Open Access
Numéro
Cah. Agric.
Volume 33, 2024
Numéro d'article 34
Nombre de pages 2
DOI https://doi.org/10.1051/cagri/2024028
Publié en ligne 11 décembre 2024

L’auteur, Clément Mathieu, est pédologue, il a travaillé en France, au Maroc, en République centrafricaine, au Burundi et dans de nombreux autres pays. Il a été professeur à Toulouse à l’École supérieure d’agriculture de Purpan.

Le livre de 182 pages est largement illustré de photographies et de schémas. Il est préfacé par Christian Valentin, directeur de recherche émérite de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Il se découpe en deux parties : « Connaître le sol pour mieux l’utiliser » et « Fertiliser le sol pour mieux produire ».

Globalement, le texte est simple et didactique, rappelant de nombreuses notions de bases de manière pédagogique, avec l’aide de schémas, tableaux et photographies. Il sera donc particulièrement utile aux étudiants et professionnels désireux d’avoir une vision globale des enjeux autour de la gestion des sols agricoles en zone tropicale.

Dès le préambule, l’auteur expose clairement sa vision du développement agricole qui devra se baser sur l’intensification de la production par unité de surface. L’objectif est d’obtenir des rendements plus élevés, via notamment une amélioration de la fertilité des sols.

Ce livre traite de manière assez équilibrée des différentes composantes de la fertilité et des possibilités de la maintenir à l’aide de produits organiques, mais également à l’aide d’engrais de synthèse. Son approche n’est donc pas dogmatique ou simplificatrice pour promouvoir une voie plutôt qu’une autre, mais elle souligne bien leur complémentarité.

Le premier chapitre, « Origine et composition du sol », rappelle les différentes caractéristiques des sols. Les nombreux schémas viennent à l’appui du texte. Ces rappels sont nécessaires pour décrire et comprendre le fonctionnement des sols en lien avec la production agricole de cultures tropicales (pH, toxicité aluminique, capacité d’échange cationique, matière organique, eau…). Quelques références auraient pu être ajoutées pour orienter les praticiens vers des outils d’estimation de la texture à la main, les différentes méthodes de mesure du phosphore dans le sol, l’estimation des pertes en terre grâce à l’équation universelle des pertes en terre de Wischmeier ou autres outils facilement mobilisables par des praticiens.

Le deuxième chapitre, très court, cite et illustre brièvement ce que l’auteur appelle les « fonctions vitales du sol » : biologiques, alimentaires, filtre et stockage, matériaux.

Le troisième chapitre traite des « dégradations du sol » : érosion, salinisation, dégradation des structures, acidification, pollution. Les différents phénomènes sont expliqués de manière claire et illustrée, en introduisant également quelques explications simples des phénomènes chimiques, toujours en lien avec la production agricole. Les photographies illustrent ces différents phénomènes de dégradation en Afrique. On peut toutefois regretter que les solutions mises en œuvre de longue date pour lutter contre ces dégradations (terrasses, haies, contrôle des ravines, parcs agroforestiers) ne soient pas présentées.

La deuxième partie du livre débute par quelques rappels utiles sur les notions de fertilité, de rendement et de durabilité.

Le quatrième chapitre traite de la question importante de « la jachère en Afrique tropicale ». Les limites du maintien de la fertilité basé sur la jachère dans un contexte d’augmentation de la population sont rappelées. L’auteur commence cette partie sur la perte de fertilité des sols en rendant responsable la culture du coton, oubliant que c’est plus généralement l’augmentation de la population et des surfaces cultivées qui a un impact sur la fertilité des sols. Il omet également de mentionner que contrairement à de nombreuses autres cultures, le coton est fumé et qu’il contribue au maintien de la fertilité chimique, voire organique, des sols (voir par exemple Ripoche et al., 2015). Les jachères courtes d’espèces améliorantes, qui sont proposées dans ce chapitre, sont certes fort efficaces d’un point de vue agronomique, mais elles ont été largement vulgarisées depuis des décennies sans aucun succès notable en Afrique.

Le cinquième chapitre aborde le « cycle des éléments fertilisants ». Là encore, l’ouvrage présente de manière pédagogique les grands déterminants du cycle de l’azote, du phosphore, du potassium, du calcium et d’autres éléments.

Le sixième chapitre traite des facteurs du rendement. Ce chapitre introduit la notion de « composantes du rendement », ce qui est très utile pour des études de terrain. Toutefois, des références supplémentaires auraient été utiles pour celles et ceux qui veulent pleinement utiliser le découpage en composantes du rendement pour mieux comprendre les contraintes s’exerçant sur les cultures. En lien avec les composantes du rendement, le diagnostic agronomique est rapidement traité en une page. La notion de « yield gap » (Van Ittersum et al., 2013), maintenant couramment utilisée dans les publications académiques et également utile pour les diagnostics, n’est pas abordée. D’une manière générale, les concepts et la littérature internationale (autre que francophone) sont très peu mobilisés dans ce livre.

Le septième chapitre traite des « amendements organiques ». Les caractéristiques et modes de production du fumier et du compost sont rappelés de manière assez complète. Les engrais et plantes de couverture sont également évoqués en rappelant quelques plantes courantes et quelques exemples d’utilisation en Afrique.

Le huitième chapitre traite des amendements, calcaires et autres. Ce chapitre rappelle les bases de la chimie de nombreux sols tropicaux et la façon dont le chaulage peut avoir des effets bénéfiques. Les autres solutions techniques (terre de termitière, cendre, biochars) sont également abordées.

Le neuvième chapitre présente les différents types d’engrais chimiques et leurs usages.

Le dixième chapitre s’intitule « agriculture de conservation », bien qu’il traite d’autres sujets que l’agriculture de conservation (équivalent des systèmes de culture en semis direct sur couverture végétale permanente [SCV]) dans son acception communément admise aujourd’hui : non labour, couverture organique permanente et rotation diversifiée (FAO, 2022). Ainsi, ce chapitre traite des différentes méthodes de lutte contre l’érosion hydrique (cultures en bandes, cordons filtrants, zaï, terrasses…)

Le onzième chapitre traite spécifiquement, mais assez rapidement, de quelques pratiques d’agroforesterie.

Le douzième chapitre traite des techniques d’irrigation en Afrique, les avantages et inconvénients des différentes méthodes.

Ces chapitres de la deuxième partie du livre font toutefois l’impasse sur le stockage de carbone dans les sols, sa dynamique, sa modélisation, la métrologie, les déterminant du potentiel de stockage. C’est dommage, car de plus en plus d’acteurs en Afrique mettent en place des projets centrés sur cette thématique. Les acteurs du secteur auraient fort utilement bénéficié de quelques rappels des notions de base pour ne pas investir de manière déraisonnablement optimiste dans certaines techniques.

Sur la forme, certaines tournures de phrase sont malheureuses et pourraient figurer dans des ouvrages du siècle dernier. « Avant l’ère coloniale, l’Africain se contente de récolter dans la nature les productions diverses dont il a besoin et qu’il rencontre au cours de nombreuses pérégrinations » (p. 55). « Il va falloir éduquer les agriculteurs aux bonnes pratiques agricoles […] » (p. 121–122). Le ton global de l’ouvrage n’est pas axé sur les approches participatives, la compréhension des savoirs et pratiques des agriculteurs, la co-conception, mais davantage vers la vulgarisation de techniques jugées pertinentes par les acteurs des conseils et prescriptions aux agriculteurs.

En conclusion, ce livre est très utile pour comprendre facilement les caractéristiques et mécanismes biophysiques des sols en lien avec la production agricole. En revanche, les solutions techniques agronomiques proposées sont un peu simplificatrices, mais c’est sans doute le jeu d’un ouvrage qui traite de nombreux sujets complexes en moins de 200 pages et qui est, au final, davantage une ressource en terme de pédologie que d’agronomie.

Références


© K. Naudin, Hosted by EDP Sciences 2024

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