Open Access
Issue
Cah. Agric.
Volume 33, 2024
Article Number 2
Number of page(s) 8
DOI https://doi.org/10.1051/cagri/2023026
Published online 22 January 2024

© R. Mestiri et É. Berthold, Hosted by EDP Sciences 2024

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.

Introduction

Les enjeux actuels du développement agricole et de sa durabilité font dialoguer des ensembles de dimensions productives, écologiques, climatiques, socioculturelles, identitaires et économiques (Besson, 2003 ; Bühler et al., 2010 ; Caquet et al., 2020). L’approche systémique permet de considérer ces dimensions dans les dynamiques agricoles (Cochet, 2004 ; Dufumier, 2007 ; Gibbon, 2012 ; Jones et al., 2017). Parallèlement, l’agriculture urbaine (AU) n’a pas encore, ou peu, été étudiée dans son ensemble et selon une vision systémique (Kessler, 2003 ; Moustier et Danso, 2006 ; Vagneron, 2007 ; Franck, 2008 ; Opitz et al., 2016 ; Robineau et Soulard, 2017).

C’est aussi le cas de l’AU à Québec. Dans ce cas précis, peu d’études existent et se sont, pour la plupart, cantonnées à l’analyse des retombées socioculturelles des jardins (Boulianne et al., 2010), aux réglementations publiques (Bach, 2019), à la spatialité des jardins (Olivier-D’Avignon et al., 2009) ou encore à l’étude de cas de jardins (Prévost, 2016 ; Boulianne et Proteau, 2022). A contrario, les analyses systémiques font encore défaut. C’est là que se trouve l’objectif principal de cette étude : offrir une caractérisation systémique d’une forme d’agriculture urbaine sur le territoire de la ville de Québec.

Par ce travail exploratoire, nous traçons un portrait des jardins partagés d’autoproduction (JPA) de la ville de Québec pour comprendre : quels sont les types et formes ? Les pratiques ? Les acteurs ? Où se trouvent les unités de production ? De quelle manière se fait l’occupation du territoire ?

Matériel et méthode

Les jardins partagés d’autoproduction

La terminologie « JPA » n’est que peu utilisée dans la littérature (Guitart et al., 2012 ; Boulianne et al., 2019 ; Boulianne et Proteau, 2022). En effet, comme le soulèvent certains auteurs, l’agriculture urbaine est fortement rattachée au territoire, ce qui explique en grande partie la diversité de ses définitions et l’inexistence de typologie qui fasse consensus (Mougeot, 2000 ; Schiere et al., 2000 ; Danso et al., 2003 ; Vagneron, 2007 ; Van Veenhuizen et Danso, 2007). Il est dès lors nécessaire d’adapter la façon avec laquelle elle est étudiée et caractérisée dans chacun des territoires (Schiere et al., 2004 ; Schiere et al., 2006).

C’est l’approche que nous avons choisie de suivre dans ce travail en nous basant tout d’abord sur la littérature existante autour des JPA et dans un second temps en affinant la typologie par les données issues du recensement des jardins à l’étude. Dans cette recherche, les JPA sont considérés comme des espaces de culture de légumes et de plantes, aménagés sur des terrains mis à disposition d’un groupe spécifique de personnes. Ils peuvent être découpés sous forme de parcelles individuelles ou être un ensemble commun accessible à une communauté (définition propre adaptée à partir de Boulianne et al. (2019, p. 4)).

Deux modalités de cultures sont majoritaires à Québec :

  • Les jardins collectifs : parcelle unique où un groupe de personnes travaille ensemble pour cultiver des aliments. Selon le cas, les récoltes sont partagées entre les participants ou données pour l’aide alimentaire (idem) ;

  • Les jardins communautaires : ensemble de parcelles individuelles occupées par des personnes résidant généralement à proximité. Chaque personne est responsable de la culture de sa propre parcelle, de la plantation à la récolte (idem).

Deux autres types de modalités de culture existent, avec la particularité que les produits de la récolte sont accessibles à tous :

  • Les aménagements comestibles : ces aménagements paysagers à vocation comestible (ou foodscaping) sont des installations pour la culture de légumes, de fruits et de plantes aromatiques disposées dans des rues, des ruelles ou des parcs. Ces jardins sont généralement entretenus par des groupes citoyens ou des organismes à but non lucratif (OBNL) ;

  • Les forêts nourricières : espaces où l’on retrouve une variété d’arbres fruitiers, de noix et d’arbustes, parfois accompagnés de plantes potagères. Ils sont cultivés de manière collective.

Dans ces différentes catégories de modalités de JPA, on retrouve des spécificités de forme, de tenure des terrains et de gestion des jardins qui correspondent aux appellations suivantes (Figure 1) :

  • Les jardins pédagogiques : espaces aménagés dans des établissements scolaires et des garderies, visant à initier les enfants à l’AU. Les excédents de production peuvent être vendus ou donnés à des œuvres caritatives ou consommés sur place ;

  • Les jardins en institutions : conçus pour les personnes fréquentant des institutions, des organismes ou des entreprises. Une sous-catégorie est considérée dans ce travail, les jardins en entreprise, pour différencier les initiatives privées qui, dans leur majorité, sont ouvertes uniquement aux membres de l’entreprise, et les jardins en institutions (associatifs ou publics) qui sont ouverts à tous ;

  • Les jardins municipaux : ensembles des jardins construits par la Ville. Chaque jardin est géré par un conseil d’administration composé de jardiniers bénévoles ou de représentants d’organismes à but non lucratif reconnus par la Ville. Dans l’ensemble « jardins municipaux », il existe deux sous-catégories spécialisées :

  • Les « jardins signature » : jardins communautaires désignés ainsi en raison de leur emplacement sur des terrains à vocation patrimoniale. Ces jardins mettent en valeur une approche agricole basée sur des méthodes artisanales, visant à respecter la culture des sites utilisés ;

  • Le jardin solidaire : parcelle de terre cultivée par un organisme dont la mission est de contribuer à la sécurité alimentaire de ses usagers (cuisine collective et aide alimentaire).

Finalement, pour tous ces types de jardins on peut trouver une ou plusieurs pratiques agricoles parmi celles-ci : pleine terre, en jardinet, en bacs, en sacs, sur des tables potagères et selon des systèmes verticaux intensifs hydroponiques et aquaponiques (Fontaine et al., 2020).

thumbnail Figure 1

Les différentes catégories typologiques des JPA sur le territoire de la ville de Québec.

The Different Typological Categories of SGS in the Territory of Quebec City.

La dynamique historique de l’agriculture de la ville de Québec

Située à l’est du Canada et au sud de la province de Québec, la ville de Québec est la capitale provinciale du Québec. La ville est caractérisée par un secteur central relativement densément peuplé (entre 3500 et 4500 habitants / km2), autour de l’arrondissement La Cité-Limoilou, et des banlieues résidentielles réparties en trois couronnes suburbaines. L’arrondissement est le cœur de la ville de Québec, qui s’est élargie à partir du centre historique et s’est étalée progressivement dans ses périphéries sous la forme d’un demi-cercle (Fortin et al., 2005). Cette croissance urbaine s’est faite notamment par l’occupation de terres agricoles.

À partir de 1917 et depuis la construction du pont de Québec qui relie les deux rives du fleuve Saint-Laurent, les résidences prennent le pas sur les fermes. Dans les années 1950, un boom démographique et la forte croissance d’après-guerre accélèrent l’expansion des banlieues (Ville de Québec, 2005). Ces années coïncident avec l’avènement au Québec de la Révolution verte (Doucet, 2014, 2020). Avec ce nouveau modèle, les terres agricoles s’étendent et grandissent et s’éloignent progressivement des villes où la concurrence des usages n’est pas en faveur des activités agricoles et plus particulièrement d’un modèle spécialisé, intensif, de grandes exploitations. Cette relocalisation de l’agriculture aux frontières de la ville et dans les territoires ruraux accélère le phénomène d’emprise croissante de l’urbain sur les dernières terres agricoles de la ville. Ce que Ernwein et Salomon-Cavin (2014, p. 162) nomment le phénomène de l’urbanisation de l’agriculture de la ville, avec une « agriculture des aires urbaines qui devient urbaine malgré elle ».

Approche d’analyse

Cette étude caractérise le développement des JPA en utilisant l’approche des systèmes agri-urbains proposée par Robineau et Soulard (2017). Dans cette approche, la caractérisation des différentes formes d’AU est faite par l’analyse et la définition de trois types d’interactions.

Tout d’abord, les interactions spatio-historiques examinent les influences de pratiques, d’événements, ou de contextes socio-culturels passés, sur les projets d’agriculture urbaine actuels. Cela implique de comprendre comment les héritages historiques ont façonné les activités agricoles urbaines contemporaines. Pour analyser ces phénomènes historiques, notre étude s’appuie sur une revue de la littérature grise concernant l’histoire agricole de la région de Québec et sur la datation des événements d’agriculture urbaine répertoriés dans la recherche.

Ensuite, l’approche des systèmes agri-urbains se penche également sur les interactions entre le système urbain actuel et l’agriculture, en considérant les échelles régionales et locales. À l’échelle régionale, elle analyse l’inclusion de l’agriculture dans les outils des politiques publiques et leurs impacts. À l’échelle locale, qui concerne les projets agri-urbains au niveau d’une collectivité, d’un quartier ou d’un parc agricole, elle examine les initiatives des acteurs qui fusionnent les aspects agricoles et urbains.

Pour explorer ces interactions, notre étude se base sur des entrevues semi-dirigées tenues entre janvier et novembre 2022 et une revue de littérature. D’abord, un entretien avec la coordonnatrice du Plan en AU de la Ville de Québec 2020–2025. L’objectif principal de l’entrevue a été d’identifier les politiques, les stratégies et les actions entreprises par la Ville pour promouvoir l’AU. Ensuite, des entrevues réalisées avec trois OBNL : Urbainculteurs, Craque-Bitume et Croque ton quartier. L’objectif principal de ces entrevues a été d’explorer les pratiques, les modalités d’action et les domaines d’intervention de ces organisations.

Finalement, l’approche des systèmes agri-urbains explore les interactions entre les systèmes de production agricole et leurs environnements urbains à l’échelle individuelle ou collective des unités d’activité agricole (Soulard, 2014).

L’analyse de ces unités d’activité agricole, dans notre cas les JPA, se concentre sur leurs relations avec le système urbain, en examinant plusieurs aspects : i) les pratiques agricoles ; ii) les flux de produits et de services, notamment les échanges entre le système urbain et le système agraire, comme le recyclage agricole de produits résiduels urbains ou l’aide alimentaire ; iii) les systèmes de production, qui englobent les aspects matériels et l’organisation sociale du travail ; et iv) la spatialité des unités d’activités agricoles.

Pour étudier ces interactions à l’échelle des JPA, des entrevues sont menées avec les OBNL cités auparavant. Parallèlement, un recensement de 144 jardins a été mené pour construire une base de données descriptive de ces derniers et permettre la création d’une carte des jardins (Olivier-D’Avignon et al., 2009 ; Craque-Bitume, 2022 ; Laboratoire AU/LAB, 2022 ; Les Urbainculteurs, 2022 ; Mission Jardins Urbains, 2022 ; Ville de Québec, 2022). Les données ont été collectées à partir des sites Internet particuliers aux jardins, sur des pages web, des rapports de recherche ou des documents publics qui décrivaient et répertoriaient des jardins, et enfin à travers des visites de terrain, des recommandations par les personnes interrogées ou encore l’étude des images satellitaires de la ville de Québec sur Google Maps. Finalement les données ont été classées selon les catégories suivantes : année de création, nom, mode de culture, type et surface. Ces catégories ont notamment été choisies car les informations étaient disponibles ou calculables pour l’ensemble des jardins.

Analyse et résultats

De la fin des années 70 à 2010 : émergence des JPA

Entre 1978 (date de création du premier jardin) et 2009, seulement 20 JPA ont fait leur apparition sur le territoire de la ville de Québec. Durant les 30 premières années d’émergence des JPA à Québec, leurs formes se sont divisées entre deux modalités de cultures : les jardins collectifs et les jardins communautaires. La forme des jardins communautaires était la plus présente et comportait 15 jardins. Le nombre des jardins collectifs était de 4, et 1 jardin était mixte avec un espace communautaire et un espace collectif. En ce qui concerne les espaces de production, l’ensemble des jardins existants se trouve en pleine terre et 12 des 20 jardins existants possèdent une superficie supérieure à 800 m2.

On voit apparaître une concentration des jardins dans l’arrondissement de Limoilou (Figure 2). Cette concentration peut s’expliquer en partie par la non-accessibilité à des espaces extérieurs privés. La majorité des habitations dans cet arrondissement sont des appartements, les résidents y possèdent donc peu d’espaces pour leurs pratiques de jardinage, à la différence des autres arrondissements qui sont des secteurs de banlieue occupés principalement par des maisons pavillonnaires.

Dans un second temps, on remarque une diversité d’acteurs durant cette période, avec au moins 19 acteurs différents impliqués dans la création ou la gestion des 20 jardins. Parmi eux, des acteurs du monde communautaire, comme les OBNL Tomate joyeuse, l’Association des jardiniers de Bardy, et des acteurs institutionnels, comme l’Université Laval, la Congrégation des sœurs Augustines de la Miséricorde de Jésus, la Société d’horticulture du Québec et enfin la Ville de Québec. Pour la coordonnatrice du Plan en agriculture urbaine de la Ville de Québec 2020–2025, l’AU a longtemps été associée pour la Ville à une « nouvelle pratique de loisirs apparue dans les années 70–80 » (M.J. Coupal, communication personnelle, 6 octobre 2022). Cependant, dès 1983, un regroupement citoyen créera le jardin communautaire biologique Le Tourne-Sol, avec, selon ses lettres patentes, et de manière synthétique, trois axes d’actions : les pratiques biologiques, la conscientisation environnementale et l’apport et la promotion de saines habitudes alimentaires par le jardinage biologique (Registraire des entreprises du Québec, 1983). Cette initiative sera pionnière dans le devenir de l’AU, avec une première valorisation des pratiques agricoles pour des fonctions plus diverses que celle de loisir perçue par la Ville (Boulianne, 1999a et 1999b).

thumbnail Figure 2

Distribution spatiale des JPA à la fin de l’année 2009.

Spatial distribution of SGS at the end of 2009.

Les années 2010 : la multiplication du nombre de JPA

En 2009, se tient la première édition de la Fête des semences, un événement public qui présente notamment l’éventail de fonctions que peut prendre l’AU. L’événement rassemble les semenciers du Québec, les professionnels de l’AU et les pratiquants, autour de ventes et d’échanges de semences, de matériels, de connaissances et d’événements de formation et de vulgarisation. Cette initiative sera tant un indicateur qu’un catalyseur, de ce qui définira le développement et la dynamique des JPA à Québec durant la décennie 2010 : la multifonctionnalité et l’omniprésence des acteurs associatifs et communautaires.

Entre 2010 et la fin de l’année 2019, 67 des 144 JPA qui occupent la ville à la fin de notre enquête (2022) ont été créés. Parmi les jardins créés à cette période, les modalités les plus fréquentes sont les jardins collectifs et les aménagements comestibles, avec respectivement 21 et 25 jardins créés. Les projets de jardins collectifs sont principalement sous forme de jardins en institutions, tandis que les projets d’aménagements comestibles sont principalement des jardins en entreprise. Au niveau des modes de culture, 33 des 67 projets cultivent leurs aliments en bacs, ce qui peut être expliqué par la croissance importante des aménagements comestibles. En comparaison, les cultures en terre sont au nombre de 21. En combinant les cultures en sacs et en bacs sous le terme de “cultures hors-sols”, celles-ci représentent 36 JPA, soit environ la moitié de l’ensemble des projets de cette période. L’engouement pour les cultures hors-sols peut être attribué à deux facteurs : les risques sanitaires associés à la qualité des sols et la pénurie d’espaces pour la création de jardins. La majorité des jardins se concentrent dans l’arrondissement de La Cité-Limoilou où la concurrence d’usage des sols est la plus marquée (Figure 3).

En ce qui concerne la surface, les projets se situant entre 24 et 200 m2 dominent. Cette dominance peut être liée à la croissance des projets de production hors-sol et à la diminution progressive des surfaces d’espaces vacants. Afin de remédier à ce manque d’espaces vacants et pour libérer des listes d’attente de jardins communautaires municipaux, la Ville de Québec met en place en 2019 un programme de subvention pour les jardins partagés. Ce programme est créé afin d’offrir une aide financière aux citoyens pour l’aménagement de jardins sur des sites tels que les coopératives d’habitation, les lieux de travail et les collèges et écoles. Au total 48 jardins sont financés à travers ce programme entre 2019 et 2022. L’impact du programme a été significatif, avec une forte croissance du nombre de jardins créés en 2019 (Figure 4) : en pourcentages, 52 % des jardins collectifs créés durant la décennie 2010 sont créés cette année-là, 28 % pour les aménagements collectifs et 27 % pour les jardins communautaires.

Parallèlement, le nombre d’acteurs impliqués dans le développement de projets de JPA a fortement augmenté entre les deux périodes, passant de 19 à 37 acteurs. Néanmoins, là où durant la période 1970–2009 les projets étaient majoritairement portés par un seul acteur, ce n’est plus le cas durant les années 2010, où certains acteurs se démarquent et se trouvent impliqués dans la majorité des initiatives de JPA. À titre d’exemple, les Urbainculteurs à eux seuls sont impliqués dans 63 % des projets de création de jardins. Ainsi, une double dynamique s’est mise en place : une croissance du nombre absolu d’acteurs et une spécialisation et une concentration de certaines compétences ou activités et notamment la création et l’aménagement de jardins chez certains acteurs. En effet, à la différence de la période précédente, les aménagements sont de plus en plus sous-traités, notamment dans le cas des aménagements comestibles.

Dans l’ensemble, la quasi-totalité de ces aménagements de JPA, quelles que soient les modalités de cultures et de formes, est créée et gérée (ou uniquement gérée) par des organismes associatifs et communautaires. Les organismes et associations grandissent en nombre et certains des acteurs les plus présents et actifs durant cette décennie sont créés au début des années 2010, c’est le cas des Urbainculteurs et de Craque-Bitume, respectivement en 2009 et 2011 (Registraire des entreprises du Québec, 2009, 2011). De sorte que ce groupe d’acteurs représente la dynamique et l’orientation des formes et pratiques des JPA durant cette décennie et sera actif dans le renforcement de l’espace dédié à l’agriculture urbaine de façon générale. En ce sens, et de façon plus marquée dès 2009, les organismes multiplient les initiatives et insufflent une dynamique qui amènera progressivement l’administration municipale à intégrer l’agriculture urbaine et les JPA dans ses stratégies publiques jusqu’au programme majeur de financement des JPA en 2019, ce qui permettra une augmentation significative du nombre de projets.

Dans leur totalité, les organismes valorisent les JPA par la multifonctionnalité de l’AU. À titre d’exemple, Craque-Bitume propose des guides de création de jardins et d’intégration des personnes vulnérables dans les activités de jardinage et des formations en écocitoyenneté (Craque-Bitume, 2016, 2018, 2020). Les Urbainculteurs proposent des cours autour de l’AU et des podcasts qui traitent des pratiques et des fonctions de l’AU (Les Urbainculteurs, 2023). Ou encore, l’initiative Croque ton quartier qui promeut l’usage de l’AU comme outil de cohésion sociale :

« Quand on voit que t’as un bac Croque mon potager [Nom donné par l’organisme aux bacs de culture distribués aux membres de l’OBNL], bah on sait que t’es parlable. On sait que je peux aller te déranger même si t’es devant chez vous. » (M.C. Fontaine, communication personnelle, 8 septembre 2022).

L’engagement des organismes communautaires et associatifs a parfois conduit à une réévaluation des règles régissant les JPA et l’AU. Cela a incité la Ville, dans certains cas, à solliciter la participation active de ces organismes dans la réflexion sur les stratégies et les politiques liées à l’AU. (Ville de Québec, 2020).

Le caractère multifonctionnel des jardins d’autoproduction, qui s’affirme à travers les pratiques des organismes qui les promeuvent, trouve de ce fait une place de premier plan au sein de la genèse de la politique publique de la Ville de Québec. En effet, en 2015, la Ville de Québec dans sa « Vision du développement des activités agricoles et agroalimentaires de l’agglomération » entreprend pour la première fois une stratégie de développement de l’AU en mettant en avant les fonctions et les contributions d’aménagement urbain et de renforcement du tissu social des jardins partagés (Ville de Québec, 2015). Ensuite, dans son Plan d’action en agriculture urbaine 2020–2025, l’administration municipale met en l’avant quelques bienfaits de l’AU, dans une perspective multifonctionnelle : bienfaits sur la santé, sur l’économie, sur l’environnement et sur la vie socioculturelle (Ville de Québec, 2020). De même, dans son programme de subvention pour les jardins partagés de 2019, la Ville souligne ces bienfaits, en insistant, tout particulièrement, sur la santé, l’environnement et la communauté. Cela rend compte d’un discours soutenant une partie de la politique publique en construction au sujet de la multifonctionnalité des jardins d’autoproduction et de l’AU, entre le palier des projets agri-urbains portés par les organismes à échelle de quartier, et celui de la politique municipale à échelle locale, comme le suggèrent les interactions du cadre d’analyse des systèmes agri-urbains.

thumbnail Figure 3

Distribution spatiale des JPA à la fin de l’année 2022.

* Nous avons choisi d’élargir les données de la décennie 2010 jusqu’en 2022 pour présenter des informations plus à jour.

Spatial distribution of SGS at the end of 2022.* We have chosen to extend the data from the 2010 decade to 2022 to present more up-to-date information.

thumbnail Figure 4

Nombre, années de création des JPA sur le territoire de la Ville de Québec et événements clés.

* La courbe représente le nombre cumulé de jardins par année entre 1978 et 2022 (Données d’enquête). ** Dans ce graphique, il manque les années de création de 19 jardins. Ces données n’ont pas pu être obtenues.

Number, Years of Establishment of SGSs in the Territory of the City of Quebec and key events.* The curve represents the cumulative number of gardens per year between 1978 and 2022 (survey data). ** In this graph, the years of creation for 19 gardens is missing. This data could not be obtained.

Conclusion

L’étude des JPA de la ville de Québec par l’approche des systèmes agri-urbains a permis de faire état d’éléments de l’historicité, de la spatialité, de la gouvernance et des pratiques d’une forme d’agriculture urbaine. L’analyse des interactions spatio-historique a révélé deux périodes clés dans l’histoire des JPA. Les interactions entre le système urbain et l’agriculture ont permis d’identifier l’inclusion de l’agriculture dans les outils des politiques publiques et la diversité des acteurs et de leurs approches. Enfin, les interactions entre les systèmes de production agricole et leurs environnements urbains ont permis la typologie et la spatialisation des JPA.

Ce portrait est une première esquisse générale de l’agriculture urbaine à Québec. Cette étude exploratoire fait ressortir des voies potentielles de recherche telles que : les jeux d’acteurs et leurs discours, les dynamiques et pressions foncières, les enjeux socio-économiques liés aux formes et spatialités des JPA, la pluriactivité des personnes travaillant dans les JPA induite par l’approche multifonctionnelle, ou encore l’étude de cas particuliers comme les jardins signature, situés sur des terrains à vocation patrimoniale. Ces questionnements restent encore à explorer et documenter.

Références

Citation de l’article : Mestiri R, Berthold É. 2024. Étude de la dynamique des jardins partagés d’autoproduction de la ville de Québec. Une approche des systèmes agri-urbains. Cah. Agric. 33: 2. https://doi.org/10.1051/cagri/2023026

Liste des figures

thumbnail Figure 1

Les différentes catégories typologiques des JPA sur le territoire de la ville de Québec.

The Different Typological Categories of SGS in the Territory of Quebec City.

Dans le texte
thumbnail Figure 2

Distribution spatiale des JPA à la fin de l’année 2009.

Spatial distribution of SGS at the end of 2009.

Dans le texte
thumbnail Figure 3

Distribution spatiale des JPA à la fin de l’année 2022.

* Nous avons choisi d’élargir les données de la décennie 2010 jusqu’en 2022 pour présenter des informations plus à jour.

Spatial distribution of SGS at the end of 2022.* We have chosen to extend the data from the 2010 decade to 2022 to present more up-to-date information.

Dans le texte
thumbnail Figure 4

Nombre, années de création des JPA sur le territoire de la Ville de Québec et événements clés.

* La courbe représente le nombre cumulé de jardins par année entre 1978 et 2022 (Données d’enquête). ** Dans ce graphique, il manque les années de création de 19 jardins. Ces données n’ont pas pu être obtenues.

Number, Years of Establishment of SGSs in the Territory of the City of Quebec and key events.* The curve represents the cumulative number of gardens per year between 1978 and 2022 (survey data). ** In this graph, the years of creation for 19 gardens is missing. This data could not be obtained.

Dans le texte

Current usage metrics show cumulative count of Article Views (full-text article views including HTML views, PDF and ePub downloads, according to the available data) and Abstracts Views on Vision4Press platform.

Data correspond to usage on the plateform after 2015. The current usage metrics is available 48-96 hours after online publication and is updated daily on week days.

Initial download of the metrics may take a while.