / Le palmier à huile au Mexique et en Amérique latine. Coordonnateurs : Laurène Feintrenie, Cesar J. Vázquez Navarrete, Luz del Carmen Lagunes Espinoza
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Article Number | 12 | |
Number of page(s) | 5 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cagri/2025008 | |
Published online | 01 April 2025 |
Article de synthèse / Review Article
Les Amériques, nouveau monde pour une huile de palme plus durable
Americas, new world for a more sustainable palm oil
1
Cirad, UMR TETIS, S.F. Campeche, Campeche, Mexique
2
TETIS, Univ. Montpellier, AgroParisTech, Cirad, CNRS, INRAE, Montpellier, France
3
ECOSUR, Campeche, Mexique
4
CATIE, Turrialba, Costa-Rica
5
Colegio de Postgraduados, H. Cárdenas, Tabasco, Mexique
* Auteur correspondant : laurene.feintrenie@cirad.fr
Le palmier à huile est la première culture oléagineuse avec 36 % de la production mondiale d’huile végétale en 2020. Originaire d’Afrique centrale et de l’Ouest, le palmier à huile a vu ses plantations s’étendre en Asie du Sud-Est, en partie aux dépens d’une forêt riche en biodiversité et de tourbières stockant de grandes quantités de carbone. Les impacts négatifs sur l’environnement ont été parfois accompagnés d’impacts sociaux tout aussi néfastes. Depuis les années 2000, les plantations de palmier à huile connaissent une forte dynamique d’expansion en Amérique latine. Les pays producteurs du continent américain présentent des caractéristiques communes qui le différencient de l’Asie et de l’Afrique. Les coûts de production de l’huile de palme y sont élevés, il existe une dépendance des producteurs de régimes de palmier à la présence d’usines extractrices d’huile pour acheter leur production, avec parfois des bassins d’approvisionnement d’usine étendus via des centres de collecte, les conditions édapho-climatiques sont globalement moins bonnes qu’en Indonésie ou Malaisie. Néanmoins la production d’huile de palme représente une opportunité de développement économique pour les zones rurales, et pourrait participer à répondre aux besoins en huile alimentaire des marchés domestiques et régionaux des pays producteurs du continent. Quelles sont les attentes de la société civile vis-à-vis du secteur ? Quel est le risque d’une expansion des palmeraies aux dépens des forêts ? Faut-il craindre un scénario se rapprochant des dynamiques d’expansion asiatiques ? Le développement d’un secteur durable soulève de nombreux défis. Le dossier thématique qu’introduit cet article en explore quelques-uns, et met également en lumière le besoin de recherches supplémentaires sur le continent américain pour accompagner un développement durable du secteur élaéicole.
Abstract
Oil palm is the world’s leading oil crop, accounting for 36% of global vegetable oil production in 2020. Originally from Central and West Africa, oil palm plantations have been extended to Southeast Asia, partly at the expense of biodiversity-rich forests and peatlands storing large quantities of carbon. Negative environmental impacts have sometimes been accompanied by equally negative social impacts. Since the 2000s, oil palm plantations have been expanding rapidly in Latin America. The producing countries of the American continent have a number of characteristics in common, which differentiate them from Asia and Africa. Palm oil production costs are high, and oil palm fresh fruits bunches producers are dependent on the presence of extractive mills to purchase their production, sometimes with extensive mill supply basins based on networks of collect centers. Overall, edapho-climatic conditions are not as good as in Indonesia or Malaysia. Nevertheless, palm oil production represents an opportunity for the economic development of rural areas, and could help meet the needs in edible oil of domestic and regional markets in the continent’s producing countries. What are the expectations regarding the sector? What is the risk of expanding oil palm plantations at the expense of forests? Should we fear a scenario resembling Asian expansion dynamics? The development of a sustainable sector raises many challenges. This thematic issue explores some of them, and also highlights the need for further research on the American continent to support the sustainable development of the oil palm sector.
Mots clés : modèle de développement / politiques publiques / agriculture familiale / système de culture / élaeiculture
Key words: development models / public policies / family farming / cropping system / elaeiculture
© L. Feintrenie et al., Hosted by EDP Sciences 2025
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
1 L’huile de palme, au cœur des controverses
Le palmier à huile est la première culture oléagineuse avec 36 % de la production mondiale d’huile végétale en 2020. Fort d’un rendement en huile largement supérieur aux autres plantes oléagineuses (en moyenne 2,8 t d’huile brute/ha/an, soit 6 fois plus que le soja, et 4 fois plus que le colza ou le tournesol), le palmier à huile occupe cependant moins de 9 % de la superficie dédiée aux cultures oléagineuses dans le monde (Ritchie et Roser, 2021). Ces chiffres interrogent sur le bien-fondé de la mauvaise réputation de la culture auprès du grand public. Pourquoi autant de polémique sur une huile si productive et utilisant si peu d’espace en comparaison des alternatives possibles ?
Au-delà du lobbyisme porté par les filières oléagineuses en compétition, c’est l’expansion rapide des plantations en Asie du Sud-Est des années 1990 à 2010, qui a alimenté les débats. Descals et al. (2024) ont cartographié près de 24 millions d’hectares de plantations de palmier à huile, dont plus de 83 % se situent en Indonésie et en Malaisie, tandis que Ritchie et Roser (2021) estiment que 84 % de la production mondiale en 2020 provient de ces deux pays. Originaires d’Afrique centrale et de l’Ouest, les plantations de palmier à huile ont été étendues en Asie du Sud-Est en partie aux dépens d’une forêt riche en biodiversité et de tourbières stockant de grandes quantités de carbone (Rival et Levang, 2014 ; Gaveau et al., 2016 ; Gaveau et al., 2019). Les impacts négatifs sur l’environnement – perte d’habitat pour la faune sauvage, libération de carbone stocké dans la biomasse végétale, les sols et la tourbe, déforestation et perte des services écosystémiques fournis par les forêts – ont été parfois accompagnés d’impacts sociaux tout aussi néfastes : accaparement foncier, main-d’œuvre captive, non-respect des droits des populations autochtones, non-respect du droit du travail voire des droits de l’homme, répartition inéquitable de la valeur ajoutée, contrats abusifs entre des sociétés agro-industrielles et des agriculteurs (McCarthy et Cramb, 2009 ; Sheil et al., 2009). Ces impacts négatifs ont également été rapportés en Afrique (Cotula et al., 2009 ; Feintrenie, 2014) et dans une moindre mesure en Amérique (Furumo et Aide, 2017 ; Castellanos-Navarrete et al., 2020).
Pour répondre aux critiques et améliorer l’image et la durabilité de la filière, plusieurs grands groupes industriels impliqués dans la production d’huile de palme en Indonésie et Malaisie se sont engagés avec des Organisations non gouvernementales (ONG) dans la création en 2004 de la Table ronde pour une huile de palme durable, connue sous son sigle anglais RSPO. La RSPO propose une certification spécifique à l’huile de palme, et accompagne ses membres en amont de la certification avec des conseils techniques et de gestion, des guides et des protocoles. Constamment jugée et débattue, la certification reste critiquable, en particulier pour les limites de son application à des agriculteurs non contractualisés avec une société de plantation (Bessou et Rival, 2020), et son incapacité à arrêter la déforestation dans les plantations de sociétés certifiées (Carlson et al., 2018). Elle a néanmoins rendu visibles les actions et les impacts des sociétés productrices d’huile, facilité une mobilisation socio-environnementale envers les industries de l’aval du secteur afin qu’elles participent à l’effort vers la durabilité en s’engageant dans un approvisionnement en huile majoritairement certifiée, et finalement a participé à diminuer la déforestation directement attribuée à l’expansion des plantations de palmier à huile (Meijaard et al., 2017 ; Carlson et al., 2018). Par la suite des groupes multinationaux ont formulé des engagements volontaires d’approvisionnement sans déforestation, sans conversion de tourbières, sans exploitation humaine (NDPE, voir Pacheco et al., 2017). Ces engagements de sociétés mères s’imposent à leurs filiales, leurs usines, leurs plantations, et également à leurs fournisseurs. La certification est alors la garantie la plus fiable sur l’origine et les conditions de production de l’huile de palme achetée. Enfin, la pression mise sur la filière pour plus de durabilité et de transparence a également été renforcée par les exigences d’importation émises, entre autres, par l’Union européenne à travers la régulation sur les produits zéro déforestation importée, entrée en vigueur en 2023.
Si la part de l’huile certifiée a atteint 19 % de la production mondiale, seulement la moitié est achetée comme telle (Bessou et Rival, 2020), ce qui limite l’impact de la certification et sa rentabilité. L’engagement des multinationales dans un approvisionnement en huile durable a internationalisé la demande en huile de palme certifiée, jusque dans des pays producteurs où le marché domestique n’est pas demandeur. Ainsi en Afrique ou en Amérique latine, le marché des produits alimentaires ou cosmétiques certifiés durables est peu développé, mais les filiales locales de sociétés multinationales engagées dans une certification RSPO ou NDPE ont l’obligation de se certifier. Par ricochet, les agriculteurs vendant des régimes de fruits frais de palmier à huile à ces usines sont également incités à entrer dans la certification. La table ronde a ainsi eu et a toujours une influence majeure sur l’évolution du secteur élaéicole.
2 Le palmier à huile en Amérique latine
Cet article de synthèse introduit un dossier thématique de la revue Cahiers Agricultures sur « Le palmier à huile au Mexique et en Amérique latine » (Feintrenie et al., 2025).
Les plantations de palmier à huile connaissent depuis les années 2000 une forte dynamique d’expansion en Amérique latine. Furumo et Aide (2017) estiment ainsi que le secteur a connu une croissance annuelle régionale de 7 % entre 2000 et 2014. Contrairement à l’Asie du Sud-Est, dans la majorité des pays producteurs américains les plantations de palmier à huile n’ont pas été une cause majeure de déforestation directe. Selon la FAO, la première cause de déforestation directe sur la période 2000–2018 est l’expansion des prairies pour l’élevage bovin, à hauteur de 47,7 % des superficies déforestées (Branthomme et al., 2023). Viennent ensuite les cultures à hauteur de 14,9 %, dont le soja, intimement lié à l’élevage dans sa dynamique d’expansion territoriale sur le bassin forestier amazonien (Guéneau, 2021).
Les 15 pays producteurs du continent américain présentent des caractéristiques communes qui le différencient de l’Asie et de l’Afrique. Les coûts de production de l’huile de palme y sont élevés, entre autres du fait d’une main-d’œuvre agricole plus coûteuse, de l’absence de filière de transformation artisanale telle qu’elle existe en Afrique (à l’exception de la région de Bahia au Brésil) et donc de la dépendance des producteurs de régimes de palmier à la présence d’usines extractrices d’huile pour acheter leur production, avec parfois des bassins d’approvisionnement d’usine étendus (reposant sur des réseaux de centres de collecte), des conditions édapho-climatiques globalement moins bonnes qu’en Indonésie (nébulosité, irrégularité de répartition des précipitations, températures minimales trop basses, sols au potentiel variable) comme le présentent Dubos et de Raïssac (2021, dans ce dossier thématique) dans le cas de la région Quinindé-Quevedo en Équateur, et une pression grandissante d’évènements climatiques extrêmes et de saisonnalités irrégulières causés par le phénomène El Niño, amplifiés par le changement climatique global. Par ailleurs, la pression sanitaire sur les palmiers est, elle, très variable d’un pays à l’autre. Si le Mexique est encore indemne de pourriture du cœur, cette maladie a décimé des plantations au Panama, en Colombie, au Surinam, au Brésil, en Équateur (Baron et al., 2017). Ces facteurs limitent la rentabilité de la production et augmentent les risques des investissements, en particulier en agriculture familiale (peu de suivi sanitaire et de capacité d’adaptation).
Comme rappelé par Lesage et al. (2021, ce dossier thématique), Pirker et al. (2016) estiment que plus de 83 millions d’hectares sont adaptés à la culture du palmier à huile sur le continent, en excluant les zones à haute valeur de conservation (HCV) et de stockage de carbone (HCS). La production d’huile de palme représente une opportunité de développement économique des zones rurales, et pourrait participer à répondre aux besoins en huile alimentaire des marchés domestiques et régionaux des pays producteurs du continent américain. En favorisant le développement des plantations dans le respect des écosystèmes HCV et HCS, les nouvelles plantations pourraient également contribuer à des stratégies de contrôle de la déforestation importée. L’image négative du secteur au sein de la société civile d’Amérique latine, influencée par les impacts négatifs de l’expansion des plantations en Asie du Sud-Est, génère de la méfiance. Pour autant le marché domestique n’est pas demandeur de produits labélisés, car les consommateurs de produits agroalimentaires transformés sont peu nombreux à regarder la provenance ou l’éventuelle certification de l’huile de palme utilisée. Quel est le risque d’une expansion des palmeraies aux dépens des forêts ? Faut-il craindre un scénario se rapprochant des dynamiques d’expansion asiatiques ?
Le développement d’un secteur durable soulève de nombreux défis, tant agronomiques en réponse à des conditions non optimales de culture et aux risques climatiques et sanitaires, qu’environnementaux pour préserver les écosystèmes HCV et HCS, qu’économiques pour rentabiliser une production avec des coûts élevés, et socio-politiques pour répondre aux besoins en développement économique équitable et aux demandes de terres des populations rurales.
Ces divers aspects sont abordés dans les différents articles qui composent ce dossier thématique des Cahiers Agricultures (Feintrenie et al., 2025).
Lesage et al. (2021, ce dossier thématique) décrivent l’évolution du secteur élaéicole en Amérique latine, depuis les premières plantations expérimentales jusqu’aux modèles de production actuels. Le développement du secteur a historiquement été marqué par l’implication des différents gouvernements et leur soutien via des aides à la plantation, des exemptions fiscales et d’autres incitations financières, qui ont attiré des grands groupes privés et des investisseurs, faisant du modèle agro-industriel le principal modèle de production rencontré en Amérique Latine (Lesage et al., 2021). Cependant depuis les années 1990, les politiques publiques relatives au palmier à huile invitent à l’intégration territoriale, à l’inclusion sociale et à la protection de l’environnement. Dans ce contexte, deux nouveaux modèles de production ont vu le jour. Le premier est défini dans la littérature sous le nom de « secteur social ». Dans ce modèle, les sociétés possédant et gérant les usines appartiennent en partie ou en totalité aux planteurs et groupements de planteurs qui les approvisionnent et qui en sont actionnaires. Ce modèle est particulièrement présent au Honduras et au Mexique, ainsi qu’au Costa Rica, au Pérou et au Panama. Le second modèle à vocation sociale est le modèle des alliances stratégiques, une forme d’agriculture contractuelle. Le modèle repose sur un compromis de vente exclusif entre agro-industries et planteurs. Les entreprises fournissent l’assistance technique aux planteurs. Ce modèle est particulièrement présent en Colombie et au Brésil où il est soutenu par l’État fédéral (Lesage et al., 2021).
Aujourd’hui, l’Amérique latine est perçue comme un précurseur en termes de modèles de production sociaux favorisant l’inclusion des petits planteurs. Pourrait-elle aussi devenir précurseur de systèmes de production agro-écologiques ?
Lagunes-Espinoza et al. (2022, ce dossier thématique) analysent les travaux publiés sur le palmier à huile et l’huile de palme, et la participation des institutions d’Amérique latine, et plus spécifiquement du Mexique, à la création de connaissances sur le sujet. Les auteurs mettent en évidence le peu d’informations disponibles sur le secteur élaéicole américain dans la littérature internationale, malgré une recherche locale riche sur le sujet. Les thèmes abordés dans la littérature scientifique ont fortement évolué au cours des années, centrés sur les aspects techniques et agronomiques dans les années 1960. Les publications les plus récentes traitent d’enjeux de durabilité.
Le manque de connaissances techniques pour s’adapter aux conditions régionales et aux effets du changement climatique et d’El Niño, souligné par Lagunes-Espinoza et al. (2022), est confirmé par les travaux de Mendoza-Hernández et al. (2021).
Mendoza-Hernández et al. (2021, ce dossier thématique) mettent ainsi en évidence le besoin de plus de recherches agronomiques, en particulier pour répondre aux enjeux climatiques actuels. Une des conséquences d’El Niño est une irrégularité de la répartition des précipitations au cours de l’année, avec des saisons sèches plus longues et plus marquées certaines années, et des pluies plus violentes et abondantes. Quelles pratiques mettre en œuvre pour s’adapter à ces irrégularités, pour une culture dont la production des fruits dépend entre autres du stress des palmiers deux ans avant la floraison alors que la maturation des fruits s’étale sur 6 mois après la fécondation (Jacquemard, 2011) ? L’irrigation peut-elle être une réponse, et dans quelles conditions ? Mendoza-Hernández et al. (2021) explorent l’impact de l’irrigation sur la production de régimes de fruits frais dans des plantations d’âge varié, sur sols argileux (gleysols).
Plus spécifiquement, Dubos et de Raïssac (2021, ce dossier thématique) interrogent l’effet El Niño / La Niña sur la production en Équateur, du fait de la modification de la nébulosité et donc de la lumière disponible. Cet article met en exergue la difficulté du diagnostic des causes d’un jaunissement des palmes. Alors que les experts successifs se focalisaient sur une déficience minérale et préconisaient une fertilisation plus riche en magnésium, les auteurs démontrent la nécessité de prendre en compte les facteurs climatiques et la teneur en azote. L’effet El Niño est mis en cause dans la baisse de l’ensoleillement, affectant directement la photosynthèse et indirectement l’absorption d’azote par les palmiers. Les résultats sont préparatoires et nécessitent d’être confirmés par des recherches ultérieures.
Enfin, Brindis-Santos et al. (2021, ce dossier thématique) confirment les besoins en recherche, en particulier sur le potentiel des plantations de palmier à huile pour stocker du carbone dans les sols. Leur étude exploratoire suggère que les palmeraies pourraient améliorer le stockage de carbone dans les sols dans les paysages dominés par des prairies pâturées. Ce service écosystémique des palmeraies restera inférieur en quantité de carbone stocké dans le sol au potentiel des couverts forestiers, et dépend fortement des pratiques de culture mises en œuvre par les agriculteurs concernant la gestion de la végétation au sol. Néanmoins, sur précédent prairie et en suivant des pratiques agroécologiques focalisées sur la préservation et l’amélioration de la fertilité des sols, les planteurs de palmier à huile pourraient contribuer de manière non négligeable à améliorer le bilan carbone des territoires dans lesquels ils sont implantés.
3 Conclusion
Quelles que soient les controverses, l’huile de palme est une commodité agricole commerciale – et vivrière en Afrique – qui possède de nombreux atouts pour les agriculteurs et les agricultrices. Les palmiers peuvent produire dans des conditions de forte saisonnalité, de sols peu fertiles, d’exposition aux vents, dans lesquelles les alternatives agricoles peuvent être peu nombreuses. La période de récolte s’étale, selon les conditions édapho-climatiques, sur 6 à 12 mois, garantissant un revenu régulier aux producteurs. Mais les bénéfices économiques de cette production sont, comme pour toute commodité, dépendants de l’organisation du secteur, de l’équitabilité des accords commerciaux entre les acteurs, et des relations de pouvoir, de dépendance et de compétition entre eux. Les pays d’Amérique latine proposent des modèles d’organisation originaux, offrant des opportunités de partage de la valeur ajoutée de la production d’huile entre les usiniers et les agriculteurs et agricultrices. Ces modèles du secteur social sont prometteurs et peuvent inspirer les autres pays producteurs. Il n’y a néanmoins pas que des succès et plus d’études sont nécessaires pour appuyer les preneurs de décision.
Par ailleurs, si jusqu’à présent l’expansion des plantations n’a pas été une cause majeure de déforestation à l’échelle continentale, certains territoires au Sud du Mexique, au Guatemala ou encore en Colombie, ont vu leur frontière agricole avancer au détriment de forêts à haute valeur de conservation dans le bassin amazonien ou la forêt Maya. Il est donc essentiel de définir les limites d’un modèle de production durable et de ses conditions d’application dans les Amériques, y compris en terme d’expansion géographique. Enfin, le continent profite encore d’une pression phytosanitaire faible, qui facilite la mise en place de pratiques agroécologiques avec un usage limité d’intrants chimiques. L’époque est donc propice à un accompagnement à l’innovation agroécologique. Le cadre institutionnel est favorable dans de nombreux pays américains, avec des politiques publiques orientées vers une transition agroécologique, des institutions de recherche et d’enseignement agronomique de qualité, et parfois l’organisation de l’interprofession pour accompagner les agriculteurs, agricultrices, techniciens et techniciennes dans cette innovation (comme par exemple en Colombie et au Mexique).
Nous souhaitons dans ce dossier thématique des Cahiers Agricultures (Feintrenie et al., 2025) valoriser les études réalisées en Amérique latine et leur donner une visibilité internationale, et ainsi permettre à tous ceux qui s’intéressent au secteur élaéicole dans les autres régions du globe comme en Amérique Latine de bénéficier des connaissances sur les modèles de production spécifiques de la région et sur les conditions qui pourraient favoriser un développement durable du secteur.
Remerciements
Ce dossier thématique des Cahiers Agricultures (Feintrenie et al., 2025) a bénéficié de l’appui du projet en collaboration Cirad-PalmElit n°21/2017. Le bailleur n’a eu aucun rôle dans l’organisation des recherches, la collecte des données, leur analyse et interprétation, ni dans la présentation et publication des résultats.
Références
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Citation de l’article : Feintrenie L, Vázquez Navarrete CJ, Lagunes Espinoza LC. 2025. Les Amériques, nouveau monde pour une huile de palme plus durable. Cah. Agric. 34: 12. https://doi.org/10.1051/cagri/2025008
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