Open Access
Issue
Cah. Agric.
Volume 26, Number 4, Juillet-Août 2017
Article Number 45006
Number of page(s) 8
Section Études originales / Original Studies
DOI https://doi.org/10.1051/cagri/2017039
Published online 25 August 2017

© M.O. Diawara et al., Published by EDP Sciences 2017

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.

1 Introduction

L'élevage constitue l'une des principales activités économiques du Sahel avec une contribution de 30 à 40 % aux Produits intérieurs bruts agricoles de pays comme le Burkina Faso, le Cap-Vert, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Soudan et le Tchad (Mulumba et al., 2008). En plus de cette participation à l'économie, l'élevage pastoral constitue l'un des principaux modes de production agricole au Sahel. Les pays sahéliens disposent d'un important potentiel de production de viande avec un cheptel estimé en 2006 à 63 millions de bovins, 168 millions de petits ruminants et plus de 6 millions de camelins (Dicko et al., 2006).

Basé sur la pâture des parcours, et de quelques jachères, l'élevage dans cette région repose sur des disponibilités fourragères fortement dépendantes des aléas climatiques et des variations saisonnières de la pression de pâture comme l'ont montré les grandes sécheresses des années 1970 et 1980 (Toulmin, 1985). Ces sécheresses ont causé la perte de près de 80 % du cheptel de la région et entraîné le déplacement de milliers de personnes (Toulmin, 1985).

Malgré l'ampleur des pertes en bétail, la succession d'années humides à partir de 1994, bien que ponctuée d'années localement sèches comme celles de 2004 et 2008 (Lebel et Ali, 2009), a permis la reconstitution numérique du cheptel (Pradère, 2007). Au Mali, les effectifs de bovins ont ainsi augmenté de 30 % entre 1990 et 2005, et ceux des petits ruminants de 26 % (Mulumba et al., 2008).

Cette hausse des effectifs de bétail, doublée d'une mobilité pastorale restreinte, oblige les animaux à mobiliser davantage leurs réserves adipeuses (Pullan, 1980). En plus des pertes saisonnières de poids qui caractérisent ce type d'élevage et des risques de mortalité, ces contraintes peuvent également affecter la capacité reproductrice des femelles, en particulier l'âge de la première mise bas et l'allongement des intervalles entre deux parturitions (Blanc et al., 2006).

Alors que la hausse nationale des effectifs de bétail au cours des vingt dernières années est confirmée par plusieurs auteurs, il semble que la productivité des troupeaux s'affaiblit (Pradère, 2007). Cependant, les paramètres de reproduction sont peu documentés et la viabilité de l'élevage pastoral naisseur au Sahel demeure mal évaluée. Les seules statistiques disponibles sur les effectifs de bétail sont issues des campagnes de vaccination et elles sont à la fois éparses et très peu fiables (Wint et Bourn, 1994). À cela s'ajoute la rareté des données démographiques sur les élevages pastoraux. L'élevage pastoral à Hombori comme partout ailleurs au Sahel devrait profiter de l'opportunité liée à l'accroissement de la demande en produits animaux à l'échelle régionale tout en s'adaptant à un milieu soumis aux aléas évoqués précédemment.

La présente étude a pour objectif d'évaluer la productivité mais aussi la viabilité de l'élevage pastoral au Sahel à travers le cas d'élevages de familles résidentes de la commune de Hombori située au nord-est du Mali.

2 Matériels et méthodes

2.1 Sites d'étude

Les données utilisées ont été collectées auprès de 120 ménages de Hombori, l'un des quatre sites étudiés dans le cadre du projet ECliS (Élevage Climat et Société). Les ménages se répartissent entre 9 villages qui ont été choisis de façon à capter la diversité des systèmes d'élevage pastoraux résidants (Fig. 1). Ces villages forment deux grands ensembles en fonction de l'activité principale du chef de ménage.

Le premier ensemble est constitué de villages agropastoraux (Béria, Garmi, Dossou, Bilantao et Kiri). Dans ces villages, malgré les faibles rendements, l'activité dominante est la culture du mil. L'élevage y est essentiellement ovin et caprin avec des troupeaux de petite taille. Outre ces deux activités, le commerce de bétail et l'artisanat constituent les autres sources de revenus pour ces populations essentiellement sédentaires.

L'autre ensemble que forment les villages pastoraux de Darawal, Agoufou, Kelma et Tondibongho, se caractérise par l'élevage comme activité dominante. Les parcours de la commune de Hombori sont aussi exploités de juillet à février par des troupeaux transhumants en provenance des plaines du Macina, saisonnièrement inondées par la crue annuelle du fleuve Niger (Wilson, 1988), mais aussi des régions mitoyennes à l'ouest (Haïré, Seno Mango), au sud (Djelgobé) et au nord (Gourma). Ces éleveurs et leurs troupeaux ne sont pas inclus dans l'échantillon étudié à cause de l'irrégularité et de la saisonnalité de leur présence sur la commune. Les enquêtes réalisées dans l'échantillon montrent l'existence de tensions autour de l'accueil de ces troupeaux qui seraient responsables d'exploitation « abusive » des ressources pastorales.

thumbnail Fig. 1

Localisation des villages de l'étude dans la commune de Hombori.

Localisation of study villages in the Hombori district.

2.2 Les méthodes d'enquête

La collecte des données s'est appuyée sur des méthodes d'enquêtes rétrospectives : la méthode 12MO (12 mois) et la méthode des carrières de reproductrices (Lesnoff, 2011). La méthode 12MO développée par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l'International Livestock Research Institute (ILRI), est une méthode d'enquêtes rétrospectives pour l'estimation systématique de paramètres démographiques : composition du troupeau par sexe et classes d'âge, taux de fécondité, de mortalité et les flux d'entrées et sorties sur l'année. Basée sur des entretiens avec les éleveurs, elle permet de reconstituer la démographie du troupeau durant les 12 derniers mois ayant précédé l'enquête sur la base des animaux entrés et sortis du troupeau. Les enquêtes sont réalisées en une visite au cours de laquelle le troupeau doit être sur place.

L'enquête sur la carrière de femelles permet d'estimer des paramètres de reproduction des femelles, de préférence nées dans le troupeau sur une période rétrospective qui s'étend à toute la vie de la reproductrice jusqu'à la date de l'enquête. Les taux démographiques dits naturels sont estimés d'après les mises bas déclarées et les taux de mortalité et d'exploitation à partir du devenir des jeunes issus de ces mises bas (Lesnoff, 2011). Ces enquêtes ont été conduites dans la commune de Hombori entre le 15 juillet et le 15 septembre 2011. Les paramètres de reproduction ont été établis sur un sous échantillon de 134 vaches, 35 brebis et 49 chèvres. Ils portent sur l'âge de la femelle, le nombre de mises bas au cours de la carrière et au cours des 12 derniers mois précédant l'enquête, le nombre d'avortements au cours de la carrière et au cours de la même période, le nombre de nés vivants mâles ou femelles, le nombre de mort-nés et nombre de jeunes morts, le devenir de chaque jeune. Les autres flux d'entrées et de sorties d'animaux ont été également caractérisés par des enquêtes (12MO) pour la même période. Le décompte des sorties d'animaux a été fait par espèce et par catégorie d'âge en distinguant mortalité, abattage, perte, don de l'éleveur (zakât) et vente. Les gains étant ceux dus aux naissances dans le troupeau, aux dons à l'éleveur ou aux achats (Lesnoff, 2011).

2.3 Analyse des données

Les paramètres démographiques des troupeaux ont été estimés à partir des données collectées. Le calcul de la productivité des troupeaux (R) repose sur l'équation proposée par Lesnoff (2011) qui s'appuie sur les paramètres démographiques recueillis et calculés précédemment : (1)

Dans cette équation, Δn représente la variation de stock au cours de l'année (potentiel exploitable moins la production effective), O et I, les animaux respectivement exploités (abattages, ventes, dons cédés) et importés (achats, dons reçus) dans le troupeau au cours de l'année, Nm étant l'effectif moyen du troupeau au cours de l'année. Le potentiel exploitable représente les naissances, dont on déduit les mortalités et les pertes au cours de l'année. La production effective étant l'exploitation (abattages, ventes et dons cédés) moins les importations (achats et dons reçus). La variation du stock rapportée à l'effectif moyen estime le taux de croît annuel du troupeau (Tc). (2)

La production nette du troupeau (O – I) rapportée à l'effectif moyen estime le taux d'exploitation du troupeau (Tx) au cours de l'année (Lesnoff, 2011). (3)

Pour les pratiques pastorales, un certain nombre de variables ont été utilisées pour élaborer une typologie des pratiques pastorales pour laquelle une analyse factorielle des correspondances multiples, puis une classification ascendante hiérarchique, ont été réalisées. Les variables retenues pour cette analyse sont : les espèces élevées, le statut du troupeau (gestion directe ou confiage), son orientation (séparation en plusieurs catégories de gestion ou conduit en un seul bloc), la mobilité saisonnière, le recours à une complémentation, les taux d'exploitation. Les autres variables (accès aux services vétérinaires, mode de surveillance du troupeau, difficultés d'accès aux parcours) ont été écartées à cause de leur faible participation à la distinction des types de pratiques pastorales.

3 Résultats

3.1 Les troupeaux

Les enquêtes ont permis d'échantillonner 109 troupeaux de bovins, 96 troupeaux d'ovins et 105 troupeaux de caprins. Les élevages sont mixtes le plus souvent et la configuration la plus répandue est l'association des trois espèces qui représente 68 % des élevages de l'échantillon étudié. À l'opposé, on note l'absence d'élevage monospécifique d'ovins. Les effectifs moyens et leurs écart-types des troupeaux étudiés sont de 48 ± 41 têtes pour les bovins, 28 ± 20 têtes pour les ovins et 39 ± 29 têtes pour les caprins. Dans ces troupeaux, tous les animaux ne sont pas en propriété et les taux de confiage représentent 19 % des effectifs de bovins, 7 % des effectifs d'ovins et 6 % des effectifs de caprins.

3.2 Modes de conduite des troupeaux

La composition spécifique des troupeaux nécessitant des modes de conduite propres à chaque exploitation, il a été possible d'identifier cinq types de pratiques pastorales (Tab 1). L'élevage de la commune repose sur l'exploitation des parcours et très secondairement des résidus de cultures. La mobilité du bétail de la commune s'exerce dans un rayon limité (15 à 20 km), ce qui justifie un recours fréquent à la complémentation alimentaire. La durée de cette complémentation, les quantités distribuées et les catégories d'animaux qui reçoivent ces rations varient énormément en fonction des exploitations. La stratégie de normalisation des observations que nous avons utilisée a été de ramener les quantités distribuées au nombre de femelles adultes dans l'exploitation. En 2011, le niveau de complémentation observé dans les exploitations de l'échantillon étudié était de 0,7 ± 0,5 kg/jour de tourteau de coton, par femelle adulte pendant 120 ± 54 jours.

Tableau 1

Typologie des pratiques pastorales à Hombori en 2011.

Typology of pastoral practice to Hombori in 2011.

3.3 Paramètres démographiques

3.3.1 Âge à la première mise bas (APMB)

L'âge moyen au premier vêlage est de 60 ± 13 mois (n = 134) avec un coefficient de variation de 22 %. Cet âge varie en fonction de la race, qui explique 20 % des variations totales. Il est de 61 ± 12 mois pour les zébus Maures, de 47 ± 10 mois pour les zébus Peuhls et de 71 ± 13 mois pour les zébus Bororos. Globalement, l'âge d'entrée en reproduction est indépendant du troupeau d'appartenance de la vache. L'âge moyen au premier vêlage est supérieur à ceux observés par Tamboura et al. (1982) et Wagenaar et al. (1986) dans des élevages du centre du Mali. L'âge au premier agnelage est de 16 ± 6 mois (n = 35) avec un coefficient de variation de 39 %. Pour les caprins, l'âge à la première mise bas est de 14 ± 4 mois (n = 49) avec un coefficient de variation de 30 %. Ces âges sont très proches de ceux observés par Wilson (1988) dans des systèmes pastoraux proches de celui de Hombori. Contrairement aux bovins, l'âge à la première mise bas varie beaucoup entre les troupeaux pour les troupeaux de petits ruminants , ce qui explique 28 % à 30 % des variations observées respectivement chez les ovins et les caprins.

3.3.2 Intervalle entre parturitions

L'intervalle entre deux parturitions est de : 25 ± 5,4 mois pour les zébus Bororos, 21,7 ± 7,7 mois pour les zébus Maures et de 18,8 ± 4,1 mois pour les zébus Peuhls. Pour les petits ruminants, cet intervalle est de 11,9 ± 2,6 mois pour les ovins et 10,7 ± 2,6 pour les caprins. Ces amplitudes entre parturitions sont légèrement supérieures à celles observées par Wilson (1988) au centre du Mali avec 8,7 ± 2,5 et 9,7 ± 3,5 mois, respectivement pour les ovins et les caprins.

3.3.3 Taux d'avortement

Les taux d'avortement moyens et les coefficients de variation suivants ont été enregistrés dans les troupeaux de l'échantillon : 2,43 ± 11,2 % ; 3,2 ± 9,5 % et 18,7 ± 99 % respectivement pour les bovins, ovins et caprins. Le taux d'avortement des caprins est élevé et le coefficient de variation observé de 99 % est dû à la perte de la quasi-totalité des portées d'un des troupeaux à la suite de l'introduction d'un nouveau géniteur. Ce genre de pratique qui vise « l'amélioration génétique » est courante et n'est pas sans danger. En effet, les mâles achetés sur le marché peuvent être porteurs de germes de maladies abortives comme la brucellose ou la fièvre Q qui peuvent anéantir la productivité annuelle, voire de plusieurs années. Les taux d'avortement calculés dans l'étude sont conformes à ceux rapportés dans d'autres travaux réalisés au Sahel. Wilson (1988) a observé au centre du Mali des taux d'avortement de 12,6 % pour les caprins et 5,1 % pour les ovins. Dans la même région, Wagenaar et al. (1986) ont enregistré entre 1979 et 1983 un taux moyen d'avortement de 6,7 % pour les bovins.

3.3.4 Taux de prolificité

Les taux de prolificité des trois espèces sont de 1,00 pour les bovins, 1,04 et 1,14 respectivement pour les ovins et les caprins. Les chèvres de notre échantillon ont une prolificité comparable à celle d'autres chèvres sahéliennes telles que celles observées par Wilson (1988) au centre du Mali qui ont une prolificité de 1,19. Elle est aussi inférieure à celle observée par Robinet (1967) pour des chèvres rousses de Maradi (1,44). Les prolificités des vaches et des brebis de notre échantillon s'apparentent aussi à celles observées ailleurs au Sahel dans des conditions d'élevage proches de celles de Hombori (Haumesser, 1975 ; Wilson et Light, 1986 ; Niaré, 1996).

3.3.5 Taux de mise bas

Pour les bovins de l'échantillon, le taux moyen annuel de mise bas est de 57 %. Ce taux se situe dans la fourchette des taux observés au Sahel. Il est inférieur à ceux rapportés par Wilson et Wagenaar (1983) au Niger, respectivement 69 et 63 %, mais supérieur aux 50 % observés par Wagenaar et al. (1986) au Mali. Chez les ovins, le taux moyen de mise bas de 83 % observé n'est pas exceptionnel au Sahel, mais ce taux est bas, comparé à ceux rapportés par Haumesser et Gerbaldi (1980) et Dumas (1980) dans des études réalisées respectivement au Niger et au Tchad. Les chèvres de l'échantillon ont un taux de mise bas moyen de 93 %. Ce taux est supérieur à la plupart des taux enregistrés ailleurs au Sahel (Tourrand et Landais, 1996). Cependant, Haumesser dans une étude réalisée au Niger en 1975 a enregistré un taux largement supérieur à celui de notre étude (114 %).

3.3.6 Taux de mortalité

En moyenne, les taux de mortalité juvénile (< 1 an) observés dans les exploitations de notre échantillon, s'élèvent à 8 % pour les bovins, 9 % pour les ovins et 15 % pour les caprins. Ces taux bruts de mortalité des petits ruminants sont inférieurs à ceux observés par Wilson (1988) à partir d'un suivi réalisé au centre du Mali entre 1978 et 1984. La cause la plus fréquemment évoquée par les éleveurs est une maladie foudroyante (la cowdriose, « Mberdè » en langue peuhl), qui frappe toutes les espèces. Sur la base des déclarations des éleveurs, cette maladie expliquerait 65 % des mortalités des bovins. Sur la base des mêmes déclarations, les stress nutritionnels sont responsables de 25 % des mortalités d'ovins, 10 % des mortalités de caprins et 3 % des mortalités de bovins.

3.4 Productivité des troupeaux et dynamique des élevages

La productivité annuelle des trois principales espèces est présentée en fonction des types de pratiques pastorales (Fig. 2). Élevés seuls ou en association avec d'autres espèces, les caprins de l'échantillon ont une productivité numérique supérieure à celle des deux autres espèces. Les caprins élevés en association avec des ovins (troisième type) dégagent une productivité numérique de 46,1 %. Les ovins de l'échantillon sont peu productifs et ont des taux de croît négatifs, ce qui pourrait justifier leur association systématique aux deux autres espèces. La productivité numérique des bovins de l'échantillon est très variable. Conduits seuls (cinquième type) ou en association avec des ovins et des caprins (premier type), les bovins dégagent une productivité numérique supérieure à 12 % alors que ceux du quatrième type conduit avec les caprins ont une productivité numérique presque nulle malgré le recours aux compléments alimentaires.

Les taux annuels d'exploitation des petits ruminants sont élevés dans l'échantillon, respectivement 21,9 % et 20,2 % pour les ovins et les caprins (Tab 2). Le taux annuel d'exploitation des bovins s'élève à 7,8 %. Les ventes constituent le premier facteur de sortie des animaux dans les troupeaux. Elles représentent 83,6 % des sorties de bovins, 74,4 % et 78,1 % respectivement pour les ovins et les caprins. Les autres sorties sont dues aux abattages. Malgré cette exploitation modérée, le croît annuel moyen des troupeaux en 2011 est faible pour les caprins (5,7 %) et négatif pour les bovins et les ovins, respectivement à −3,5 % et −5 %.

thumbnail Fig. 2

Productivité annuelle par espèce en fonction de la taille des troupeaux et des types de pratiques pastorales. Bov, Ov et Cap désignent respectivement, les bovins, les ovins et les caprins. T suivi d'un numéro désigne le type de pratiques pastorales d'appartenance.

Annual productivity (%) of each species depending on the herds size and pastoral practice types. Bov, Ov, Cap mean respectively cattle, sheep and goats. T followed by number means the type of pastoral practices of belonging.

Tableau 2

Dynamique démographique des troupeaux de conduite pastorale à Hombori.

Demographic dynamics of pastoral breeding to Hombori.

4 Discussion

4.1 Démographie des troupeaux

La différence de productivité entre les exploitations révèle l'importance des pratiques pastorales sur la productivité des troupeaux. Les bovins du quatrième type sont en confiage, l'éleveur n'est pas le gestionnaire alors que dans les deux autres types, il a tout ou partie du cheptel bovin en propriété et il est donc maître de toutes les décisions de gestion. La perte d'effectif de bovins et d'ovins observée dans l'échantillon est due aux fortes mortalités enregistrées en 2010 malgré une production fourragère estimée à 1845 ± 748 kg MS/ha sur le territoire de la commune de Hombori et ses environs.

D'autres facteurs comme la race ou la performance exceptionnelle de certaines femelles, liée à leur potentiel génétique, peuvent également expliquer cette différence de productivité entre exploitations (Clément et al., 1997). Cependant, le manque de recul dans le temps sur les flux d'animaux, la taille restreinte de l'échantillon, les effectifs restreints des troupeaux, l'absence d'élevages monospécifiques d'ovins et les fortes variations temporelles des paramètres démographiques qui caractérisent les systèmes pastoraux et agropastoraux, commandent la prudence dans l'interprétation de ces différences de productivité entre exploitations.

4.2 Quel avenir pour l'élevage pastoral au Sahel ?

Comme dans tout système pastoral, les pasteurs ont toujours des stratégies de déplacement. Celles que nous avons observées s'exercent en trois temps, elles sont basées sur une bonne connaissance des espaces et/ou des formes d'appropriation territoriale qui méritent attention. Notons par exemple qu'à la saison des pluies les animaux sont tous éloignés de la couronne villageoise cultivée, pour exploiter les espaces pastoraux ouverts. Lorsque les récoltes sont faites, les animaux pâturent résidus de culture et adventices. À l'épuisement de ces ressources, on peut indiquer deux types de stratégies.

La première concerne les groupes à dominante pastorale, ils conduisent les troupeaux au maximum à un jour ou deux de marche, dans le Séno au sud de la commune.

La seconde stratégie concerne les groupes à dominante agropastorale de l'échantillon. Dans quelques-uns de ces cas nous avons pu observer que les villageois pratiquent une « mise en réserve » d'espaces péri-villageois entre la zone de culture et celle pâturée en saison sèche (Gangneron, 2013). Ils restent donc inexploités par les animaux du village et par les pasteurs transhumants jusqu'en saison sèche chaude. Ces cas sont peu répandus car ils supposent une maîtrise villageoise de ces espaces qui leur sont généralement contestés par l'ensemble des pasteurs et plus particulièrement par les grands transhumants.

Une autre stratégie activée en saison sèche, le recours à la supplémentation, est également bridée par les prix pratiqués sur les compléments alimentaires peu ou pas subventionnés qui les rendent peu accessibles.

5 Conclusion

En dépit du caractère ponctuel de l'enquête et du mode de recueil des données basées sur la mémoire des éleveurs, les paramètres démographiques estimés dans cette étude sont en accord avec ceux observés dans des systèmes pastoraux sahéliens similaires à ceux de Hombori.

L'étude montre que l'élevage pastoral se maintient malgré les faibles rendements des troupeaux dus aux modestes performances de reproduction : première mise bas tardive, longs intervalles entre mise bas et faibles taux de prolificité, associés à des taux de mortalité et d'avortement variables entre les troupeaux et dans le temps mais globalement élevés. Les mortalités et pertes par avortement ont souvent une cause infectieuse mais cette morbidité est aggravée par l'état de sous-nutrition saisonnière caractéristique du Sahel. Dans ces conditions, une plus grande mobilité saisonnière des troupeaux est une voie pour optimiser l'utilisation des ressources pastorales et améliorer in fine la productivité des troupeaux.

Le recours à la supplémentation saisonnière et ciblée est une voie complémentaire pour maintenir la productivité de l'élevage. L'achat d'aliments du bétail se fait individuellement au détail et en période de crise en fin de saison sèche, alors que les prix sont au plus haut. Une politique d'achat coopératif en début de saison sèche devrait permettre de réduire le coût et de promouvoir le recours à la supplémentation. Cela permettrait de réduire l'impact des crises que peuvent engendrer des accidents climatiques tels que les sécheresses subies par les élevages de Hombori en 1972–1973 et en 1983–1984 et leur impact catastrophique sur le cheptel (Toulmin, 1985).

En dépit des crises traversées et de sa faible productivité, l'élevage pastoral perdure comme activité économique majeure des familles à Hombori. Il est vrai que ces familles ont adopté de longue date, en plus des stratégies pastorales, des stratégies de diversification d'activité. Suivant les groupes de population ces activités portent sur des cultures vivrières, mais aussi quelques cultures maraîchères, sur le commerce de bétail ou colportage, sur le bucheronnage et charbonnage, l'artisanat, le transport ou encore des membres de la famille ont recours à la longue tradition de migration saisonnière ou pluriannuelle de la région. C'est donc à la lumière de l'ensemble des activités pratiquées, à l'échelle de l'unité familiale que l'on parvient à comprendre la durabilité du système pastoral.

Remerciements

Les auteurs remercient le projet ANR-ECliS qui a financé en partie cette étude. Les auteurs remercient aussi les éleveurs de la commune de Hombori, ainsi que Boureima Cissé et Aly Maiga, pour leur coopération et leur accompagnement dans la conduite des enquêtes. Enfin, les auteurs remercient les relecteurs pour leurs nombreuses remarques.

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Citation de l'article : Diawara MO, Hiernaux P, Mougin E, Gangneron F, Soumaguel N. 2017. Viabilité de l'élevage pastoral au Sahel : étude de quelques paramètres démographiques des élevages de Hombori (Mali). Cah. Agric. 26: 45006.

Liste des tableaux

Tableau 1

Typologie des pratiques pastorales à Hombori en 2011.

Typology of pastoral practice to Hombori in 2011.

Tableau 2

Dynamique démographique des troupeaux de conduite pastorale à Hombori.

Demographic dynamics of pastoral breeding to Hombori.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Localisation des villages de l'étude dans la commune de Hombori.

Localisation of study villages in the Hombori district.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Productivité annuelle par espèce en fonction de la taille des troupeaux et des types de pratiques pastorales. Bov, Ov et Cap désignent respectivement, les bovins, les ovins et les caprins. T suivi d'un numéro désigne le type de pratiques pastorales d'appartenance.

Annual productivity (%) of each species depending on the herds size and pastoral practice types. Bov, Ov, Cap mean respectively cattle, sheep and goats. T followed by number means the type of pastoral practices of belonging.

Dans le texte

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