Issue |
Cah. Agric.
Volume 33, 2024
Les systèmes agricoles des zones arides du Maghreb face aux changements : acteurs, territoires et nouvelles dynamiques / Farming systems in arid areas in the Maghreb facing changes: actors, territories and new dynamics. Coordonnateurs : Mohamed Taher Sraïri, Fatah Ameur, Insaf Mekki, Caroline Lejars
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Article Number | 23 | |
Number of page(s) | 10 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cagri/2024018 | |
Published online | 18 September 2024 |
Article de recherche / Research Article
Structures d’opportunités et leadership : analyse de l’action collective dans les oasis de la vallée de Todgha Ferkla, Maroc
Opportunity structures and leadership: analysis of collective action in the oases of the Todgha Ferkla valley (Morocco)
1
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Ain Chock, Université Hassan II de Casablanca, Laboratoire LADSIS, BP 8507, Hay Inara, Casablanca, Maroc
2
École Nationale d’Agriculture de Meknès, Km10, Rte Haj Kaddour, BP S/40, Meknès 50001, Maroc
3
G-EAU, Univ Montpellier, Montpellier, France
4
Cirad, UMR G-Eau, F-34398 Montpellier, France
* Auteur de correspondance : elghassem.zeine@gmail.com
Au Maroc, les politiques agricoles et rurales, pour faciliter leur déploiement, encouragent la mise en place d’organisations de développement local telles que les coopératives. La création massive de ces organisations peut être comprise à la fois comme une stratégie opportuniste de la part des populations rurales, et comme une injonction descendante des pouvoirs publics en vue d’associer ces populations aux responsabilités de développement territorial. L’objectif de l’article est d’analyser la capacité des leaders de ces organisations à se saisir des mécanismes offerts par les pouvoirs publics et les bailleurs de fonds pour mener des actions de développement sur leurs territoires. À travers des entretiens semi-directifs avec les leaders de vingt-deux organisations de développement local dans les oasis de la vallée de Todgha Ferkla, nous analysons comment s’entrecroisent le leadership local, les organisations et les actions de développement dans cet espace. Les résultats montrent l’existence de fortes et multiples structures d’opportunités de création d’organisations de développement local. Ces structures d’opportunités permettent l’émergence de nouveaux types de leaders. Leur rôle dans le développement local est illustré à travers deux exemples. L’accompagnement technique, institutionnel et stratégique de ces organisations, ainsi que la réussite de la relève des leaders actuels, pourraient constituer un gage de pérennité de leurs actions de développement territorial.
Abstract
In Morocco, agricultural and rural development policies, to facilitate their deployment, encourage the establishment of local development organizations such as cooperatives. Their massive creation can be understood both as an opportunistic strategy for rural populations, and as a top-down directive from public authorities to involve these populations in territorial development responsibilities. The aim of the article is to analyze the ability of the leaders of these organizations to seize the mechanisms offered by public authorities and funders to carry out development actions in their territories. Through semi-directive interviews with the leaders of twenty-two local development organizations in the oasis territory of the Todgha Ferkla valley, we analyze how local leadership, organizations and development actions intersect in this valley. The results show strong and multiple opportunities structures for the creation of local development organizations. These opportunity structures enable the emergence of new types of local leaders. Their role in local development is illustrated through two examples. The technical, institutional and strategic support of these organizations, along with the successful succession of current leaders, could ensure the sustainability of their territorial development initiatives.
Mots clés : leadership / action collective / développement territorial / oasis / Maroc
Key words: leadership / collective action / territorial development / oasis / Morocco
© Z. Zein Taleb et al., Hosted by EDP Sciences 2024
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
1 Introduction
Dans les zones rurales, le développement territorial est aujourd’hui pensé comme le fruit d’interactions entre acteurs des pouvoirs publics et de la société civile (Futemma et al., 2020 ; Vercher, 2022). Les Organisations non gouvernementales (ONG) jouent un rôle important dans différentes formes d’action collective, mettant en avant la participation des acteurs locaux dans un contexte où l’État n’est qu’un acteur parmi d’autres (Girard, 2020). Le leadership dans ces ONG a fait l’objet de différentes analyses, que ce soit pour son rôle comme facteur de pérennité des organisations (Mulamba et al., 2015) ou comme tremplin électoral (Ftouhi et al., 2020). Les leaders des ONG sont parfois considérés comme des « courtiers de développement » de par leur statut d’intermédiaire entre le local, l’État et les bailleurs de fonds et de par leur capacité à drainer des ressources pour le développement de leurs territoires (Bierschenk et al., 2000).
Au Maroc, le cadre institutionnel du développement rural a connu de grands changements impactant les configurations du leadership local. Deux politiques de développement promues par le gouvernement marocain ont conduit à un « boom » en matière de création d’ONG et d’organisations professionnelles agricoles (OPA). Il s’agit de l’Initiative nationale de développement humain (INDH), lancée en 2005 pour lutter contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, et de la stratégie agricole « Plan Maroc vert (PMV) » (2008–2020), associant deux piliers : un pilier 1 « productif » et un pilier 2 « solidaire ». Les deux politiques ont fortement encouragé la création d’ONG et d’OPA en conditionnant l’attribution de financements à leur mise en place. Le nombre de coopératives, à l’échelle nationale, selon l’Office du développement et de la coopération (ODCO), est passé de 3400 en 2000 à 47 600 en 2021, dont 63 % œuvrent dans l’agriculture (ODCO, 2022). De même, selon le Haut-commissariat au plan (HCP), le nombre d’associations est passé de 44 771 en 2007 à 187 834 en 2022 (HCP, 2023).
Ce « boom » peut être considéré à la fois comme une dynamique locale émanant des populations rurales et de leurs leaders et comme le fruit d’une injonction descendante des pouvoirs publics pour associer les OPA et les ONG aux responsabilités du développement territorial. Des analyses sur ces organisations collectives ont montré des difficultés et des échecs liés à des démarches de création descendantes et technocentriques (Faysse, 2014). Cela interroge le rapport des dirigeants de ces organisations à l’État qui mène ses programmes en s’appuyant sur des leaders de type « notables locaux » (Tozy, 2010) ou « associatifs » (Bono, 2010). Dans ces contextes, la question se pose de la capacité de ces organisations à mener des actions de développement de leurs territoires.
Cet article entend contribuer à l’analyse des capacités des leaders des OPA et des ONG à initier et à mener des actions concrètes de développement de leurs territoires. Nous cherchons à comprendre comment différents profils de leaders se saisissent des mécanismes offerts par les pouvoirs publics et les bailleurs de fonds pour appuyer des projets collectifs de développement de leur territoire.
Pour ce faire, notre analyse se base sur les travaux sur la place des acteurs et de leurs configurations dans les processus de changement social (Elias, 1991). Nous mobilisons les concepts de structures d’opportunités (SO) et de leadership. Le concept de SO a été initialement mobilisé dans les travaux autour des mouvements sociaux (McAdam et al., 1996 ; Fillieule et al., 2009), puis utilisé pour appréhender l’action collective (Giugni, 2009). Plusieurs auteurs ont décomposé ce concept en éléments mesurables et vérifiables. Tarrow (1994) a identifié des éléments liés aux institutions politiques : les alignements politiques, le soutien à l’action collective et l’existence de conflits et de divisions entre élites. D’autres travaux ont privilégié l’examen des relations de pouvoir (Kriesi et al., 1995). Pour le cas spécifique de notre recherche, nous avons emprunté ce concept à des travaux qui l’ont élargi à l’analyse de l’action collective non revendicative (Ancelovici, 2009). Dans notre contexte particulier, les SO renvoient au système de relations existant dans le contexte historique, politique et social qui affecte la réussite ou l’échec des ONG et des OPA et contribue à l’émergence de nouveaux leaders (Tarrow, 1998). Nous considérons que les leaders dirigeant les ONG et OPA (Brassard et Lapointe, 2018) ne s’appuient pas uniquement sur leur position hiérarchique au sein de la structure, mais également sur la reconnaissance volontaire et assumée par les membres de cette structure (Kochan et al., 1975). Prenant en compte le rôle de la position sociale et des moyens dans la recherche du leadership (Edinger, 1990), notre analyse s’intéressera aux caractéristiques individuelles des leaders dans un processus de mobilisation en vue de réaliser des objectifs collectifs (Burns, 1978). En fonction de l’évolution des SO (Kadiri et al., 2015), les leaders mobilisent différentes ressources telles que leurs positions institutionnelles, leurs savoirs techniques et managériaux, leur disponibilité et leur capacité de mobilisation et d’intermédiation (Dahl, 1971).
2 Présentation de la zone d’étude
La vallée de Todgha Ferkla est une succession d’oasis située entre les chaînes du Haut Atlas et de l’Anti-Atlas. Administrativement, elle appartient aux provinces de Tinghir et d’Errachidia dans la région Drâa-Tafilalet, au sud-est du Maroc (Fig. 1). Elle s’étend sur une cinquantaine de kilomètres de longueur. En amont de la vallée, les ressources en eau sont relativement abondantes. Les parcelles sont exiguës et morcelées. Le système de production est composé de trois étages : le premier constitué du palmier dattier, le second de l’arboriculture fruitière et le dernier de la céréaliculture et des cultures fourragères. Dans les zones d’extension des oasis où les superficies agricoles sont plus grandes, les agriculteurs ont recours au pompage des eaux souterraines. En aval de la vallée, le débit de la rivière diminue. Les anciennes oasis en aval dépendent des galeries drainantes (khettaras), taries dans leur majorité, et leurs terres sont peu exploitées. À partir de la moitié des années 2000, la zone a connu l’introduction de l’irrigation localisée avec usage de l’énergie solaire.
La rareté de l’eau et la complexité du régime foncier font de cette vallée un espace fragile. Le développement en son sein est pluriel. Il se base sur l’agriculture en combinaison avec le tourisme, l’artisanat et l’émigration vers d’autres régions du Maroc et vers l’Europe.
Les données de l’Office régional de mise en valeur agricole de Ouarzazate (ORMVAO) montrent que les deux provinces de la vallée comptent 790 OPA, 95 % ayant été créées à partir de 2005. Leur domaine d’intervention couvre l’agriculture, l’irrigation, le développement et l’environnement, ainsi que diverses activités génératrices de revenus.
Fig. 1 La vallée de Todgha Ferkla. Todgha Ferkla Valley. |
3 Méthodologie
Nos investigations ont été menées de 2020 à 2023. Nous avons identifié les OPA et les ONG reconnues comme actives et dynamiques sur la base de leur réputation dans le territoire (Hassenteufel, 2011). Pour cela, nous avons d’abord réalisé des entretiens exploratoires avec différentes personnes-ressources, telles que des responsables administratifs du PMV et de l’INDH ainsi que des bénéficiaires de ces programmes. Nous leur avons demandé de nous citer les organisations qu’ils qualifient de fonctionnelles en se basant sur des critères comme la tenue d’activités sur le temps long depuis leur création. Nos interlocuteurs associaient souvent ces organisations à des leaders qu’ils qualifiaient de centraux dans leur fonctionnement. En triangulant l’information auprès des acteurs locaux, nous avons identifié 22 ONG et OPA (coopératives, groupements d’intérêt économique – GIE, Associations d’usagers de l’eau agricole – AUEA) (Tab. 1) et 22 leaders, souvent les présidents et anciens présidents.
Ensuite, nous avons caractérisé les OPA et les ONG et leur contexte historique, politique et social, puis mené des entretiens approfondis avec leurs leaders. La démarche historique nous a permis de connaître l’histoire de chaque organisation : l’idée de sa création, la nature de ses projets, ses institutions partenaires, les ressources qu’elle mobilise, les difficultés auxquelles elle fait face et les stratégies mobilisées pour les surmonter. Puis pour chaque leader, nous nous sommes focalisés sur son profil : son parcours, ses objectifs stratégiques, les ressources dont il dispose et la nature de ses actions. Après leur dépouillement, les entretiens ont fait l’objet d’une analyse descriptive et de contenu. Pour appuyer notre analyse, nous présentons deux cas d’étude illustrant le rôle des leaders dans le développement de la vallée en menant des actions de développement dans le cadre d’une OPA et d’une ONG.
Caractéristiques des organisations étudiées.
Characteristics of the organizations surveyed.
4 Résultats
4.1 De fortes et multiples structures d’opportunités pour la création d’organisations de développement local
L’examen des dates de création des organisations étudiées révèle des périodes marquantes qui renvoient à plusieurs SO (Fig. 2). La première phase de création a eu lieu en 1983. Elle correspond aux politiques d’ajustement structurel durant lesquelles le Maroc a adopté un modèle fondé sur moins d’État et plus d’acteurs privés et d’ONG. Bien que ce choix ait impulsé la création d’ONG, cela ne s’est pas reflété de manière conséquente en raison de la crise économique et de l’effet de la sécheresse sur le secteur agricole. Avant cette date, le Maroc connaissait une situation de blocage politique de la société civile, car en dehors de quelques associations nationales cooptées par l’État, les ONG n’avaient pas réellement une capacité d’action indépendante. Dix ans après les politiques d’ajustement structurel, une grande partie des OPA étaient restées des « coquilles vides », car l’État n’avait pas réellement appuyé leur essor et répondait surtout, de façon formelle, à une condition des bailleurs de fonds (Errahj et al., 2005).
Dès la fin des années 1990, le Maroc a connu une ouverture politique. À la fin de son règne, le roi Hassan II décida de la révision de la constitution en 1996 et désigna une figure d’opposition à la tête du gouvernement. L’accession au trône du roi Mohamed VI en 1999 fut associée à l’essor d’un discours politique prônant plus de démocratie et la participation de la société civile. C’est cette SO qui donna lieu à une mise en avant d’ONG de droits humains et au développement du mouvement associatif au Maroc, suite à une lutte menée dans le cadre des instances pour le renforcement et la promotion de ce mouvement, notamment l’Espace associatif créé en 1996 qui plaida en faveur des associations en présentant son mémorandum au gouvernement en 1999.
Par la suite, le lancement de l’INDH en 2005 a cristallisé un discours politique prônant la proximité du Roi avec les communautés vivant la précarité et l’exclusion. D’ailleurs le premier pic de création des ONG a eu lieu en 2005. Cette politique a fait de la création des associations son outil central d’intervention.
Le lancement du PMV en 2008 a traduit une nouvelle priorité de l’État pour redynamiser le secteur agricole. Son lancement personnel par le Roi en a fait une injonction politique forte pour les acteurs du secteur. Aussi bien l’INDH que le PMV ont fait de la création des ONG et OPA une priorité et un instrument de mise en œuvre, conditionnant le financement à cette mise en place. Les années 2011 et 2017 ont été marquées par une démultiplication remarquable de ces structures.
Enfin, le dispositif juridique national a facilité la constitution des associations dans le cadre de l’article 2 de la loi de 1958, modifiée par loi n° 07-09, promulguée par le Dahir n° 1-09-39 du 18 février 2009, qui stipule que cette constitution « est libre » après une déclaration du siège à l’autorité administrative locale. Cette facilité est valable pour les coopératives dans le cadre de la loi n° 112.12 du 21 novembre 2014.
Les différents dispositifs juridiques et les décisions politiques ont donc permis de façon directe l’émergence des ONG et des OPA. Ce cadre général a permis la mise en place, par les ministères appuyés par la coopération internationale, de mécanismes de financement dans le cadre de l’INDH et du PMV, comme l’appui à l’infrastructure collective et la formation à la constitution et à la gestion des OPA. Se voulant « participatifs », l’INDH et le PMV, et notamment la deuxième phase du pilier II (2012), ont initié des projets en collaboration avec des ONG et OPA afin de toucher le plus grand nombre d’agriculteurs et de bénéficiaires. Pour certains responsables administratifs, la création même d’ONG représentant la population locale correspond à une volonté de les associer au processus de développement territorial. Du côté de la population, appelée « bénéficiaire », la déclinaison de ces deux programmes a manifesté la disponibilité des institutions publiques à répondre à certaines de leurs attentes. Cela dit, une élite locale s’était construite également en répondant à des besoins territoriaux concrets comme l’adduction en eau potable ou le désenclavement (Tozy, 2010). De fait, la connexion entre le cadre général de l’ouverture politique et la mise en place d’un cadre juridique et participatif s’est également réalisée par la mobilisation de cette élite locale en la « connectant » avec les dispositifs de financement (Bono, 2010).
Dans le contexte particulier de Todgha-Ferkla, l’ouverture politique et le paradigme de la participation ont eu comme effet une forte mobilisation de la coopération internationale qui a monté des programmes spécifiques en appui aux ONG et OPA de la vallée. Par ailleurs, la forte mobilisation de la diaspora a permis la mise en réseau avec les ONG internationales et un accès plus régulier à des financements de la coopération décentralisée.
Fig. 2 Évolution chronologique des organisations étudiées. Sources : nos enquêtes. Chronological evolution of the organizations surveyed. Sources: our surveys. |
4.2 Des leaders aux ressources différentes et aux objectifs stratégiques variés
Dans ce contexte de création d’organisations de développement local, une nouvelle génération de leaders a vu le jour. Nos observations des 22 organisations révèlent que ces leaders sont majoritairement des hommes (19/22) et plus rarement des femmes (3/22), plutôt âgés (60 % ont plus de 50 ans), avec un niveau d’instruction relativement élevé, une expérience avérée en matière de constitution d’OPA et d’ONG, une capacité de montage et de gestion de projets, des savoirs techniques agricoles et une capacité de mobilisation de fonds.
Nous avons identifié trois types de leaders : des leaders associatifs majoritaires dans la vallée (13/22), des entrepreneurs (3/22) et des promoteurs de développement (6/22). Cette typologie ne fige pas les leaders identifiés, mais donne les traits dominants de leurs profils. Pour chaque type de leader (Tab. 2), nous résumons les effets des SO dont il a bénéficié, ses objectifs stratégiques, ses ressources et la nature de son action de développement.
Structures d’opportunités, ressources et objectifs stratégiques des leaders.
Opportunity structures, resources and strategic objectives of leaders.
4.2.1 Leaders associatifs
Cette catégorie regroupe les leaders des associations, GIE et coopératives. Ils ont saisi l’ouverture des institutions publiques vers la société civile qui se traduit par un processus de participation au développement, l’appui à l’organisation des bénéficiaires en ONG et OPA et le déploiement de mécanismes de financement par l’État, la coopération internationale et/ou la diaspora.
Ces leaders ont émergé en s’appuyant sur leur niveau d’études leur facilitant le montage des dossiers de projets. Ils ont su et pu rapidement se familiariser avec les procédures administratives, le langage de l’État et des bailleurs. En quête de légitimité, ils mettent en avant leur rôle d’innovateur et leurs capacités de gestion : « j’ai été parmi les premiers à mettre en place une AUEA dans la vallée en 1997 pour organiser la gestion de l’eau d’irrigation, régulariser l’action et porter la parole au nom du collectif » (ex-enseignant, 59 ans). Certains se projettent également dans un processus d’encouragement des plus jeunes au travail associatif : « j’ai mis en place mon association de développement en 2004, puis d’autres par la suite. Actuellement, j’encourage les jeunes à intégrer le travail associatif pour assurer la relève » (fonctionnaire, 54 ans).
Les leaders associatifs réussissent à tisser des relations avec les différentes administrations au niveau provincial et régional et à bénéficier de l’appui de la coopération internationale au développement : « en 2002, j’ai appris par le biais d’une connaissance à l’ORMVAO la possibilité de bénéficier de l’aide de l’État avec la coopération japonaise au développement (JICA). J’ai introduit une demande d’appui à la rénovation des khettaras » (militant associatif, 63 ans).
Se projetant dans une échelle supérieure à celle de leurs associations, avec d’éventuelles prétentions électorales dans les communes rurales, ces leaders aident les autres à s’organiser dans un cadre associatif, qui constitue in fine une mobilisation de nouveaux alliés. Ils coordonnent l’action collective dans des fédérations de développement et des unions d’AUEA. Ils conçoivent des projets communautaires, lèvent des fonds pour leur financement et contribuent à formuler un plaidoyer pour le développement de la vallée.
4.2.2 Leaders entrepreneurs
Appartenant aux différentes OPA et ONG, ces leaders sont installés sur des exploitations dites « modernes », en dehors des oasis historiques. Ils se mobilisent dans un collectif pour pouvoir bénéficier personnellement des mécanismes de financement du PMV, notamment les subventions pour l’installation du « goutte à goutte » et la distribution de plants. Ils ont un niveau d’instruction élevé et une expérience importante et diversifiée dans les domaines de l’agriculture, de la construction des bâtiments et de l’enseignement. En plus de leurs objectifs individuels d’enrichissement, ils contribuent à la gestion des organisations et cherchent à acquérir une reconnaissance auprès des oasiens en occupant des positions stratégiques dans les OPA : « le travail dans une ferme en 2006, équipée en goutte à goutte, m’a facilité l’accès à une coopérative. J’ai trouvé que les agriculteurs reconnaissent les compétences que j’ai acquises » (agriculteur, 54 ans).
Pour ce faire, ils mobilisent leurs connaissances en matière de conduite technique des cultures. Ils sont porteurs d’innovations en introduisant de nouvelles variétés prisées de palmier dattier, de techniques d’irrigation localisée avec usage de l’énergie solaire et de techniques de recharge de l’eau souterraine. Ils estiment être capables de bien gérer leur exploitation : « en 2002, j’ai planté 12 ha de dattes Mejhoul en bio. Avec la sécheresse, j’ai installé deux bassins de recharge, le premier en 2012 et le second en 2017. Cette idée est survenue d’un besoin, d’une nécessité avec l’accentuation de la rareté des ressources en eau » (agriculteur, 70 ans). À travers cette posture de gestionnaires et d’innovateurs, ils se positionnent comme porteurs de conseil agricole à d’autres agriculteurs qu’ils peuvent mobiliser dans leurs OPA.
4.2.3 Leaders promoteurs de développement
Il s’agit d’hommes et de femmes ayant vécu loin de leurs terres d’origines et qui reviennent dans la vallée pour des raisons familiales et/ou professionnelles. Durant leur mobilité, ils ont acquis un savoir professionnel en matière de gestion des OPA et ONG, de conception des projets et de capacité de levée de fonds. À la différence des leaders associatifs, ils occupent des registres plus larges que ceux de leurs organisations. Ils mettent en avant leur rôle pour le développement de la vallée au niveau provincial et régional et mobilisent leur capital social pour drainer de nouvelles formes de financement.
Ces leaders bénéficient de la reconnaissance de l’État une fois qu’ils sont organisés collectivement dans un cadre légal. Cette organisation ouvre aussi des possibilités de collaboration avec les bailleurs de fonds. Ils ont acquis une légitimité grâce à la reconnaissance par leurs pairs et à leurs capacités à accompagner les organisations de développement local dans la vallée et à lever des fonds pour leurs projets.
Leurs objectifs stratégiques se résument à la volonté d’acquérir une légitimité auprès des ONG, OPA et de la population locale, de formuler un plaidoyer pour des causes environnementales et de se positionner comme « les référents » qui portent « l’intérêt général » du développement du territoire. En assimilant les codes des bailleurs internationaux, ils jouent le rôle de courtiers du développement en drainant des financements vers leurs territoires : « de retour au bled (2002), j’ai créé une association du développement local (en 2003) en m’inspirant de l’association des œuvres sociales des fonctionnaires de ma structure de travail. J’ai voulu profiter de l’atmosphère créée par l’INDH et les bailleurs de fonds pour avoir des ressources pour développer ma localité » (fonctionnaire, 56 ans). Ils développent des ambitions qui dépassent le local visant le niveau régional : « je suis convaincu de l’intérêt de travailler au niveau régional afin d’améliorer la visibilité et l’image des oasis. J’utilise pour cela ma casquette académique » (enseignant, 58 ans).
4.3 Rôle des leaders dans le développement de leur territoire
Nous présentons ici deux cas d’étude illustrant la capacité des leaders de deux organisations à mener des actions de développement de leurs territoires. Le premier a cherché à redynamiser une OPA provinciale en difficulté et le second a mis en place un projet de développement territorial.
4.3.1 Redynamisation d’une OPA par le biais de son leader : la coopérative Imlil
La coopérative laitière Imlil a été créée en 1984. Ses adhérents ne dépassaient pas la trentaine à sa création. En 2021, elle comptait 300 adhérents, dont 94 actifs. Son bassin de collecte et de commercialisation a connu un élargissement spectaculaire. Les données de la coopérative montrent que 47 % de la quantité de lait collectée provient de la Todgha Essoufla, 29 % de Tinghir, 15 % de Taghzout n’Ait Atta et 9 % de Todgha Oulia. Les produits laitiers sont vendus à Tinghir, Tinjdad, Goulmima, Jorf, Erfoud et Rissani.
La coopérative a connu une chute de production à la fin des années 1990, due au départ de quelques adhérents suite à des problèmes de mauvaise gestion financière des anciens comités de gestion. En 2006, une hausse de production a été enregistrée (677 000 litres collectés par an) suite à l’appui de l’INDH. En 2012, Imlil a enregistré une nouvelle hausse de production (718 000 litres collectés par an) grâce à l’appui du PMV en 2011. La coopérative a connu une diversification dans la transformation des produits : le lait battu (lben), yaourt, beurre et d’autres dérivés du lait.
Moustapha est un agro-entrepreneur ayant des qualités managériales grâce à ses études en économie et une expérience avérée dans la gestion d’une exploitation agricole. Il a intégré la coopérative comme membre en 2011, puis a été fortement encouragé par l’ORMVAO à occuper une fonction de responsabilité qui lui permettrait de sauver la coopérative qui était sur le chemin de la faillite. Il a été envoyé en formation par les pairs dans une coopérative laitière dynamique du Sud du Maroc. Il a intégré le conseil d’administration pour ensuite devenir président en 2014. Moustapha a su mobiliser ses compétences et diverses ressources pour remettre son OPA « sur la bonne voie » en modernisant sa gouvernance, mobilisant plus d’adhérents et diversifiant ses activités. Il a gagné la confiance des adhérents en mettant en avant ses connaissances : « en 2012, j’ai mis en avant mes connaissances en économie ; les adhérents, les représentants de l’ORMVAO et les autorités locales m’ont sollicité pour être trésorier de la coopérative en 2013 ». Moustapha s’est servi de ses connaissances en gestion pour moderniser la coopérative : « j’ai recruté un directeur et choisi un bon comptable et une bonne équipe pour sauver la situation ». Puis il a utilisé ses connaissances en économie et gestion pour assurer la continuité de la coopérative « afin d’assurer leur continuité dans la coopérative, j’ai annulé les dettes des adhérents en difficulté. Grâce à cela, nous collectons en moyenne 2,4 tonnes/jour dont la majorité est du lait et du petit lait. Nous encourageons nos adhérents en leur achetant le litre de lait à 4 MAD (environ 0,4 €) ».
Les agriculteurs lui reconnaissent son « respect du règlement » et sa capacité à restaurer un « climat de confiance ». Les agents de l’administration apprécient ses performances de gestion : « la réussite d’Imlil est due à l’honnêteté de son leader, à sa capacité de moderniser sa gestion en recrutant un directeur compétent » (directeur d’un centre de mise en valeur, 45 ans). Cette reconnaissance lui a permis de rapprocher sa coopérative, de façon significative, des structures administratives locales et régionales, sécurisant ainsi des financements pour l’investissement. Essentiellement dans les programmes étatiques de l’INDH (2006) et du PMV (2011), ces mécanismes de financements ont permis de construire un nouveau bâtiment pour la coopérative et deux locaux de stockage des aliments du bétail, et d’acheter du matériel de production (ensacheuses et pasteurisateurs). Le réseau de Moustapha avec l’ORMVAO lui a permis de bénéficier de financements dans le cadre de la coopération décentralisée. L’aide de l’ORMVAO (2018), en collaboration avec l’association AGIR et la région Franche-Comté en France, lui ont permis d’équiper Imlil d’un matériel de laboratoire pour contrôler la qualité du lait collecté. Dans la province de Tinghir, Moustapha se coordonne avec l’union des AUEA pour fédérer les actions de développement, faisant ainsi bénéficier les adhérents de la coopérative de différents appuis.
4.3.2 Un projet territorial pour une collectivité ethnique : cas de l’Association Afanour pour le développement
Taher est un promoteur de développement. Il a impulsé un ensemble d’organisations de développement local au sein de sa localité aux environs de la ville de Tinghir. Sa capacité à mobiliser la diaspora d’Afanour et les bailleurs de fonds nationaux et internationaux a contribué à la mise en place d’un projet de développement du territoire.
L’association a été créée en 2003. Son territoire d’action est la localité d’Afanour à proximité de la ville de Tinghir. Son objectif était de promouvoir le développement de cette localité. Elle compte plus de 1200 adhérents. Son domaine d’intervention initial couvrait la culture, l’agriculture, le sport, l’environnement, l’enfance et le développement socioéconomique des femmes. Des organisations sectorielles spécialisées ont ensuite été créées pour chacun de ces domaines. Il s’agit notamment de la coopérative Assims (2018) pour la commercialisation des dattes, l’association des jeunes d’Afanour pour la culture et le sport (2014), l’association Afanour pour la femme et l’enfant (2013), une AUEA (2008) et l’association des parents d’élèves (2017).
Le projet collectif de plantation de palmiers dattiers a fondé la notoriété de l’association aux échelles locale, nationale et même internationale. Initié en 2007, il vise à planter 20 000 à 25 000 pieds de palmiers de variété Mejhoul en irrigation localisée avec usage de l’énergie solaire sur 2000 parcelles de 400 m2, en dehors des oasis historiques. Sa mise en place fut le résultat d’un « marathon » de discussions pour l’accès aux terres collectives avec les représentants des différentes fractions de la tribu (Taqbilt). Ce marathon a permis à chaque ayant droit de bénéficier d’une parcelle sur la base d’un tirage au sort. Le coût global du projet a dépassé les 2,3 millions de MAD (environ 215 000 €) entre 2007 à 2019. Les résultats de ce projet couvrent plusieurs aspects : i) économique, en générant des revenus pour les membres à travers la commercialisation des dattes, ii) social par le financement de plus de 3000 journées de travail et iii) environnemental par l’orientation récente vers la diversification de cultures en implantant l’arboriculture fruitière en plus du palmier dattier. Les données de 2023 montrent que plus de 35 % des parcelles sont plantées. Quelques difficultés liées à l’installation technique de l’irrigation au goutte à goutte freinent la plantation.
Dans ce projet de territoire, le rôle de Taher fut remarquable. En collaboration avec d’autres membres de l’association, il a réorganisé le tour d’eau et installé des motopompes, ce qui lui a permis de gagner la confiance des autres membres de la tribu. Il a également coordonné son action avec la Fédération des associations de développement (FAD) de Tinghir. Avec l’appui de la FAD (2006), il a bénéficié de formations sur la conception et le montage des projets, sur la gestion des associations et de quelques équipements au profit de l’association de la femme et de l’enfant.
Taher a eu recours à plusieurs stratégies de collecte de ressources avec plusieurs bailleurs de fonds nationaux : le Conseil national des droits de l’Homme (2010) dans le cadre du programme de réparation communautaire, l’INDH (2017), l’ORMVAO (2019) et l’Agence de bassin hydraulique (2018). Ces fonds ont permis de creuser des puits et de mettre en place des bassins d’irrigation. Taher a su mettre son organisation en réseau avec les ONG et bailleurs de fonds internationaux en mobilisant la diaspora d’Afanour organisée dans des ONG en Europe. À travers l’association Alkaria en Catalogne, Afanour a pu bénéficier d’un financement (2016) dans le cadre de la coopération décentralisée avec les municipalités de L’Hospitalet de Llobregat et d’Abrera (Espagne). Ce financement a permis d’acheter des plants de palmier dattier pour les femmes démunies et de finaliser quelques installations techniques. Taher s’est appuyé sur deux membres d’Afanour fonctionnaires de la collectivité territoriale et de la province de Tinghir pour bénéficier de deux projets permettant d’installer deux pépinières et 54 panneaux solaires.
Nous avons montré à travers ces deux exemples la capacité des leaders de deux organisations à mener des actions de développement au sein de leur territoire. Cependant, les ONG et OPA sont confrontées à deux difficultés : i) la première est liée à la succession des leaders, notamment le faible engagement des jeunes dans la continuité des actions des ONG et OPA et dans le développement territorial. Les jeunes sont à la recherche d’emploi et pensent souvent à émigrer vers l’autre côté de l’Atlantique. ii) La seconde difficulté est le faible accompagnement de ces organisations par les agents de l’administration. Les leaders considèrent qu’un accompagnement technique, institutionnel et stratégique est nécessaire pour la continuité et la durabilité de leurs actions.
5 Discussion et conclusion
La dynamique de l’action collective dans la vallée de Todgha Ferkla témoigne d’une capacité accrue d’action collective au niveau local dans les zones oasiennes et arides du Maghreb (Hamamouche et al., 2023). Cependant, nos résultats montrent que cette vivacité reste liée aux caractéristiques individuelles d’une génération de leaders et à leur capacité à mener des actions concrètes sur leurs territoires en stabilisant et pérennisant leurs organisations ou en mettant en œuvre des projets de territoire. Ces actions collectives, animées par les leaders, bénéficient également d’un mouvement fédérateur assez visible dans la vallée. Cet effort de coordination n’est pas dépourvu de risques. En effet, sa réussite et sa durabilité dépendent : i) de la capacité des individus qui l’orchestrent à concilier leurs projets individuels avec ceux de leur collectif (Mohamed et al., 2015) et ii) de la capacité des pouvoirs publics à accompagner et encadrer cette dynamique pour que son action ne se limite pas à une simple compétition entre organisations de développement local pour bénéficier d’investissements ou de subventions (Magha, 2010).
Au-delà de leur dynamique, se pose la question de la pérennité des ONG et OPA au sein de la vallée. La place des jeunes pour prendre la relève est cruciale, les leaders des organisations étant plutôt âgés. Contrairement à d’autres recherches montrant comment les jeunes se saisissent des ONG pour se légitimer localement (Kadiri et Errahj, 2015), dans la vallée de Todgha, les leaders interrogés, qui étaient jeunes lors de leurs premières initiatives collectives, ne parviennent plus à mobiliser les jeunes d’aujourd’hui. Pour les jeunes, l’engagement dans l’action collective est lié à la fois à leurs convictions et motivations. En matière de conviction, les jeunes de la vallée de Todgha ne s’identifient pas de la même manière à leur territoire. Si une partie des jeunes est plus attirée par la tentation de l’émigration, d’autres s’engagent dans les OPA et ONG. La motivation de la catégorie convaincue par le travail collectif est confrontée à la recherche d’emploi. Les jeunes cherchent souvent à se garantir un revenu stable et par la suite à donner bénévolement du temps au travail associatif et coopératif. Ne serait-il pas plus judicieux pour les pouvoirs publics d’inscrire l’accompagnement des ONG et OPA dans une vision entrepreneuriale et de l’économie sociale ? L’organisation de formations au profit des organisations de développement local et des jeunes (Shields, 2008) sur ces aspects pourraient rendre ces organisations plus attractives pour les jeunes et garantir leur pérennité.
En plus de la réussite de la relève par les jeunes, se pose la question cruciale de l’autonomisation des ONG et OPA afin qu’elles puissent continuer à remplir leur mission de développement territorial (Mees et al., 2019). Certaines OPA que nous avons analysées ont amélioré leurs recettes financières à travers la diversification de leurs activités. Toutefois, elles manquent d’accompagnements technique, institutionnel et stratégique adaptés à leurs contraintes pour une meilleure autonomisation. Cette autonomisation passerait par un long processus de renforcement des capacités individuelles et collectives (Dumora et al., 2010), par l’organisation de formations sur la planification stratégique et la capacité de levée de fonds. Ce renforcement permettrait aux leaders d’assimiler et d’ajuster continuellement le modèle économique de leurs organisations, de concevoir des projets adaptés aux appels à projets internationaux et de se professionnaliser en vue de sécuriser le financement de leurs activités. Le deuxième levier pour l’autonomisation des organisations est lié aux domaines socioculturel et relationnel ; l’existence d’une diaspora active en Europe pourrait contribuer à cette autonomie. À la lumière de l’expérience de l’association d’Afanour, la capacité de mobilisation du capital social pourrait engendrer des ressources de financement durable en mettant les organisations en réseau avec des bailleurs de fonds dans le cadre de la coopération décentralisée.
En matière de développement territorial, les exemples de la coopérative Imlil et de l’Association Afanour illustrent la capacité des organisations à mener des actions de développement de leur territoire en redynamisant et élargissant le champ d’action de la coopérative et en réussissant un projet collectif inclusif sur des terres collectives. Cette capacité est liée à l’existence de leaders instruits, capables de répondre aux attentes des politiques publiques, de concevoir leurs projets avec les bailleurs de fonds et en mesure de mobiliser la diaspora. Cependant, la tentation pour ces leaders d’évoluer vers des arènes politiques telles que le parlement ou les communes pourrait fragiliser les ONG et les OPA en entremêlant la mobilisation de leurs dirigeants à la fois pour des fins électorales (Ftouhi et al., 2020) et de développement du territoire.
Les opportunités offertes par les pouvoirs publics en collaboration avec les bailleurs de fonds favorisent la possibilité d’émergence de leaders engagés dans le développement de la vallée de Todgha Ferkla. Toutefois, ces opportunités ne permettent pas à elles seules d’assurer une réelle réussite de la mise en place d’actions de développement territorial. L’accompagnement sur le long terme par les acteurs des pouvoirs publics, ainsi que la reconnaissance de la responsabilité des organisations de développement local et de leurs leaders dans le processus de développement territorial, renforceraient le soutien aux actions menées par les leaders et garantiraient que leurs actions soient destinées effectivement à des fins de développement territorial. Dans une démarche de co-construction territoriale, un tel soutien pourrait redéfinir la place des OPA et ONG, qui peuvent jouer un rôle crucial dans l’animation des actions de développement au sein de leur territoire.
Remerciements
Nous voulons remercier particulièrement le réseau SIRMA et le projet Massire, financé par le FIDA, pour leur appui scientifique et financier ayant permis de finaliser cet article.
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Liste des tableaux
Caractéristiques des organisations étudiées.
Characteristics of the organizations surveyed.
Structures d’opportunités, ressources et objectifs stratégiques des leaders.
Opportunity structures, resources and strategic objectives of leaders.
Liste des figures
Fig. 1 La vallée de Todgha Ferkla. Todgha Ferkla Valley. |
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Fig. 2 Évolution chronologique des organisations étudiées. Sources : nos enquêtes. Chronological evolution of the organizations surveyed. Sources: our surveys. |
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