Open Access
Numéro
Cah. Agric.
Volume 27, Numéro 5, Septembre-Octobre 2018
Numéro d'article 55005
Nombre de pages 9
Section Études originales / Original Studies
DOI https://doi.org/10.1051/cagri/2018036
Publié en ligne 29 octobre 2018

© E. Sanial, Published by EDP Sciences 2018

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Les forêts, notamment équatoriales et tropicales, font aujourd’hui l’objet de préoccupations environnementales majeures: nombreuses sont les régions caractérisées par des stades avancés de déforestation ou dégradation forestière. Ainsi, comprendre la composition et le rôle des écosystèmes anthropisés reconstruits dans ces contextes de dégradation environnementale est un enjeu actuel. Le Sud ivoirien se prête particulièrement bien à ce type d’analyse. En effet, couvert au début du XXe siècle par un massif de forêt dense humide de plus de 16millions d’ha, il fait aujourd’hui l’objet d’une mise en valeur agricole totale et les massifs forestiers dits ≪primaires» se limitent à ceux du Parc national de Taï (330000 ha). La cacaoculture, qui a inéluctablement progressé d’est en ouest du pays au cours du XXe siècle (Lena, 1979) avant d’atteindre en 2000 les dernières forêts le long des frontières guinéennes et libériennes, a été le principal moteur de cette conversion. Ainsi, alors que le pays devenait le premier producteur de cacao, fournissant 40 % de l’offre mondiale et une source de revenu pour 700 000 producteurs, la ressource forestière a presque entièrement disparu.

Le terme de conversion suppose la disparition d’une forme d’occupation du sol au profit d’une autre. Toutefois, des éléments forestiers subsistent souvent dans les systèmes agricoles tropicaux. Ces derniers peuvent s’inspirer de la stratification des formations forestières ou encore participer à la reconstruction d’un couvert arboré (Michon et Bompard, 1987). Présents dans les cacaoyères, les arbres isolés (reliques forestières, recrû spontané ou plantations paysannes) sont des passerelles entre forêt et activités agricoles. Cet article les analyse et discute, à l’aune de données environnementales et socio-politiques, la relation particulière existant entre production de cacao et production de bois d’œuvre dans le contexte de différentes régions du Sud ivoirien où ces systèmes agricoles cacaoyers sont, comme les jachères ou les forêts secondaires, et finalement plus que les forêts dites ≪primaires», le visage futur de l’environnement arboré ouest africain.

Un changement dans la conduite des systèmes agricoles accélérant la prédation de la cacaoculture sur la biodiversité forestière s’est ajouté au mouvement de déforestation pionnière (XXe siècle). Le cacaoyer (Theobroma cacao L.) a longtemps été planté dans des systèmes appelés agroforestiers, c’est-à-dire sous l’ombrage d’une canopée de forêt amincie. À partir de 1960, la monoculture a été encouragée par les services de vulgarisation de l’État (Satmaci) avec l’introduction d’un hybride adapté aux conditions de plein soleil et la diffusion d’un manuel établissant une liste d’arbres considérés comme indésirables (Asare, 2005; Smith-Dumont et al., 2014). Les producteurs ont abandonné la variété Amenolado pour l’hybride et, de ce fait, le système agroforestier pour des systèmes proches de la monoculture. L’intrusion d’exploitants forestiers dans les plantations, l’abattage des arbres de valeur commerciale et la stratégie de certains migrants cherchant à marquer leur appropriation foncière et obtenir un retour sur investissement rapide (Ruf et al., 2006) ont été également des facteurs d’adoption de la monoculture. À la fin des années 2000, l’agroforesterie traditionnelle a presque disparu du paysage ivoirien: 70 à 90 % des plantations sont alors caractérisées par des conditions de léger ombrage ou de plein soleil (Assiri et al., 2009). Toutefois, ces systèmes proches de la monoculture se trouvent, par rapport aux systèmes agroforestiers traditionnels, face à différents écueils, parmi lesquels le raccourcissement du cycle de vie du cacaoyer, la difficulté à maintenir un environnement forestier plus propice à la replantation cacaoyère et la prolifération de parasites (Babin et al., 2009).

Enfin, alors que les besoins hydriques du cacaoyer (1250 à 2800mm de précipitations d’après Wood et Lass [1985]) étaient tout juste satisfaits dans le sud de la Côte d’Ivoire jusqu’au début des années 1960, le climat est marqué depuis lors par une diminution du total pluviométrique annuel, un allongement des périodes sèches (Bigot et al., 2005; Brou et Chaléard, 2007; Laderach et al., 2011) et une plus grande variabilité des précipitations.

Ainsi, au début des années 2000, la cacaoculture ivoirienne se trouve face à ≪un blocage structurel » (Léonard et Oswald, 1996). Dans ce nouveau contexte environnemental ≪ post-forestier », le domaine exploitable est saturé et les systèmes de production doivent être transformés pour ne plus dépendre d’un précédent forestier et être résilients face aux aléas climatiques. Léonard et Oswald (1996) parlent ainsi à juste titre de l’émergence d’une ≪ agriculture forestière sans forêt».

Certains chercheurs, décideurs ou environnementalistes voient dans l’agroforesterie cacaoyère un potentiel (Smith-Dumont et al., 2014) pour répondre à ces enjeux multiples : préservation de la biodiversité forestière, performance agronomique et diversification des revenus des populations rurales. On passerait ainsi d’une dégradation de l’environnement de type malthusienne à une reconstruction du couvert forestier similaire aux dynamiques d’innovations en contexte de pression environnementale conceptualisées par Boserup (1965). Au-delà du caractère unidirectionnel de ces approches théoriques (Picouet et al., 2004) et en considérant les conditions socio-économiques et politiques d’émergence ou de blocage de dynamiques boserupiennes (Pollini, 2011), c’est l’orientation des stratégies d’adaptation des producteurs de cacao qui est interrogée : dans quelle mesure, sous quelles formes et à quelles conditions cette cacaoculture post-forestière est-elle agroforestière ? Quelle est la place des arbres originaires des forêts du Sud ivoirien dans ces systèmes ?

1 Une méthode combinant plusieurs approches à l’interface nature/sociétés

Dans cet article, les pratiques paysannes sont analysées à travers différentes approches conduites entre février 2015 et mars 2017 :

  • des enquêtes de terrain conduites dans 14 sites du Sud forestier ivoirien et auprès de 170 producteurs (Fig. 1). L’échantillonnage visait, par village, un équilibre producteurs autochtones/migrants, certifiés/non certifiés et une variété des tailles d’exploitation. Les producteurs ont participé à un entretien semi-directif avec photo-questionnaire portant sur leurs pratiques et leurs connaissances agroforestières et sur leurs perceptions et usages de la forêt. Dans le cadre d’enquêtes approfondies, 4 sites ont été sélectionnés sur la base d’enquêtes exploratoires (Sanial, 2015) pour la présence (ou non) de pratiques agroforestières (Bacon dans la région d’Akoupé, Blé-Divo, Guéyo-Gagnoa et Kragui-Soubré), un inventaire ethnobotanique en présence du producteur a été conduit sur 2 ha et dans 20 plantations par site. Ainsi, près de 160 ha ont été inventoriés et cartographiés à l’aide d’un GPS. Les inventaires botaniques ont été traités à l’aide du logiciel R (version Ri386 3.2.5) et mis en relation avec les données qualitatives tirées des entretiens ;

  • deux monographies dans les villages de Kragui (région de Soubré) et Blé (région de Divo), particulièrement dynamiques en termes d’agroforesterie. La filière bois locale a été étudiée à travers une méthode plus qualitative : entretiens semi-directifs avec les différents acteurs formels (exploitants forestiers, scieurs professionnels, menuisiers locaux, agents des Eaux et Forêts) et informels (scieurs clandestins) et observation des pratiques ;

  • une revue de littérature et des textes de lois sur le droit foncier et le droit forestier ivoirien.

thumbnail Fig. 1

Localisation des sites d’enquête.

Study sites localisation.

2 Résultats

2.1 L’arbre, une nouvelle ressource productive

L’analyse des inventaires ethnobotaniques témoigne d’un mouvement général d’introduction d’arbres associés dans les plantations de cacao. Les arbres inventoriés ont pour la majorité d’entre eux entre 5 et 10 ans, alors que l’âge moyen des parcelles est de 27 ans. La figure 2 montre que les jeunes arbres sont majoritairement des arbres fruitiers mais que l’on trouve aussi de nombreux arbres de forêt ayant entre 1 et 6 ans.

Afin d’attester d’une introduction d’arbres dans des champs préexistants, il faut prendre en compte plus précisément l’âge des parcelles. La figure 3 illustre le fait que les jeunes arbres ne sont pas nécessairement situés sur de jeunes parcelles.

Près de 44 % des arbres inventoriés ont 10 ans ou moins et cela n’est pas dû à une dynamique de création récente de plantations. Il y a donc un mouvement d’introduction (volontaire ou non) d’arbres dans les champs de cacao des sites étudiés qui se lit également dans une évolution des modes d’introduction et d’entretien des arbres : les arbres de forêt les plus vieux apparaissent par recrû spontané alors que certains parmi les plus jeunes ont été plantés ou transplantés et sont taillés durant leurs premières années. Le maintien sur le long terme de ces arbres ne pourra être affirmé avec certitude qu’après une visite de la parcelle dans plusieurs décennies. Toutefois, seuls les arbres que le producteur déclare souhaiter maintenir dans son champ ont été inventoriés. Par exemple, lorsque le propriétaire vieillit et que sa force de travail diminue, certains arbres repoussent. Au moment de l’héritage, le nouveau propriétaire acquiert une parcelle présentant une densité trop importante d’arbres qu’il va, pour la plupart d’entre eux, abattre.

Maintenir ou introduire un arbre forestier dans un champ, en Côte d’Ivoire, n’est pas quelque chose d’anodin. D’après les entretiens conduits avec les producteurs, l’arbre symbolise une double impuissance dans l’imaginaire collectif. S’il est resté sur pied lors du défrichement, il incarne la fatigue du défricheur, sa faiblesse face à un ligneux imposant. Il a également longtemps pu attirer la convoitise redoutable des exploitants forestiers venant abattre les arbres sans considération pour les cacaoyers et leur propriétaire. Les producteurs actuels ou leurs pères ont reçu un discours normatif les invitant à abattre les arbres de leurs cacaoyers. Ainsi, réintroduire des arbres dans leurs champs implique la reconstruction d’une perception positive de l’arbre.

D’après les analyses des entretiens et du photo-questionnaire, c’est l’expérience récente de périodes de longues sécheresses – qui rappelle parfois aux producteurs les plus vieux le souvenir des épisodes de sécheresse des années 1983 et 1984 – et le constat des dégâts sur les cacaoyères qui conduisent les producteurs à cette perception positive. Selon eux, certains arbres permettent aux cacaoyers de mieux résister grâce à différents facteurs : l’ombrage, une meilleure infiltration de l’eau, un phénomène d’ascenseur hydraulique et une exsudation d’eau par les feuilles sous certaines essences.

Pour autant, le rapport à l’environnement forestier de la majorité des producteurs reste utilitariste. Leur regret devant la disparition du couvert forestier s’exprime rarement en termes environnementaux mais plutôt à travers le leitmotiv suivant ≪ S’il y avait de la forêt, je planterais encore ». Pour un certain nombre de producteurs pratiquant l’agroforesterie, l’arbre qui pouvait être une source de diversification des revenus (arbres fruitiers, arbres médicinaux commercialisables) (Herzog, 1994 ; Mollet et al., 2000) devient (ou redevient), du fait des services agronomiques qu’il semble rendre aux cacaoyers, une ressource productive.

Les inventaires ethnobotaniques ont permis de caractériser et de quantifier les usages associés à ces arbres. Ainsi, sur près de 4000 arbres inventoriés, 19 % font l’objet d’usages médicinaux, 20 % sont introduits pour fournir aux cacaoyers un service agronomique ou productif : fertilisation, protection contre la sécheresse, ombrage. Ce rôle agronomique apparaît de manière plus marquée que dans les résultats des travaux conduits sur ce sujet dans les années 1990 (Herzog, 1994 ; Mollet et al., 2000) ou dans d’autres pays cacaoyers comme le Ghana (Ruf, 2011). Toutefois, alors que la forêt ivoirienne comportait des essences de valeur prisées sur les marchés nationaux et internationaux (Ibo et Léonard, 1994), ces essences sont peu représentées parmi les arbres nouvellement introduits (Fig. 4). Cela était déjà connu, notamment au Ghana (Amanor, 1999), mais les inventaires botaniques viennent préciser l’idée selon laquelle les producteurs investissent peu dans le bois d’œuvre.

Ainsi, 18 % des arbres introduits sont potentiellement commercialisables (mais seulement 9 % sont des essences de valeur recherchées par les scieries ivoiriennes). Parmi ces 18 %, tous ne sont pas introduits avec un projet explicite d’utilisation du bois d’œuvre et font l’objet d’un autre usage (service agronomique, médicinal). Finalement, seulement 6 % des arbres sont préservés à des fins d’usages de bois d’œuvre domestique. Plus révélateur, seulement 0,4 % des arbres introduits (17 arbres au total) sont liés à des projets de commercialisation de bois. Le faible intérêt des producteurs pour la commercialisation de bois interpelle, alors que ces essences se raréfient et que l’opportunité d’usage domestique ou de valorisation économique pourrait être considérable à long terme.

thumbnail Fig. 2

La majorité des arbres dans les plantations sont d’introduction récente.

Most of associated trees were recently established.

thumbnail Fig. 3

De jeunes arbres dans de vieux champs.

Young trees in old fields.

thumbnail Fig. 4

Un faible potentiel de bois commercialisables.

A limited potential of marketable timber trees.

2.2 Obstacles techniques, environnementaux et fonciers à l’appropriation des arbres de valeur

L’analyse des modes d’introduction des arbres de forêt révèle les difficultés de plantation d’essences locales de valeur. Ces difficultés peuvent être expliquées par l’accès au matériel végétal (raréfaction des porte-graines) et la faible maîtrise de la plantation d’essences locales de valeur qui n’a jamais fait l’objet de conseil ou de formation. En effet, au total, 56 arbres de forêt ont été plantés (souvent par bouturage). Ils représentent 22 espèces différentes, ce qui peut paraître important mais il est rare que plusieurs producteurs maîtrisent la même espèce ou qu’un seul producteur maîtrise plusieurs espèces. De plus, nombre d’initiatives de plantations paysannes se soldent par des échecs conduisant parfois au découragement. Puisque la Sodefor (société de développement des forêts) n’est pas à même de fournir ce matériel végétal forestier, les producteurs sont dépendants du recrû spontané pour introduire des arbres dans leurs plantations.

L’analyse botanique de la composition de ce recrû laisse penser qu’en plus de l’obstacle technique, il y aurait un obstacle environnemental à la présence de ces essences commercialisables qui sont principalement des arbres de forêts sempervirentes (forêts ≪ toujours vertes», les plus méridionales en Côte d’Ivoire) et semi-décidues (forêts caractérisées par la chute quasi simultanée des feuilles des grands arbres). La plupart des espèces inventoriées sont en effet des espèces héliophiles, caractéristiques de forêts secondaires, de friches ou de milieux dégradés ou agricoles. Elles sont rarement de forte valeur commerciale, hormis quelques exceptions comme le fraké (Terminalia superba).

En étudiant les spectres écologiques des différentes espèces inventoriées (hors fruitiers), il apparaît que les espèces de forêt sempervirente sont rares alors que celles originaires des régions de savanes arborées sont légion. Certaines (médicinales ou alimentaires) ont été apportées par les populations originaires du Nord, mais la plupart d’entre elles sont introduites par recrû spontané. La composition de ce recrû interroge et nous faisons l’hypothèse qu’elle est le reflet des changements environnementaux que connaît le Sud ivoirien. Toutefois, il ne faut pas éluder le fait que les arbres composant ce recrû ont été sélectionnés par l’homme et que l’analyse de sa composition ne permet pas de voir les arbres que le producteur n’a pas souhaité conserver.

Ainsi, le suivi sur 3 ans d’un très jeune champ en cours d’établissement sur jachère arborée permet d’observer la sélection progressive opérée sur le recrû par le producteur, fils de migrant burkinabè installé dans la région de Soubré. Il apparaît qu’une fois que les essences de valeur dépassent les cacaoyers, certaines d’entre elles sont abattues (Fig. 5) alors que le producteur reste persuadé de l’effet bénéfique de l’ombrage. Malgré les évolutions récentes du Code forestier (2014), il craint toujours l’intrusion des forestiers et l’abattage de ces arbres sans retombées autres que des dégâts sur la parcelle. En plus des contraintes environnementales à la repousse de certaines essences, la sécurité foncière reste donc prépondérante pour l’adoption de pratiques de conservation.

thumbnail Fig. 5

L’abattage progressif d’arbres à bois dans une jeune plantation de cacao en cours d’établissement sur jachère arborée.

Timber trees gradual felling during the establishment of a young cocoa field on a tree-filled fallow.

3 Discussion – l’arbre et les paysans : spoliations et charge conflictuelle d’un impensé juridique

3.1 Les paysanneries écartées d’une partie de la dimension forestière de leur agriculture

Alors que le Code forestier de 2014 reconnaît la propriété de l’arbre au propriétaire du champ sur lequel il se trouve, un retour sur les politiques foncières ayant accompagné la mise en valeur de l’Ouest forestier permet de comprendre ce qui pousse, aujourd’hui, ce producteur d’origine burkinabè à abattre ses fromagers (Ceiba pentandra).

Au début de l’époque coloniale, en Afrique occidentale française, l’État était propriétaire de l’ensemble des terres rurales et coutumières, niant leur occupation par les communautés africaines (Alden, 2015). Les terres non ≪ exploitées » ou non ≪ occupées » étaient considérées comme des ≪ terres vacantes et sans maître » (décret du 15 novembre 1935). Le jeune État ivoirien indépendant a perpétué ce principe et exclu de fait le droit coutumier du droit positif pour développer deux activités reposant sur la rente forestière (Ibo et Léonard, 1994) : l’économie de plantation (notamment cacaoyère) et l’exploitation du bois d’œuvre. À l’Indépendance (1960), l’État s’est octroyé la propriété des massifs forestiers de l’ouest qui représentaient encore d’importantes réserves dans des régions faiblement peuplées. Des populations, originaires des pays limitrophes, du nord et du centre de la Côte d’Ivoire, ont été incitées à migrer pour convertir ces massifs forestiers en cacaoyères.

L’enjeu principal pour l’État et les élites du pays était alors de sécuriser le déploiement de la cacaoculture et pour ce faire, de contrôler les transferts fonciers entre les chefs de terre coutumiers et les migrants agricoles, nouvelle force de travail (Chauveau, 2006). Toutefois, la résistance des autorités traditionnelles a conduit à plusieurs échecs d’actions législatives visant à favoriser ces nouveaux venus. L’État a fini par se détourner de l’action par la voie légale en matière foncière et cela durant près de 30 ans : en 1963, le nouveau président Félix Houphouët Boigny lance sa fameuse devise ≪ La terre appartient à celui qui la travaille » qui ne repose sur aucune loi et entre en contradictoire avec les lois en vigueur, notamment le principe des terres ≪ vacantes et sans maître » (Alden, 2015).

Pour tenter de résoudre cette contradiction, l’État s’en est remis aux arrangements locaux. Une politique foncière informelle (Chauveau, 2006), allant dans le sens d’une dérégulation des rapports entre autochtones et migrants et d’une accélération des transferts de terre s’est ainsi mise en place. En réalité, néanmoins, tout s’est passé comme si la progression effrénée du front pionnier dépassait alors l’administration ivoirienne qui, comme dans une fuite en avant, n’a pas légiféré.

Concernant le deuxième volet de la politique, l’exploitation forestière, un nouveau Code forestier a été adopté en 1965. Contrairement à la cacaoculture, la filière bois, considérée comme une activité ≪ moderne », a été soutenue par des dispositions législatives et administratives (Verdeaux, 1997). Ainsi, grâce au principe des terres ≪ vacantes et sans maître »,  des permis temporaires d’exploitation ont été mis en place sur des terres coutumières pérennisant l’appropriation de la rente forestière par les grandes entreprises industrielles ou des sociétés anonymes (Ibo et Léonard, 1994 ; Verdeaux, 1997).

La mise en valeur agricole de l’espace forestier sous l’avancée des fronts pionniers cacaoyers s’est développée avec une rapidité imprévue dans les régions récemment ouvertes à l’exploitation. Il est alors devenu progressivement inévitable de faire face aux paysans ; les exploitants forestiers devaient les contourner ou négocier avec eux. Ainsi, l’exploitation forestière ≪ s’informalise » dès la fin des années 1970 (Verdeaux, 1997). La manière dont devaient se dérouler ces négociations n’a jamais été précisée par un quelconque cadre légal. Que ce soit dans le domaine des transactions foncières ou dans le domaine de l’exploitation forestière, la puissance publique s’est vue dépassée par le déploiement de l’économie de plantation et le vide législatif a été comblé par des pratiques d’arrangements locaux.

Économie de plantation et exploitation forestière n’ont ainsi jamais fait l’objet d’une politique commune. D’une part, la vente de bois par les populations rurales est interdite et, d’autre part, les plantations cacaoyères s’étendent dans les massifs forestiers octroyés aux sociétés d’exploitation. Cette ≪ course à la forêt », ce déploiement de deux activités concurrentes et en grande partie exclusives sur un même espace, perpétuent ainsi le mythe colonial de ≪ l’inépuisabilité » des ressources forestières africaines (Puyo, 2001) et nous conduisent à considérer la relation arbre–paysan comme un ≪ impensé juridique ».

Les interactions entre cacaoculture et exploitation forestière ont donc été livrées à la capacité de régulation des arrangements locaux. Il a pu certes y avoir complémentarité : les pistes forestières ont permis l’ouverture de nouveaux fronts pionniers, l’abattage à la tronçonneuse des plus grands arbres a facilité le défrichement ; dans quelques rares cas, en fonction des rapports de force et des faisceaux de relation, l’abattage pouvait faire l’objet de dédommagements importants. Mais, la plupart du temps, ces interactions se sont faites au détriment des paysans. Durant des décennies, les paysanneries ont ainsi été écartées d’une partie de la dimension forestière de leur agriculture.

3.2 L’heure des réformes : quelles possibles appropriations de l’arbre par les paysans ?

Sous la présidence d’Henri Konan Bédié (1993–1999) est formulé un projet de réforme foncière. Alors que la succession de Félix Houphouët-Boigny cristallise de fortes oppositions politiques, le foncier est à nouveau instrumentalisé, pour cette fois-ci renverser la tendance qui avait plutôt privilégié jusqu’ici les droits des non-citoyens. Le gouvernement Bédié cherche alors un levier pour écarter de la course au pouvoir l’opposant Alassane Ouattara et ses soutiens dans les populations de migrants. La loi sur le domaine foncier rural de 1998 introduit une clause de citoyenneté qui distingue les nationaux ayant accès à la propriété et les non-nationaux ne pouvant bénéficier que de baux à long terme et se retrouvant ainsi exclus de la propriété foncière (Chauveau, 2006). Inapplicable, la loi est restée en suspens jusqu’à l’heure actuelle, malgré plusieurs tentatives de réformes. En revanche, par effet d’annonce, elle n’a pas manqué d’attiser les tensions et d’alimenter le conflit armé qui a secoué la Côte d’Ivoire entre 2002 et 2010.

Vingt ans après ce projet de réforme foncière, seulement 0,19 % des 23 millions d’hectares de terres rurales à certifier sur l’ensemble du territoire ivoirien l’ont été, quelques dizaines de certificats fonciers ont été transformés en titres et aucun bail rural n’a été formalisé (Kouamé et al., 2016). Outre le coût très élevé de la procédure et sa complexité, l’inapplicabilité de la loi réside dans le fait qu’elle ne prend pas en compte la situation de l’Ouest ivoirien où la majeure partie des terres ont été cédées à des tiers (souvent non ivoiriens). Les migrants ayant mis en valeur et cultivé ces terres ne sont pas prêts à être considérés comme de simples locataires. En même temps, certains autochtones revendiquent un accès à leurs droits coutumiers.

Un nouveau Code forestier adopté en 2014 reconnaît la propriété de l’arbre au propriétaire de la terre. Mais rares sont les producteurs en mesure d’obtenir les documents officiels permettant d’être reconnus comme propriétaires terriens et beaucoup d’entre eux ne peuvent de toute façon pas prétendre à ce statut puisqu’ils ne sont pas citoyens ivoiriens. De manière plus insidieuse, lier propriété des arbres et propriété de la terre pourrait introduire une insécurité supplémentaire pour les producteurs migrants. En effet, le chef de terre autochtone pourrait être amené à réclamer tout ou une partie de la rente tirée des arbres de valeur. Ainsi, tant que la question foncière ne sera pas stabilisée, celle de la gouvernance des arbres hors forêt de valeur ne pourra que difficilement l’être. Le statut de ces arbres reste ambigu. Effectivement, pour le paysan, le chercheur ou l’écologue, l’arbre situé dans le champ de cacao n’est pas en forêt, il est donc ≪ hors forêt ». En revanche, du point de vue du droit positif et pour l’administration ivoirienne ou le concessionnaire ayant acquis des droits sur le périmètre, ces arbres sont bien sur le ≪ domaine forestier » qui recouvre l’intégralité de l’espace rural sud-ivoirien. La loi de 2014 ne lève pas cette ambiguïté. Elle ne sort pas l’ensemble de ces arbres ≪ hors forêt » du domaine forestier mais permet seulement, et au cas par cas, leur appropriation potentielle par le propriétaire du champ.

Finalement, dans la pratique, cette reconnaissance de la propriété de l’arbre au propriétaire du champ reste lettre morte ; l’attribution de périmètres forestiers sur les terres cultivées est toujours en vigueur et peu d’exploitants forestiers ont modifié leurs pratiques : de nombreux cas d’abattages d’arbres dans les cacaoyères sans le consentement du producteur sont encore observables. Il est toutefois important de signaler que certains exploitants dédommagent désormais les producteurs à hauteur d’environ 20 000 francs CFA (30 euros) par grumier chargé (ce qui reste minimal) pour le bois non précieux. On peut ainsi identifier, à la limite entre deux périmètres d’exploitation, des pratiques très différentes. Par exemple, la partie sud du finage de Blé est comprise dans un périmètre dont les exploitants reconnaissent des droits aux producteurs (ces droits sont reconnus principalement aux autochtones Dida qui ont des relations plus fortes avec les autorités locales et une sécurité foncière plus solide que les migrants) alors que dans la partie nord, c’est l’inverse. De fait, les introductions d’arbres de valeur sont plus nombreuses dans les cacaoyères du sud du village.

Le tableau 1 illustre les différentes situations que peut rencontrer un producteur qui veut abattre un arbre situé sur les terres qu’il exploite. Il a été construit suite aux entretiens réalisés avec les différents acteurs de la filière et les observations effectuées pendant les 3 années suivant la réforme du Code forestier de 2014. Certains arrangements ont pu être omis et les voies légales et informelles ne sont pas aussi distinctes qu’il apparaît sur le tableau, la corruption permettant souvent la porosité entre filière formelle et filière clandestine.

Sans sécurité foncière, le producteur peut difficilement avoir accès, par les voies légales, au bois d’œuvre situé dans sa plantation. Aujourd’hui, face à un cadre légal inapplicable, les arrangements locaux continuent de combler le vide législatif ou de résoudre les contradictions des textes, mais n’excluent pas inégalités et spoliations. La fuite en avant de l’administration se poursuit et la charge conflictuelle de la situation demeure. La trop fragile sécurité foncière apportée par ces arrangements n’est pas un argument suffisamment solide pour que les producteurs soient persuadés que la propriété des arbres leur sera reconnue par les agents de l’État et les exploitants forestiers en cas de conflits.

Tableau 1

L’abattage des arbres en milieu rural sud-ivoirien : entre arrangements et clandestinité.

Tree felling in Southern Côte d’Ivoire rural areas: between arrangements and illegality.

4 Conclusion

Dans ce contexte post-forestier, il apparaît qu’une majorité de producteurs souhaitent se tourner vers l’agroforesterie pour tenter de s’adapter à une nouvelle donne environnementale. Cette dynamique est enclenchée et les enquêtes de terrain permettent la description de systèmes agroforestiers variés. Les paysanneries ivoiriennes ont été privées d’une partie des bénéfices de la dimension forestière de leur agriculture durant le siècle passé et leur participation à la reconstitution d’un couvert arboré via l’agroforesterie se trouve encore limitée par des obstacles techniques (les producteurs maîtrisent peu la plantation des essences forestières), environnementaux (les essences de forêt humide repoussent rarement spontanément) et fonciers (lorsque ces essences repoussent, les producteurs choisissent parfois de les abattre craignant leur accaparement futur par les exploitants forestiers). Alors que le statut de l’arbre hors forêt est porteur de contradictions, les producteurs sont réticents à introduire des arbres de valeur dans leurs plantations. Tout se passe comme si la relation entre paysan et arbre avait été un impensé juridique durant l’histoire du développement de l’économie de plantation. Les arrangements locaux continuent de se substituer à un cadre légal solide. L’innovation institutionnelle sur la gouvernance des arbres hors forêt doit appuyer les pratiques paysannes agroforestières tout en prenant en considération les arrangements locaux existants.

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Citation de l’article : Sanial E. 2018. L’appropriation de l’arbre, un nouveau front pour la cacaoculture ivoirienne? Contraintes techniques, environnementales et foncières. Cah. Agric. 27: 55005.

Liste des tableaux

Tableau 1

L’abattage des arbres en milieu rural sud-ivoirien : entre arrangements et clandestinité.

Tree felling in Southern Côte d’Ivoire rural areas: between arrangements and illegality.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Localisation des sites d’enquête.

Study sites localisation.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

La majorité des arbres dans les plantations sont d’introduction récente.

Most of associated trees were recently established.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

De jeunes arbres dans de vieux champs.

Young trees in old fields.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Un faible potentiel de bois commercialisables.

A limited potential of marketable timber trees.

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

L’abattage progressif d’arbres à bois dans une jeune plantation de cacao en cours d’établissement sur jachère arborée.

Timber trees gradual felling during the establishment of a young cocoa field on a tree-filled fallow.

Dans le texte

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