Open Access
Numéro
Cah. Agric.
Volume 31, 2022
Numéro d'article 16
Nombre de pages 7
DOI https://doi.org/10.1051/cagri/2022012
Publié en ligne 8 juillet 2022

© A. Delabouglise et al., Hosted by EDP Sciences 2022

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1 Introduction

La crise de la Covid-19 a relancé le débat ancien sur la contribution des activités humaines aux émergences de maladies infectieuses et aux risques pandémiques (Karesh et al., 2012). Parmi ces enjeux, le rôle de l’intensification des productions animales, qui s’est accélérée depuis la seconde moitié du xxe siècle, suscite de vives controverses qui recoupent un débat plus large sur la durabilité des pratiques de l’élevage industriel et leurs conséquences sur le bien-être animal ou l’environnement. Au-delà de ces importantes questions éthiques et écologiques et des questions sociétales que soulèvent la place et le statut des animaux, il paraît plus que jamais nécessaire de faire un état des lieux des arguments en faveur et en défaveur d’une contribution de l’intensification de l’élevage aux émergences passées, présentes et futures de maladies infectieuses chez l’homme.

2 Domestication des animaux et émergence de maladies infectieuses humaines

Historiquement, plusieurs maladies infectieuses humaines majeures sont le fait d’agents pathogènes transmis par les animaux domestiques. C’est le cas de la rougeole, de la coqueluche et, dans une certaine mesure, de l’influenza (Dux et al., 2020 ; Pearce-Duvet, 2006 ; Taubenberger et al., 2005 ; Wolfe et al., 2007). Par ailleurs, un des coronavirus humains les plus répandus, HCoV-OC43, est apparenté au coronavirus bovin et au virus de l’encéphalomyélite hémagglutinante porcine (PHEV) (Vijgen et al., 2006). La contribution de la domestication animale aux épidémies humaines n’est donc pas un phénomène nouveau (Diamond, 2002). Depuis le milieu du xxe siècle, on observe une accélération dans le nombre et la fréquence d’émergences de maladies, dont plus de 60 % sont d’origine animale (Jones et al., 2008). En parallèle, les productions animales, en particulier des volailles et du porc, ont connu un développement accéléré. La population de poulets est ainsi passée de 4 à 26 milliards de têtes entre 1961 et 2019, tandis que la population humaine passait de 3,1 à 7,7 milliards sur la même période (FAOSTAT, 2020 ; United Nations, 2021). Bien qu’une majorité des nouvelles espèces de pathogènes émergents d’origine animale proviennent de la faune sauvage, les animaux domestiques sont, de très loin, la principale source d’infection par des pathogènes zoonotiques, c’est-à-dire transmis des animaux vertébrés non humains à l’homme (Haider et al., 2020 ; Jones et al., 2013 ; Kock et Caceres-Escobar, 2022 ; Rohr et al., 2019). Parmi les émergences récentes de maladies imputables aux productions animales, on peut citer la fièvre de la vallée du Rift (Gerdes, 2004) et la plupart des nouvelles souches d’influenza aviaire et porcine pathogènes pour l’homme (Claas et al., 1998 ; Dawood et al., 2009 ; Gao et al., 2013). Par ailleurs, les animaux domestiques jouent fréquemment le rôle de « relais » indispensable à la transmission du pathogène de son réservoir sauvage à l’homme (Caron et al., 2015). C’est le cas, par exemple, pour l’encéphalite à virus Nipah (Chua et al., 1999) et le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) (Azhar et al., 2014). Les populations d’animaux domestiques peuvent également constituer un réservoir de virus, donnant lieu à l’émergence de nouvelles souches par recombinaison, comme dans le cas de l’influenza aviaire (Dhingra et al., 2018). De récents travaux montrent que certaines espèces d’animaux domestiques, dont le porc, hébergent une grande diversité de coronavirus susceptibles d’entraîner l’émergence d’une nouvelle souche virale transmissible à l’homme par recombinaison (Wardeh et al., 2021). Le saut de barrière d’espèce complet, avec adaptation du pathogène à l’homme, reste cependant rarissime (Jones et al., 2008 ; Plowright et al., 2017) : dans la grande majorité des cas, les transmissions interhumaines sont absentes ou sont trop rares pour permettre une circulation pérenne dans la population humaine, comme dans le cas de l’influenza aviaire (Li et al., 2014). La circulation du pathogène est entretenue dans des populations animales domestiques ou sauvages.

Le développement de l’élevage peut jouer un rôle plus indirect dans les émergences de pathogènes à l’interface entre faune sauvage et populations humaines. L’anthropisation croissante des milieux naturels, notamment à travers l’expansion des pâturages et des terres agricoles, en grande partie utilisées pour l’alimentation des animaux d’élevage, est statistiquement associée à une fréquence plus élevée d’émergences de maladies et à une plus grande abondance d’espèces de mammifères hôtes de pathogènes zoonotiques (Allen et al., 2017 ; Gibb et al., 2020). Ces corrélations sont établies à partir d’études globales sur des données agrégées, et donc fortement limitées dans leur exploration analytique des mécanismes sous-jacents. Il est communément suggéré que la conversion des aires naturelles en terres agricoles par la déforestation ou l’assèchement des zones humides conduit à des contacts plus fréquents entre les humains, les animaux domestiques et les espèces de la faune sauvage réservoirs de pathogènes, augmentant le risque de saut de barrière d’espèce (Mann et al., 2015 ; McMahon et al., 2018 ; Plowright et al., 2017). De plus, la perte de biodiversité animale associée à ces changements faciliterait également la transmission d’agents pathogènes chez les mammifères réservoirs de pathogènes ; en effet, une perte de biodiversité se traduit par une plus grande abondance d’un nombre réduit d’espèces hôtes, facilitant la transmission d’agents infectieux propres à ces espèces. Cependant, l’impact réel de ces mécanismes sur le risque d’émergence de maladies humaines reste sujet à débat (Keesing et al., 2010).

3 L’intensification des systèmes d’élevage : un phénomène récent aux dynamiques contrastées

L’intensification désigne un ensemble de processus visant à augmenter la productivité des systèmes d’élevage, c’est-à-dire la quantité de produits obtenus par rapport au coût investi, notamment en main-d’œuvre et en surface agricole. En règle générale, l’intensification de l’élevage se traduit par une augmentation du volume de production, afin de réaliser des économies d’échelle, et par un recours accru aux intrants technologiques, aux aliments concentrés, à la claustration et à l’amélioration génétique. Dans certains cas, elle s’accompagne d’investissements destinés à améliorer la santé animale par l’utilisation de produits vétérinaires comme les antimicrobiens et les vaccins, ainsi que de mesures de biosécurité destinées à limiter l’introduction et la diffusion d’agents pathogènes dans les élevages. Enfin, l’intensification des structures d’élevage va de pair avec une plus grande spécialisation des éleveurs dans un seul type de production, ou une étape spécifique de la chaîne de valeur, et une intégration aux circuits commerciaux nationaux ou internationaux (FAO, 2011 ; Robinson et al., 2011 ; Steinfeld et al., 2010).

L’intensification de l’élevage est un phénomène relativement nouveau, qui a pris son essor à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale dans les pays industrialisés, où le modèle intensif est désormais dominant. Elle connaît actuellement un progrès rapide dans un grand nombre de pays du Sud, en lien avec la croissance de la population urbaine, l’augmentation des revenus et de la demande en produits d’origine animale (Chen et al., 2015 ; Gilbert et al., 2015 ; Steinfeld et al., 2010 ; Zhou et Staatz, 2016). En améliorant le rendement des productions, l’intensification a amélioré notre accès aux protéines d’origine animale. Ainsi, malgré l’accroissement de la population humaine, la quantité de viande disponible par habitant a quasiment doublé au niveau mondial entre 1961 et 2019, passant de 23 à 44 kg/an, malgré de fortes disparités géographiques (FAOSTAT, 2020). L’élevage intensif est néanmoins remis en cause aujourd’hui, en particulier dans les pays industrialisés, notamment en raison de ses conséquences environnementales et sociétales (FAO, 2006).

Le processus d’intensification de l’élevage peut prendre des formes très diverses en fonction des contextes. Dans certains pays asiatiques, où l’espace est la principale contrainte, on observe, par exemple, une mobilisation plus forte de la main-d’œuvre dans les élevages semi-commerciaux (Robinson et al., 2011). Les pays à revenu faible ou intermédiaire voient se développer une forme de production qu’on peut qualifier d’élevage de « transition ». C’est le cas, par exemple, de l’aviculture, traditionnellement dominée par l’élevage de basse-cour, et marquée par le développement rapide de structures de plus grande échelle, intégrées aux circuits commerciaux, mais avec des changements limités des pratiques d’élevage et, en particulier, une faible application de mesures préventives contre les risques sanitaires (Burgos et al., 2008 ; Hosny, 2006 ; Obi et al., 2008 ; Sudarman et al., 2010). Enfin, en Europe et, dans une bien moindre mesure, en Amérique du Nord, un mouvement de retour à des formes d’élevage plus extensives, plus respectueuses du bien-être animal et de l’environnement, est en plein essor. Contrairement aux élevages extensifs des pays du Sud, ces systèmes, qu’on regroupera sous la dénomination d’élevages « alternatifs » dans le reste du manuscrit, sont très encadrés. Il s’agit notamment de l’agriculture biologique ainsi que d’autres signes de qualité garantis par des organismes certificateurs. Cette évolution est pour partie le résultat d’une évolution de la réglementation, mais aussi, et plus directement, d’une pression sociétale relayée par les circuits de distribution alimentaire (Magdelaine et al., 2008).

4 L’intensification porteuse de facteurs de risque d’émergence : considérations théoriques et connaissances empiriques

La contribution potentielle de l’intensification, ou tout du moins de la concentration de l’élevage, au processus d’émergence des maladies infectieuses peut être illustrée par au moins deux exemples. Les élevages avicoles commerciaux de moyenne à grande échelle semblent avoir joué un rôle crucial dans la propagation rapide de l’influenza aviaire hautement pathogène due à H5N1 dans plusieurs pays, notamment en Asie du Sud-Est entre 2003 et 2006 (Otte et al., 2008 ; Van Boeckel et al., 2012 ; Walker et al., 2012) et en Chine (Gilbert et al., 2017). En particulier, les grands élevages de canards, comptant plusieurs milliers de têtes et pratiquant la divagation sur zones inondées, ont joué un rôle prépondérant. Par ailleurs, les réseaux de commerce et les marchés de volailles vivantes, utilisés pour la vente des volailles issues d’élevages commerciaux, sont un facteur de risque important de la propagation du virus au sein des pays et entre pays (Biswas et al., 2009 ; Desvaux et al., 2011 ; Kilpatrick et al., 2006 ; Kung et al., 2007). Un autre exemple est celui de l’émergence de l’infection à virus Nipah en Malaisie, associée au développement d’élevages de porcs à grande échelle à proximité des zones de culture de manguiers. Le développement de ces activités agricoles a permis la mise en contact de chauves-souris frugivores réservoirs du virus avec les populations de porcs domestiques. Les mouvements de porcs vivants vendus à d’autres fermes ont ensuite entraîné la diffusion du virus dans la population porcine et des contaminations humaines plus nombreuses au contact des porcs infectés (Chua et al., 1999 ; Pulliam et al., 2012).

L’intensification de l’élevage présente donc, a priori, deux risques avérés :

  • les densités élevées d’animaux favorisent les contacts infectieux et la propagation des pathogènes au sein des élevages ;

  • la circulation d’animaux vivants sur de longues distances via les réseaux commerciaux favorisent leur diffusion rapide sur de larges zones géographiques.

L’intégration croissante des éleveurs à des chaînes de productions complexes et des circuits commerciaux étendus se traduit par l’accroissement des flux intra- et internationaux d’animaux vivants qui accélèrent la diffusion des pathogènes et les possibilités de recombinaison entre virus de différentes lignées (Kilpatrick et al., 2006 ; Trovao et Nelson, 2020). Cette tendance est liée à la spécialisation croissante des élevages dans une étape donnée de la chaîne de production (sélection génétique, reproduction, engraissement) au sein de filières de plus en plus segmentées, ainsi qu’à la concentration de la consommation dans les pôles urbains et la globalisation des échanges.

Les modèles théoriques suggèrent que les pratiques d’élevage apportées par l’intensification donnent un avantage sélectif aux souches de pathogènes plus virulentes et accroissent la vulnérabilité des populations animales aux infections (Kennedy et al., 2016). Parmi ces pratiques, on peut citer la concentration des animaux en forte densité et sur des cycles de vie courts, – qui avantagent les pathogènes très virulents qui se transmettent rapidement aux dépens des pathogènes moins virulents qui persistent longtemps chez l’hôte –, et la perte de diversité génétique – qui entraîne une spécialisation des pathogènes au profil génétique de l’hôte, et donc un accroissement de leur virulence chez cet hôte. La reproduction étant entièrement sous contrôle humain, avec une sélection des reproducteurs fondée en premier lieu sur la productivité, les mécanismes de sélection naturelle favorisant les individus plus résistants aux maladies infectieuses sont beaucoup moins opérants dans les conditions contrôlées de l’élevage intensif qu’en milieu naturel ou dans les élevages extensifs assurant leur propre renouvellement. Bien que ce postulat reste avant tout théorique, cette sélection adverse est considérée comme l’explication la plus plausible à l’accroissement de la virulence de certains virus comme celui de la maladie de Marek des poulets, une maladie non zoonotique (Atkins et al., 2013). L’émergence de nouvelles souches d’influenza aviaire hautement pathogènes pourrait également avoir été favorisée par le développement d’élevages avicoles à forte densité, mais cette hypothèse reste à investiguer (Dhingra et al., 2018).

5 L’intensification porteuse d’une meilleure gestion sanitaire : un postulat à moduler selon les contextes géographiques

Les deux exemples d’émergence cités précédemment ne constituent pas la preuve d’une corrélation entre fréquence d’émergence et intensification, d’autant que cette dernière peut aussi s’accompagner d’une meilleure gestion des risques sanitaires. Dans les pays industrialisés, l’intensification de l’élevage a en effet apporté des changements de pratiques qui peuvent limiter les risques infectieux et ont permis le contrôle de zoonoses à réservoir sauvage comme la trichinellose chez le porc domestique (Pyburn et al., 2005). La biosécurité ou la prophylaxie médicale (vaccination notamment) sont en principe plus faciles à mettre en œuvre dans un contexte de productions de grande taille, en raison des économies d’échelle et d’un meilleur accès aux crédits et à l’appui technique et financier des acteurs privés. L’élevage intensif s’accompagne, dans la plupart des cas, d’un confinement relatif des animaux, limitant les contacts entre faune domestique et sauvage, et ainsi les risques de saut de barrière d’espèce entre ces différents compartiments. L’intensification des productions peut également s’accompagner d’un meilleur contrôle des flux commerciaux d’animaux et de leurs conditions d’élevage, de transport et de stockage, davantage régulés par des contrats formels. Selon une étude conduite au Vietnam, la vente en urgence des volailles faisant suite à des cas de mortalité dus à des maladies, qui accroît la diffusion des pathogènes via les réseaux commerciaux, est moins fréquente pour les lots de grande taille (Delabouglise et al., 2020). Cette information demande néanmoins à être vérifiée dans d’autres contextes.

De manière générale, le contexte socioéconomique et institutionnel propre à chaque pays est un élément déterminant du niveau de gestion des risques sanitaires des élevages intensifs (Gilbert et al., 2021). Dans les pays industrialisés, où l’intensification est un phénomène relativement ancien, la transformation des systèmes d’élevage s’est accompagnée de mesures d’encadrement associant surveillance sanitaire, réglementation, mesures incitatives et soutien aux filières. Cet encadrement facilite la mise en œuvre des plans de maîtrise des risques zoonotiques, dont l’appropriation effective par les éleveurs peut néanmoins varier selon le contexte local, les pratiques et les perceptions des risques (Enticott et al., 2012). Par ailleurs, la généralisation du recours aux contrats, aux assurances et à la certification des produits permet de répercuter plus efficacement les demandes sociétales de sécurité des aliments et de bonne santé des animaux sur les pratiques d’élevage (Ifft et al., 2012). Dans les pays où l’intensification des systèmes d’élevages est récente, ces mécanismes institutionnels sont souvent absents ou embryonnaires. Ce déficit d’encadrement est souvent aggravé par la faiblesse des institutions gouvernementales ou leur discrédit auprès des acteurs des filières et par l’instabilité économique ou politique qui décourage les investissements du secteur privé (Delabouglise et al., 2015 ; Ebata et al., 2020 ; Hennessey et al., 2021).

On peut ajouter que l’intensification pourrait avoir un effet préventif plus indirect sur les risques d’émergence. Dans les pays tropicaux à faible revenu, où sont concentrés les principaux risques d’émergence (Allen et al., 2017), la réduction des coûts de production permise par l’intensification des productions animales pourrait améliorer l’accès des populations pauvres aux produits de l’élevage et, par effet de substitution, diminuer le recours à la chasse (Duonamou et al., 2020). Ces changements de mode d’alimentation conduiraient à limiter les contacts entre humains et réservoirs environnementaux de pathogènes et à diminuer une prédation facteur de déséquilibre de la biodiversité, à son tour potentiel facteur d’émergence. Cet effet bénéfique reste cependant à confirmer car la substitution du gibier par la viande d’animaux domestiques dans les habitudes alimentaires n’est pas aussi évidente et dépend fortement du contexte social et culturel propre à chaque pays.

6 Conclusion

Le débat sur le rôle de l’intensification de l’élevage est donc plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Une revue bibliographique exhaustive des connaissances sur les différents mécanismes – biologiques mais aussi économiques – par lesquels l’intensification de l’élevage peut potentiellement accroître ou circonscrire les risques d’émergence devrait être entreprise. Étant donné la nature sensible du sujet, une telle revue devrait s’intéresser aux influences politiques et sociétales qui guident la production des connaissances et construisent notre représentation commune du problème. Par ailleurs, des études précises, analytiques – et non pas seulement des approches corrélationnelles globales, très limitées – sont nécessaires pour évaluer plus précisément ce rôle de l’élevage intensif au sein du système complexe constitué par les interrelations entre agriculture, élevage, santé et environnement.

En se fondant sur les éléments de connaissance résumés dans cet article, on peut postuler que les systèmes d’élevage dits de « transition » rassemblent de nombreux facteurs de risque. Ces systèmes sont fréquemment rencontrés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire et répondent à une croissance rapide de la demande en produits animaux en lien avec l’urbanisation et l’émergence d’une classe moyenne. Ils se caractérisent par des élevages à densité moyenne à élevée mais au niveau de biosécurité faible, associés à l’expansion de réseaux de commerce d’animaux vivants peu régulés, le tout dans un contexte d’offre de services vétérinaires et d’encadrement institutionnel encore faibles. Il convient de mieux caractériser les risques spécifiques associés aux pratiques d’élevages propres à ces systèmes de transition ainsi qu’aux élevages extensifs de petite échelle. Les acteurs de ces systèmes ont en effet des stratégies de gestion des risques sanitaires, qui incluent notamment une diversification des activités agricoles plutôt qu’une spécialisation, pour atténuer l’effet des aléas sur les revenus des ménages, ou une alternance entre stockage et déstockage des troupeaux en fonction des risques sanitaires encourus. Ces stratégies, plus réactives que préventives, mais en cohérence avec leur modèle de production et leur contexte socioéconomique, devraient être mieux comprises afin d’améliorer les programmes de gestion gouvernementaux qui prennent souvent comme modèle les politiques des pays industrialisés.

Dans le même temps, le mouvement de retour vers des systèmes d’élevage plus extensifs observé dans les pays industrialisés nous oblige à reconsidérer la maîtrise sanitaire des productions animales. Intuitivement, il paraît probable que ces systèmes d’élevage dits « alternatifs » présentent des risques plus élevés d’infections zoonotiques (par exemple par les salmonelles et Campylobacter sp.) en raison des contacts plus fréquents entre animaux et environnement extérieur. Cependant, les résultats des études menées jusqu’à présent sur les niveaux d’exposition au risque zoonotique dans les filières alternatives et conventionnelles sont contrastés et ne permettent pas de tirer de conclusion définitive (Golden et al., 2021).

Au niveau planétaire, la redéfinition des modèles agroalimentaires et du rôle de l’élevage dans nos sociétés, déjà engagée dans certaines parties du monde, doit se baser sur des évaluations objectives des facteurs de risque sanitaire et une meilleure articulation entre sciences, acteurs politiques et société civile.

Références

Citation de l’article: Delabouglise A, Guerin JL, Lury A, Binot A, Paul M, Peyre M, Roger F, Bonbon E. 2022. Intensification des systèmes d’élevage et risques pandémiques. Cah. Agric. 31: 16. https://doi.org/10.1051/cagri/2022012

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