Issue |
Cah. Agric.
Volume 30, 2021
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Article Number | 38 | |
Number of page(s) | 14 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cagri/2021024 | |
Published online | 28 September 2021 |
Article de recherche / Research Article
Les standards dits durables appauvrissent-ils les planteurs de cacao ? Interactions entre déforestation en Côte d’Ivoire et au Libéria, crédit à l’achat d’engrais et baisse des cours
Do so-called sustainable standards impoverish cocoa farmers? Interactions between deforestation, credit for fertilizer purchase and falling prices
1
CIRAD UMR ART-DEV,
Abidjan, Côte d’Ivoire
2
ART-DEV, Univ Montpellier,
Montpellier, France
* Auteur de correspondance : francois.ruf@cirad.fr
Pendant des siècles, combinés avec le travail de migrants, la forêt et la rente forêt ont été les principaux facteurs de production du cacao. C’est le modèle universel du cacao, qui a fait de la Côte d’Ivoire le premier producteur mondial. Mais le niveau de déforestation est tel qu’une partie des planteurs doivent trouver des alternatives à la rente forêt, notamment l’engrais minéral. Cet intrant chimique est de fait un facteur d’amélioration des rendements et a priori des revenus. Cependant, si la consommation d’engrais chimique est poussée par le « système », composé des Transnational Corporations (TNC) du cacao, des coopératives, des agences de crédit, des organisations non gouvernementales internationales et des labels de cacao dit « durables », n’y a-t-il pas danger d’effets inverses : contribution à l’excès d’offre de cacao, baisse du cours mondial, endettement et appauvrissement des planteurs ? À partir de trois enquêtes auprès de 150 à 250 planteurs entre 2013 et 2017, d’une enquête auprès de 41 coopératives en 2017 et d’un suivi des prix du cacao et de l’engrais sur 30 ans, l’étude aborde le rôle du prix relatif cacao/engrais et du crédit sur la consommation d’engrais, et leur impact sur la chute du cours du cacao en 2016–2017. L’impact est certain, même si le processus d’expansion cacaoyère par le binôme migration-déforestation reste le facteur essentiel de la hausse de l’offre et de la chute du cours. Le discours selon lequel les gains de rendement vont créer un « cacao durable » et dissuader les planteurs de défricher les forêts reste un mythe. Les migrations continuent aux dépens des toutes dernières forêts classées du pays, à l’est vers Abengourou, à l’ouest vers Blolequin, Man et Touba. Là encore, en dépit de leur communication sur la durabilité, les certifications ont totalement échoué : le cacao de Côte d’Ivoire dépend encore beaucoup de la déforestation. Enfin, de l’autre côté du fleuve Cavally, la grande forêt dense du Libéria disparaît à son tour, sur la voie d’un nouveau boom du cacao. Même si les responsabilités sont partagées avec les politiques publiques, que reste-t-il de « durable » dans la certification et les actions de la majorité des TNC ? Le fossé entre leur communication virtuelle et la réalité n’a jamais été aussi grand.
Abstract
For centuries, combined with the work of migrants, forests and forest rent have been the main factors of production of cocoa. This is the universal cocoa model, which has made Côte d’Ivoire the world’s leading producer. However, the level of deforestation is such that some of the cocoa smallholders must find alternatives to the forest rent, including mineral fertilizer, potentially a factor in improving yields and, a priori, their income. However, in case the “system” – made up of cocoa Transnational Corporations (TNCs), cooperatives, credit agencies, international non-governmental organizations and so-called “sustainable” cocoa labels – drives up the consumption of chemical fertilizers, will there not be a danger of the opposite effect taking place: contribution to the excess supply of cocoa, drop in world prices, and indebtedness and impoverishment of the smallholders? Based on three surveys of 150 to 250 growers between 2013 and 2017, a survey of 41 cooperatives in 2017, and the monitoring of cocoa and fertilizer prices over 30 years, this study addresses the role of the cocoa/fertilizer relative price and credit on fertilizer consumption and their impact on the drop in cocoa prices in 2016–2017. The impact is undeniable, even though the process of cocoa expansion through migration and deforestation remains the essential factor behind the increase in supply and the fall in price. The argument that yield gains will create “sustainable cocoa” and deter smallholders from clearing forests remains an illusion. Migration continues at the expense of the country’s very last classified forests, east to Abengourou, west to Blolequin, Man and Touba. Again, despite their communication on sustainability and environment-friendly practices, certifications have totally failed. Cocoa in Côte d’Ivoire still depends heavily on deforestation. Finally, on the other side of the Cavally River, Liberia’s large dense forest is disappearing in turn, on the way to a new cocoa boom. Even if public policies are partly responsible, what is left of “sustainability” in the certification and actions of the majority of TNCs? The gap between their virtual communication and reality has never been greater.
Mots clés : coopératives / transnationales / standards durables / Côte d’Ivoire / Libéria
Key words: cooperatives / transnational corporations / sustainable standards / Côte d’Ivoire / Liberia
© F. Ruf, Hosted by EDP Sciences 2021
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