Article de recherche / Research Article

Femmes oasiennes au Maroc : actrices de la survie des oasis

Oasis women in Morocco: key players in the survival of the oases

¹ IES Landau, Institute for Environmental Sciences, University of Koblenz-Landau, Landau, Allemagne
² Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme, Rabat, Maroc
³ Faculty of Electrical and Industrial Engineering, University of Applied Sciences Landshut, Landshut, Allemagne
⁴ Hassan II University of Casablanca, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Ain Chock – Laboratoire LADSIS, Casablanca, Maroc

^* Auteur correspondant : hindftouhi@gmail.com

Résumé

Les régions oasiennes du Maroc sont confrontées à des changements continus liés à des facteurs comme la rareté de l’eau, les migrations et l’urbanisation, conditionnant la survie de ces espaces millénaires. Cependant, les activités des femmes et leurs contributions sociales et économiques face à ces changements sont peu prises en compte dans le monde académique et par les politiques publiques. La question qui se pose est en particulier de savoir comment les femmes vivent ces changements et de quelle manière elles y contribuent. Pour y répondre, nous nous appuyons sur une étude ethnographique menée entre 2019 et 2023 dans les oasis du sud-est du Maroc (vallées du Drâa et du Todgha). Les résultats soulignent le rôle continu joué par les femmes oasiennes dans la survie d’un espace confronté à la rareté de l’eau. Alors que leurs activités quotidiennes sont bouleversées, elles se lancent dans des activités économiques et sociales tout en cherchant à répondre à leurs aspirations, désirs et besoins. À travers de nouveaux services liés aux secteurs agricole et non agricole, comme les boutiques de beauté, les coopératives et les activités sportives, les femmes oasiennes renouvellent l’espace oasien et le diversifient. Chemin faisant, elles se forgent de nouvelles identités féminines comme commerçante, présidente, membre d’organisation collective, agricultrice, ou encore créatrice, qu’elles cherchent à combiner avec leur identité de mère, d’épouse, de fille, de femme rurale, en négociant les rapports sociaux genrés. Notre analyse permet de décentrer le rôle de l’agriculture dans les dynamiques rurales et de dévoiler d’autres tendances et domaines qui jouent un rôle tout aussi important dans le développement rural, mais elle illustre en même temps la fragilité de ces nouvelles activités et la difficulté de d’élaborer de nouvelles identités féminines rurales.

Abstract

Morocco’s oasis regions face continuous changes due to factors such as water scarcity, migration, and urbanization, all of which are affecting the survival of these age-old spaces. Nevertheless, women’s activities and their social and economic contributions to these changes are seldom considered in the academic world and by public policies. The question remains to understand how women experience these transformations and how they contribute to them. To answer it, we draw on an ethnographic study conducted between 2019 and 2023 in the oases of southeastern Morocco (Drâa and Todgha valleys). The results underline the continuous role of oasis women in the survival of the oasis affected by water-scarcity. As their day-to-day activities are disrupted, they engage in economic and social activities while seeking to meet their aspirations, desires, and needs. Through new services linked to the agricultural and non-agricultural sectors, such as beauty stores, cooperatives, and sporting activities, oasis women renew and diversify the oases. Through these new activities, they attempt to perform new feminine identities, as traders, presidents, members of collective organizations, farmers, and creators, which they seek to combine with their identities as mothers, wives, daughters, and rural women by re-negotiating existing gender relations and roles. Our analysis allows to decentralize the role of agriculture in rural dynamics and reveal other trends and areas that play an equally important role in rural development. At the same time, our results hint at the fragility of these activities and the difficulty women have in crafting new rural female identities.