Open Access
Review
Numéro
Cah. Agric.
Volume 32, 2023
Numéro d'article 8
Nombre de pages 14
DOI https://doi.org/10.1051/cagri/2023001
Publié en ligne 23 février 2023

© S. Madelrieux et B. Redlingshöfer, Hosted by EDP Sciences 2023

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1 Introduction : enjeux à relier processus socio-économiques et biophysiques

En France comme en Europe et dans les pays industrialisés, des transformations sont en cours depuis le milieu du XXe siècle : spécialisation des filières et des espaces, industrialisation de l’agriculture, mondialisation des échanges (Rastoin et Ghersi, 2010). Ces dynamiques sont renforcées par une demande alimentaire accrue et un niveau de pertes et de gaspillages élevé (UNEP, 2021). Elles s’accompagnent d’un pouvoir se concentrant chez un nombre de plus en plus réduit d’opérateurs de l’agro-industrie, générant un accroissement des inégalités dans l’accès à l’alimentation ou dans la répartition de la valeur ajoutée dans les filières (OFPM, 2021).

Cela se traduit par une déconnexion de plus en plus forte entre production agricole, transformation, consommation alimentaire et usages non alimentaires des productions agricoles (Madelrieux et al., 2017). Les circulations associées de flux de matières et d’énergie engendrent des émissions (notamment de gaz à effet de serre), un épuisement des ressources fossiles, une dégradation de la biodiversité et une perturbation des cycles biogéochimiques au-delà des limites planétaires (Steffen et al., 2015). Pour mieux ré-inscrire l’économie et les systèmes sociaux plus larges dans leur substrat biophysique et dans les limites planétaires (Georgescu-Roegen, 1971), les recherches sur le métabolisme des sociétés se multiplient (Fischer-Kowalski et Hüttler, 1999). Elles ont différentes origines conceptuelles et disciplinaires, mais se rejoignent sur l’importance de prendre en considération les bases matérielles et énergétiques du fonctionnement de notre société (Haberl et al., 2019). Le métabolisme social ou métabolisme de société englobe les flux biophysiques échangés entre les sociétés et leur environnement naturel, ainsi que les flux au sein des systèmes sociaux (Haberl et al., 2019). L’agriculture y est abordée en tant que secteur de la société en interaction avec d’autres par les flux de matières et d’énergie, ou comme variable de la transformation des régimes socio-métaboliques (Petit, 2021). La mobilisation du concept de métabolisme des sociétés pour appréhender les systèmes agri-alimentaires (SAA) en tant que tels se déploie surtout à partir des années 2010 (Gabriel et al., 2020), alors que son origine est bien plus ancienne. Cette mobilisation est également tournée vers l’action pour activer des transitions socio-écologiques ou tendre vers des métabolismes durables (Haberl et al., 2019).

Il existe des revues de littérature au niveau international sur le métabolisme social des SAA, qui portent sur : les méthodes de modélisation et d’évaluation des flux à l’échelle locale (Fernandez-Mena et al., 2016) ; la diversité des types d’approche selon leur échelle d’analyse, la place des acteurs et leurs liens à l’action (Gabriel et al., 2020) ; ou encore sur une région du monde (ex. LaRota-Aguilera et al., 2022 pour l’Amérique latine). Dans ces états de l’art, la communauté de recherche française s’intéressant au métabolisme social des SAA n’est pas très visible. Comment déploie-t-elle ce type d’approche des SAA ? Des travaux ont déjà soulevé les questions de délimitation des systèmes (Barles, 2009 ; Petit, 2021) et sous-systèmes (Kleinpeter et al., 2022), ou les difficultés à quantifier les flux (Vigne et al., 2012 ; Courtonne et al., 2018 ; Grillot et al., 2021). Aussi proposons-nous une revue des travaux sur le métabolisme social des SAA dans la communauté de recherche française, afin d’expliciter les enjeux et les dimensions d’analyse du métabolisme social, visant à éclairer les choix de transformation des SAA. Nous les mettons en discussion, notamment par rapport aux travaux de la communauté internationale, afin d’en dégager des perspectives de recherche.

2 Méthodologie

2.1 Contour de l’objet d’étude : les systèmes agri-alimentaires

En France, des économistes se sont intéressés à l’organisation complexe que les sociétés humaines mettent en place pour acquérir et consommer leur nourriture, au travers du concept de système alimentaire (Malassis, 1996). Si la production agricole est d’emblée intégrée dans un système alimentaire, dans certaines communautés comme celle de l’agronomie en France, ce concept ne rend pas bien compte des multiples enjeux auxquels l’agriculture est confrontée aujourd’hui au-delà de l’alimentation, comme les modes de production et la transition énergétique et agroécologique, les valorisations non alimentaires des produits et coproduits issus de l’agriculture et la transition bioéconomique. Nous retenons le terme de système agri-alimentaire comme objet de cette étude afin de tenir compte des systèmes agricoles, alimentaires, bioéconomiques (Wohlfahrt et al., 2019) et de leurs interactions, à différentes échelles. Pour alléger la lecture, nous simplifierons dans la suite « approches socio-métaboliques » par « approches métaboliques » et « métabolisme social » par « métabolisme ».

2.2 Recensement et analyse des publications dans la communauté française

Le repérage des travaux (projets de recherche, thèses, articles) et des individus a été réalisé de manière incrémentale au fur et à mesure du déploiement de la thématique pour les co-auteures de l’article, depuis une petite dizaine d’années, et de leur implication dans des réseaux au sein d’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation, et l’environnement) ou avec des partenaires d’autres organismes de recherche ou de développement.

La lecture des publications, par une méthode « boule de neige » en allant voir les références citées, a permis de consolider le recensement. L’interrogation des bases de données de publications (archives ouvertes HAL, Web of Science) avec les mots-clés « métabolisme des sociétés ou social » croisés à « agriculture », « système agricole » ou « système alimentaire » (en français et en anglais) n’a pas amené de nouveau publiant. Les travaux retenus ont été ensuite analysés selon la grille de lecture présentée dans le tableau 1.

Sur l’ensemble du corpus recensé, nous avons retenu 90 publications qui seront citées dans le corps de l’article ou dans le tableau 2, pour celles qui ont servi à caractériser la diversité des approches. Le corpus est de fait plus important car certains auteurs ont publié un grand nombre d’articles que nous ne reprenons pas tous ici. Certaines thèses ne sont parfois pas citées en tant que telles, quand des articles en ont été tirées.

Dans la suite de l’article, les travaux seront présentés par types d’enjeux, qui renvoient à des dimensions différentes d’analyse du métabolisme, en donnant à voir la diversité des systèmes étudiés et des échelles, les types de flux, la façon dont sont pris en compte les acteurs des SAA. Dans un deuxième temps seront présentés les finalités et usages qui sont faits des différentes approches pour transformer les SAA.

Tableau 1

Résumé des critères utilisés pour l’analyse bibliographique.

Summary of criteria used for the literature review.

Tableau 2

Présentation synthétique des publications selon les enjeux et dimensions du métabolisme des SAA abordées.

Summary presentation of the publications according to the addressed issues and dimensions of AFS metabolism.

2.3 Présentation du corpus

Les publications retenues correspondent à : des articles publiés (64) dont 5 articles de positionnement, 2 revues de la littérature et 1 article de vulgarisation ; des manuscrits de thèses (10) et habilitation à diriger des recherches (2) ; 4 ouvrages ou chapitres d’ouvrage ; 8 rapports d’étude (ex. : rapport final de projet de recherche) ; 2 communications à des congrès (retenues car portant sur des thèses en cours, non encore publiées dans des revues).

Sur les 63 articles publiés dans des revues scientifiques (Fig. 1), 19 le sont dans des revues françaises (en économie, études rurales, géographie, agronomie ou interdisciplinaires). La majorité sont publiées dans des revues anglophones dans une diversité de domaines (des politiques de l’alimentation aux biogéosciences). Les revues comprenant le plus grand nombre d’articles que nous avons retenus, que ce soit pour les revues francophones ou anglophones, renvoient toutefois à l’agronomie ou l’agriculture (respectivement Innovations agronomiques et Cahiers agricultures ; Agricultural Systems).

Si nous reprenons l’ensemble des publications sélectionnées, les premières datent de 2009, mais les travaux prennent vraiment de l’ampleur à partir de 2015, avec plus de 80 % des travaux publiés depuis cette date (Fig. 2). L’année 2022 sera à compléter par les articles et thèses en cours de publication.

thumbnail Fig. 1

Nombre d’articles scientifiques retenus classés par revue (n = 63).

Number of selected scientific articles on AFS metabolism by journal (n = 63).

thumbnail Fig. 2

Nombre de publications retenues classées par année de publication (n = 90).

Number of selected publications on AFS metabolism by year of publication (n = 90).

3 Résultats

Si la dimension matérielle est inhérente aux approches métaboliques, elle est couplée, dans les travaux de la communauté française sur les SAA, à six autres dimensions renvoyant à différents enjeux, présentés dans la suite. Par souci de clarté, nous les décrivons séparément, sachant que certains sont étroitement associés dans une partie des travaux, travaux qui pourront donc être cités à plusieurs reprises.

Pour chaque type d’enjeu, les références associées aux systèmes étudiés par la communauté française sont récapitulées dans le tableau 2 et ne sont pas systématiquement reprises dans le texte.

3.1 Diversité des enjeux abordés et dimensions du métabolisme associées

3.1.1 Un enjeu commun à l’ensemble des approches : rendre visible l’invisible et réduire l’intensité matérielle du fonctionnement de notre société

Les approches métaboliques ont l’enjeu commun de chercher à rendre visible les circulations de flux, les pertes et gaspillages ou les empreintes environnementales et énergétiques associées (Haberl et al., 2019). Ces phénomènes sont en effet largement invisibilisés par la déconnexion entre production agricole, transformation, consommation alimentaire et usages non alimentaires des productions agricoles, traitements des déchets (Monsaingeon, 2017) et par la mondialisation des échanges (Nesme et al., 2018). L’enjeu est double, car sur cette base rendue visible, il s’agit d’envisager comment les acteurs d’un SAA peuvent modifier leurs pratiques, infrastructures et politiques, en vue de réduire l’intensité d’utilisation des ressources et des matières, et tendre vers plus de sobriété (Redlingshöfer, 2022).

Dans la communauté française, les systèmes étudiés relevant strictement de cette dimension renvoient aux filières agricoles à différentes échelles : nationale, régionale, départementale, locale ; aux flux de matières premières pour l’alimentation des animaux d’élevage en France ; aux flux alimentaires à l’échelle de territoires urbains pris comme des bassins de consommation différenciés (Tab. 2). Ces travaux reposent sur des analyses de flux de matières (AFM) permettant de déduire le degré d’autonomie/dépendance du SAA à des imports/exports, ou de différencier le métabolisme des SAA selon les morphologies sociales des territoires (Frugal, 2020).

3.1.2 Perturbations des cycles biogéochimiques et limites planétaires

Dans les limites planétaires les plus franchies (Steffen et al., 2015), on trouve la perturbation des cycles de l’azote (N) et du phosphore (P). N et P sont des éléments essentiels pour tous les organismes vivants, mais libérés dans l’environnement dans une forme réactive, ils sont à l’origine de forts impacts environnementaux (Billen et al., 2009). De plus, dans le cas du phosphore, la production d’engrais minéraux dépend de la disponibilité (physique et économique) des ressources minières en phosphate naturel, une ressource non renouvelable en diminution, et géopolitiquement concentrée (Nesme et al., 2018). Assurer la disponibilité de ces substances pour une population mondiale croissante tout en réduisant les émissions et pertes dans l’environnement est une finalité des travaux s’inscrivant dans cette dimension biogéochimique.

La majeure partie des travaux dans la communauté française analyse les flux de substance (N, P, mais aussi le potassium [K] ou le carbone organique) et leur circulation entre compartiments des SAA. Les systèmes étudiés renvoient au SAA, de l’échelle globale à locale (Billen et al., 2014), au système alimentation–excrétion (tenant compte des urines, fèces et déchets alimentaires de la population humaine [Esculier, 2018]), mais aussi aux systèmes d’exploitation. La place d’orientations de production, comme celle de l’élevage particulièrement controversée dans le métabolisme des SAA, de modes de production comme l’agriculture biologique, ou encore les liens entre production et consommation alimentaire sont également questionnés. Des indicateurs d’efficience d’utilisation ou de circularités peuvent être calculés pour saisir l’évolution de leurs modalités dans le temps, en lien avec celles du système (Puech et Stark, 2022).

3.1.3 Dépendance aux énergies fossiles

Des travaux pionniers ont repositionné l’agriculture comme un système à la fois producteur et consommateur d’énergie mettant en garde sur la trajectoire de dépendance croissante aux énergies fossiles et, en cas d’augmentation des prix du pétrole ou du gaz, sur l’augmentation des coûts de production de l’alimentation (Odum, 1967 ; Pimentel et al., 1973 ; Georgescu-Roegen, 1979). Réduire sa dépendance aux combustibles fossiles se double, pour l’agriculture, d’un autre défi : celui de fournir, en plus de l’alimentation, de la bioénergie (Harchaoui et Chatzimpiros, 2018). Caractériser les flux d’un SAA par rapport à ces enjeux énergétiques (énergie utilisée/produite/dissipée, sources d’approvisionnement, efficacité d’utilisation, autonomie, concurrence entre destinations alimentaires et énergétiques des productions agricoles…) renvoie à la dimension énergétique du métabolisme des SAA.

Dans la communauté française, les approches portent sur une évaluation des flux d’énergie pour le fonctionnement des exploitations agricoles, l’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France ou l’efficience et la neutralité énergétique de l’agriculture française.

3.1.4 Appropriation spatiale des ressources et interdépendances entre territoires

La mondialisation des échanges et l’urbanisation croissante, s’accompagnant d’une spécialisation des espaces (espaces de production, de consommation alimentaire, de rejets [Bahers et al., 2019]), posent de nombreux défis pour la gestion et la gouvernance des ressources.

Des travaux dans la communauté française ont cherché à caractériser l’inscription spatiale du métabolisme des SAA, à la fois l’étendue géographique des flux et les interdépendances matérielles entre territoires. Ces approches, s’intéressant à la dimension géographique du métabolisme des SAA, partent de l’analyse des flux de matières, de substances ou d’énergie, afin de les régionaliser et de mieux situer la place du commerce de denrées agricoles, notamment le commerce international d’aliments du bétail et d’engrais phosphatés. D’autres travaux s’intéressent à l’empreinte spatiale des circuits de proximité en localisant le foncier alimentaire, ou à celle des villes en interrogeant la notion « d’hinterland », au sens de leurs territoires d’approvisionnement, de réception/expédition ou d’évacuation (Billen et al., 2012 ; Marty, 2013 ; Bahers et al., 2019). Ces travaux questionnent la distanciation entre la ville et les territoires qui font hinterland, les proximités spatiales et fonctionnelles entre ville et agriculture et la construction de ces proximités, ou encore les coopérations interterritoriales. Ces approches questionnent les différences de pouvoir dans les échanges ville–campagne, les différentes formes de l’appropriation urbaine de la question agricole et plus largement l’appropriation spatiale des ressources.

3.1.5 Création de valeurs et répartition de la valeur ajoutée

La valeur ajoutée n’est pas répartie également entre les différents maillons des chaînes d’approvisionnement alimentaire, notamment en raison de différences de pouvoir de négociation entre acteurs (Rastoin et Ghersi, 2010). Des auteurs ont cherché à caractériser cette dimension économique du métabolisme des SAA en comptabilisant les flux monétaires (valeur créée par le marché) et l’emploi (valeur créée par le travail) associés aux flux de matières des SAA (Bevione, 2021). Les quelques travaux recensés portent sur l’objet filière et cherchent à analyser sa réalité physique et économique, à différentes échelles (nationale, régionale, infra-régionale) par rapport aux enjeux de création de valeurs et de plus juste répartition de la valeur ajoutée. Avec une entrée territoriale, des auteurs ont cherché à évaluer l’empreinte socio-économique associée au métabolisme des SAA et à la confronter aux empreintes environnementales pour questionner les interactions et les compromis entre empreintes.

3.1.6 Capacités à agir sur la réalité matérielle des SAA

Associer à l’analyse des flux de matière et des processus biophysiques, celles des acteurs, institutions, politiques, techniques qui en sont à l’origine, est un enjeu des approches métaboliques (Barles, 2010). Dans la communauté française, les travaux se déploient de manière privilégiée à une échelle territoriale, permettant d’entrer dans la compréhension et la caractérisation des organisations ou coordinations des acteurs, des infrastructures associées aux flux de matière, questionnant la gouvernance et les capacités des acteurs à agir sur les flux et leurs empreintes.

Ces travaux portent, d’une part, sur l’organisation territoriale des acteurs des SAA autour de l’intégration culture–élevage pour envisager les complémentarités et synergies entre activités, ou sur la gestion collective et territoriale des biomasses, notamment résiduaires, pour une économie circulaire. Un autre objet abordé est celui des interactions entre filières et entre filières et territoires, vues à travers les relations matérielles entre acteurs.

Ces travaux portent, d’autre part, sur les régulations institutionnelles et sur la place de l’action et des politiques publiques, en interrogeant leurs capacités effectives à agir sur cette réalité matérielle. Comment s’organisent les réponses publiques et privées afin de favoriser la reconnexion entre production agricole, transformation, consommation et usages des produits et coproduits issus de l’agriculture, et leur recyclage ? Cela passe notamment par l’analyse de documents institutionnels (Bahers et Giacchè, 2018 ; Bognon et al., 2018 ; Redlingshöfer, 2022). Ces travaux portent principalement d’un côté sur l’approvisionnement alimentaire des villes, et de l’autre sur la gestion des déchets alimentaires urbains. Ils mettent en évidence la place des régulations publiques, le poids de la privatisation du SAA, ou des innovations collectives.

3.1.7 Les conditions de la transformation

Une critique adressée aux approches métaboliques des SAA est qu’elles privilégient les caractéristiques biophysiques des SAA dans une perspective largement apolitique, avec une tendance à gommer la diversité sociale, les différences culturelles, les inégalités et relations de pouvoir (Aubron et al., 2021). Or, tous les membres de la société ne sont pas affectés de la même façon par l’usage que font les activités économiques de l’environnement naturel (Martinez-Alier et Naron, 2004).

Dans la communauté française, Redlingshöfer (2022) a montré que le métabolisme d’une société devient plus lisible lorsqu’on reconnaît qu’il est intégré dans des pratiques culturelles et des institutions sociales, en s’intéressant aux pratiques alimentaires générant pertes et gaspillages. D’autres auteurs ont cherché à mettre en évidence la pluralité des valeurs en jeu dans la gestion des biomasses ou pour l’acceptation d’alternatives socio-techniques, par exemple de valorisation d’excreta humains en agriculture. D’autres auteurs abordent les relations de pouvoir dans les sociétés ou entre puissances pour montrer comment elles façonnent les usages de la biomasse (en tant qu’apport de matière et d’énergie), les modalités techniques d’accroissement de la production de biomasse, les formes de mobilisation du travail et les espaces d’échange, notamment entre cultures et élevages.

3.2 Finalités des approches métaboliques et usages pour la transformation des SAA

Les approches diverses du métabolisme des SAA se combinent pour des finalités et des usages que nous avons regroupés en trois ensembles transversaux présentés dans la suite de l’article.

3.2.1 Du passé vers le futur : comprendre les processus en jeu et scénariser des transformations du métabolisme des SAA

Caractériser les trajectoires d’évolution du métabolisme d’un SAA permet de mieux comprendre les variables, moteurs de changements, et processus en jeu (Daviron, 2019 ; Harchaoui, 2019). Dans ces travaux, les transformations du métabolisme des SAA sont mises en lien avec celles de l’élevage (Chatzimpiros et Barles, 2010 ; Harchaoui et Chatzimpiros, 2017 ; Le Noë et al., 2018), des systèmes de cultures et de la part des légumineuses, de l’usage d’engrais de synthèse, et avec la déconnexion entre systèmes d’élevage et de culture (Billen et al., 2021) ; avec la transformation des régimes alimentaires ; avec la spécialisation et la privatisation des secteurs économiques, une orientation vers l’export des productions locales (Bognon et al., 2018) ; ou encore avec l’éviction du compostage des ordures ménagères et la fin de leur recyclage agricole en France (Dufour et Barles, 2021).

La compréhension de ces processus en jeu est alors mobilisée pour scénariser des prolongements ou des bifurcations, ou ré-inventer des alternatives socio-techniques. Cela peut passer par la modélisation des interactions entre systèmes biophysique et décisionnel, notamment à l’aide de systèmes multi-agent territoriaux (Wassenaar, 2018 ; Grillot et al., 2018 ; Fernandez-Mena et al., 2019) pour simuler des scénarios alternatifs. Des analyses spatialement explicites couplées à une évaluation multicritères (environnementale, sociale et économique) sont également mobilisées pour discuter de scénarios avec les acteurs (Kleinpeter et al., 2021). D’autres travaux élaborent des scénarios prospectifs afin de réduire les pertes d’azote à différentes échelles (Billen et al., 2017, 2018, 2019, 2021) ou atteindre une neutralité énergétique de l’agriculture en France (Harchaoui, 2019).

3.2.2 Identifier les vulnérabilités des SAA et les transferts de vulnérabilités entre territoires pour des SAA plus résilients et responsables

Une autre finalité est d’appréhender les vulnérabilités des SAA du point de vue de leur métabolisme ou des du fait notamment des dépendances à des ressources et à des opérateurs, ou du point de vue de leurs empreintes environnementales. Dans la communauté française, ces vulnérabilités sont abordées par rapport à de possibles ruptures dans l’approvisionnement en phosphore (Barbieri et al., 2021), par rapport aux subventions aux exploitations ou à des baisses de volumes de production (Bevione, 2021). Chiffoleau et al. (2020) questionnent la coexistence de chaînes d’approvisionnement alimentaire d’une ville comme facteur de résilience, dont les interdépendances peuvent être renforcées ou, au contraire, affaiblies, en cas de perturbations. Le projet Scalable (financement Ademe Graine) vise à déployer la notion de vulnérabilité métabolique qui a émergé récemment (Bahers et al., 2022), afin de rendre compte des vulnérabilités du SAA d’un territoire, par rapport à l’origine, à la circulation et à la destination des flux de matières.

D’autres travaux mettent en évidence les transferts d’empreintes entre territoires. Bahers et al. (2019) montrent par exemple que les villes exportent une partie de leur insoutenabilité sous la forme de déchets, qui parcourent parfois de très longues distances. Les auteurs questionnent alors les responsabilités métaboliques par rapport à ces transferts d’empreintes ou de vulnérabilités entre territoires (Bahers et al., 2020).

3.2.3 Rendre visible pour l’action et les politiques publiques

« Circularité », « relocalisation », « autonomie » sont des notions de plus en plus présentes dans les discours publics en lien avec la nécessaire transition agricole et alimentaire, mais leur mise en œuvre se fait à géométrie variable selon les types de matière, d’acteurs et de territoires (Bahers et Giacchè, 2018). Ces auteurs révèlent des métabolismes multiscalaires, à la fois dépendants de flux à large échelle, tout en étant toujours liés à leur environnement proche, suscitant ainsi des questionnements sur les responsabilités dans l’action.

Rendre visible la réalité matérielle des SAA, les enjeux associés, afin d’enclencher des dynamiques de changement ambitieuses et nécessaires est devenu plus que nécessaire, d’autant plus que les politiques sont encore largement sectorialisées. Redlingshöfer (2022) montre bien, dans le cas de la réduction des pertes et gaspillages alimentaires, que les politiques de l’alimentation, de la gestion des déchets, de l’énergie sont peu coordonnées, et ne tiennent pas compte des caractéristiques systémiques du métabolisme alimentaire urbain à l’origine des pertes et gaspillages.

Dans la communauté française, les approches métaboliques commencent à être mobilisées, afin de mettre en évidence les risques de concurrences d’usage des biomasses et de permettre l’identification de solutions collectives et de compromis (ex. pour l’Île de la Réunion : Wassenaar et al., 2015 ; Vayssières et Bravin, 2020 ; Vigne et al., 2021), ou d’élaborer les capacités des territoires vis-à-vis de la reconnexion agriculture-alimentation avec les différents acteurs du SAA (Barataud et al., 2021). Des outils génériques se développent pour permettre de générer des diagrammes de flux (ex. OpenSankey ou MFASankey), ou pour produire un diagnostic du SAA d’un territoire (ex. SI-BOAT pour la production agricole et la transformation [Grillot et al., 2021] ; outil du consortium PopCorn pour quantifier la consommation alimentaire).

4 Discussion : positionnements de la communauté française et perspectives de recherche

Les travaux présentés contribuent à caractériser le régime socio-métabolique actuel (Haberl et al., 2016) et ses transformations possibles, afin de réduire le métabolisme de l’ensemble de la société. Cela passe par la multiplication des approches déployées, des acteurs associés, des analyses situées permettant de relier ancrage local et empreinte globale, ce que nous mettons en discussion dans la suite de l’article, au regard également de la littérature internationale.

4.1 Diversité mais poids inégal des différentes approches métaboliques des SAA

La majorité des travaux dans la communauté française portent sur la dimension biogéochimique. Si au départ, le couplage de la dimension matérielle s’opère avec d’autres dimensions, ces autres dimensions sont prises une à une séparément. Des chercheurs commencent à essayer de les aborder ensemble, pour tenir compte des processus propres à chaque dimension et des concurrences et compromis à trouver entre dimensions. C’est le cas d’Harchaoui (2019), qui porte un regard nécessaire sur les compromis entre l’efficacité d’utilisation de l’azote (biogéochimie) et le retour sur investissement énergétique, pour l’agriculture en France.

Nous retrouvons dans la littérature internationale l’appréhension des différentes dimensions du métabolisme. Par contre, la communauté française s’est largement moins emparée de la dimension économique. De plus, si ses travaux se déploient de l’échelle mondiale à celle de l’exploitation agricole, les approches multi-échelles sont par contre peu développées (Grillot et al., 2018 ; Bevione, 2021). Or, un champ de recherche international se déploie autour du cadre MuSIASEM, Multi-scale integrated analysis of societal and ecosystem metabolism (Giampietro et al., 2009), qui a déjà été décliné dans le cas de SAA (Serrano-Tovar et Giampietro, 2014), abordant à la fois cette dimension économique, parmi d’autres, et à différentes échelles.

Concernant la mise en perspective historique, caractéristique de ce champ de recherche (Haberl et al., 2016), elle se retrouve dans la communauté française avec des travaux retraçant les trajectoires socio-métaboliques de SAA. Ces travaux portent principalement sur l’évolution de l’hinterland des villes, notamment sur les trajectoires d’approvisionnement (Billen et al., 2012 ; Bognon, 2014) ou du système de gestion des rejets (Esculier et Barles, 2021) ; sur la transformation de la structure des SAA à des échelles nationale et régionale (Le Noë et al., 2018), en lien notamment avec les transformations de l’élevage (Chatzimpiros et Barles, 2010 ; Harchaoui et Chatzimpiros, 2017 ; Billen et al., 2021). Un angle mort de ces mises en perspectives historiques concerne l’influence de la transformation des opérateurs intermédiaires des filières sur le métabolisme des SAA (Redlingshöfer, 2022), par les changements induits sur les systèmes agricoles et la mise en circulation des flux, alors même que ces opérateurs jouent un rôle majeur dans ces changements (Napoléone et al., 2015).

4.2 Le métabolisme comme objet intermédiaire ?

Si, l’action joue un rôle important dans les approches métaboliques dans la communauté française, comme nous l’avons vu dans la section 3.2, et internationale (Gabriel et al., 2020), la façon dont elle s’articule aux choix d’approches et de représentations métaboliques est rarement abordée. Quels acteurs, notamment, sont pris en compte dans les approches métaboliques, comme agents potentiels de changement, ou lesquels sont des partenaires dans les projets de recherche-action ?

Si, au départ, les acteurs sont peu présents dans les approches biogéochimiques, énergétiques, géographiques, qui se déploient à des échelles mondiales à régionales, ils entrent en scène à des échelles plus restreintes, soit dans les représentations multi-agents du métabolisme des SAA, soit par la compréhension de leur rôle dans la gouvernance des flux et de l’ancrage culturel et social du métabolisme des SAA. Ils arrivent aussi via la mise en discussion des représentations du métabolisme, de ses vulnérabilités, de ses empreintes, ou via l’élaboration et la discussion de scénarios d’évolution, par exemple de reconnexion entre cultures et élevage ou entre production agricole et consommation alimentaire (Barataud et al., 2021).

Le métabolisme social devient alors objet intermédiaire avec les acteurs pour susciter réflexivité et action. L’intérêt, pour les acteurs, est de pouvoir situer le réseau métabolique plus large dans lequel leurs territoires sont inscrits (Wassenaar, 2015), et d’explorer le champ des possibles en matière de reconfiguration de système, avec des ordres de grandeur pour orienter l’action (Petit, 2021). Toute représentation métabolique d’un SAA étant politique (Gabriel et al., 2020), utiliser le métabolisme comme objet intermédiaire questionne alors la façon dont l’approche peut être menée de manière à favoriser la coopération entre les différents acteurs (Debuisson, 2014), formuler une « promesse plausible » (Bijon et al., 2020) pour initier une concertation territoriale, ou pour prendre en compte la pluralité des valeurs des acteurs (Gabriel et al., 2020).

L’identification de l’ensemble des acteurs, reliés matériellement dans un SAA, est un préalable pour transformer le métabolisme des SAA, décloisonner les approches sectorielles ou filière, repérer les nombreux verrouillages socio-techniques, et ainsi mieux articuler la dimension matérielle et socio-économique du métabolisme (Petit, 2021). Cela commence à être fait dans la communauté française par la prise en compte des acteurs de la gestion des déchets (Vigne et al., 2021 ; Redlingshöfer, 2022), de l’énergie (Gonçalves et al., 2021) et de la transformation des coproduits (Lacombe, 2018).

4.3 Inscription des SAA dans les territoires et dans les limites planétaires

Un des fondements communs aux approches socio-métaboliques repose sur l’idée que les flux biophysiques doivent être compatibles avec la capacité d’approvisionnement et d’absorption de la biosphère (Haberl et al., 2019). Dans les sociétés occidentales, un rôle important revient à la réduction de la taille de leur métabolisme, si on veut pouvoir ré-inscrire l’économie dans les limites planétaires (Haas et al., 2020). Or, dans les travaux français comme internationaux, cette finalité n’est pas toujours aussi clairement affichée. Elle peut être brouillée, du fait de la succession des crises, par un accent mis sur la résilience des systèmes, ou sur les mots d’ordre politiques de bioéconomie et d’économie circulaire (Haas et al., 2020). Il demeure ainsi une certaine confusion entre les moyens et les fins. Le déploiement d’indicateurs relatifs d’efficience ou de circularités (moyens) dans les approches métaboliques n’est pas systématiquement mis en regard d’indicateurs absolus de compatibilité du SAA aux limites planétaires (fins). Harchaoui (2019) met en évidence le nombre restreint d’analyses qui mettent en regard projections démographiques humaines et contraintes liées à la disponibilité des ressources. Les perspectives de recherche sont importantes pour opérationnaliser cette finalité de réduction du métabolisme et l’outiller.

Nous voyons deux pistes principales. La première est de continuer à multiplier les études de cas pour contribuer à la construction d’une vision d’ensemble à la fois située et globale (Åkerman et al., 2020) par les interdépendances entre territoires et avec l’environnement. La communauté française s’intéresse déjà à une diversité de territoires (ruraux–agricoles, pastoraux, péri-urbains, urbains–petites ou moyennes villes, mégalopoles–insulaires) et de type de SAA associés. Cela commence à dessiner une compréhension plus fine des relations entre des modèles de développement spécifiques à un territoire, leur inscription dans des réseaux métaboliques plus larges, et des coopérations potentielles entre des territoires producteurs et d’autres consommateurs, ou des territoires qui rejettent et d’autres qui réceptionnent. Cela pourrait également permettre de consolider l’analyse des variables clés des métabolismes des SAA et, à partir de là, de caractériser des types de métabolismes de SAA, à l’instar de ce qui a été fait pour 67 métabolismes de ville (Iablonovski et Bognon, 2019).

La deuxième piste serait de déployer des métriques, relatives mais aussi absolues, pour rendre compte de l’inscription des SAA à la fois dans les territoires et les limites planétaires : intensité ; ouverture/fermeture ; linéarité/circularité ; efficience ; autonomie/interdépendance ; ancrage ; empreinte environnementale/énergétique/socio-économique ; nocivité ; concurrences/synergies ; compatibilité aux limites planétaires et du vivant, que ce soit en termes de flux ou de réseaux d’acteurs.

5 Conclusion

Comment fonder des actions ou des politiques sur des choses que l’on ne voit pas ou que l’on ne mesure pas ? On ne les voit pas car les circuits de la matière sont trop complexes pour parvenir à les tracer facilement. On ne les mesure pas, soit au sens propre du fait de l’absence de systèmes de comptabilité pour certains flux ou à certaines échelles, soit au sens figuré du fait d’une absence de prise de conscience du poids que représentent certains flux. Et quelles sont les capacités des écosystèmes à continuer à fournir des services pour une consommation humaine croissante et à absorber les rejets des activités humaines, au regard des limites planétaires ?

Les approches socio-métaboliques visent à répondre à ces questions et déploient différents types d’approches pour y parvenir. Dans la communauté de recherche française s’intéressant au métabolisme des SAA, il y a des enjeux : (i) à mieux prendre en compte la dimension économique du métabolisme des SAA et les effets de la transformation des opérateurs intermédiaires des filières sur le métabolisme des SAA ; (ii) à déployer des analyses multi-échelles, croiser les différentes dimensions d’analyse pour mieux comprendre les concurrences et compromis entre elles, et développer des métriques permettant de rendre compte de la compatibilité d’un système avec les limites planétaires ; (iii) à mieux identifier les acteurs, agents potentiels de changement dans le métabolisme des SAA, et la façon de les prendre en compte et de les associer, avec leur pluralité de valeurs et leurs différences de pouvoir, pour une réelle réduction du métabolisme des SAA.

Les approches métaboliques des SAA pourraient-elles par ailleurs être saisies pour analyser de manière plus systématique ex-ante et ex-post les politiques publiques, dans leurs traductions en termes de flux ou de modifications des flux, et leur potentiel d’action sur une transformation du métabolisme des SAA ? Les approches métaboliques semblent particulièrement pertinentes pour analyser les compétitions en plein essor dans les usages des biomasses d’origine agricole à l’œuvre entre différentes politiques sectorielles (agriculture, alimentation, santé, énergie, bioéconomie), ou rendre visible les effets indésirables des politiques du fait de la non-prise en compte des bases matérielles et énergétiques du fonctionnement de notre société.

Remerciements

Nous remercions sincèrement les membres du groupe de travail « Bioéconomie et territoires : limites et réorganisation des systèmes agricoles et alimentaires » du département ACT d’INRAE, à l’origine de ce projet d’article, réalisé dans le cadre de son schéma stratégique directeur ; le consortium Mosaic − Métabolisme des systèmes agricoles et alimentaires dans le continuum ville−hinterland − (financement MP BETTER − Méta-programme inter-départements INRAE sur la bioéconomie pour les territoires urbains), qui a permis de nourrir le tour d’horizon de la communauté R&D française et belge ; et le projet Scalable (financement Ademe Graine), dont les échanges ont nourri cet article, notamment Sandrine Allain, Jean-Yves Courtonne et Myriam Grillot, avec qui a discutée la diversité des approches du métabolisme des SAA dans la communauté de recherche française.

Références

Citation de l’article : Madelrieux S, Redlingshöfer B. 2023. Métabolisme associé aux systèmes agri-alimentaires : enjeux et diversité d’approches dans la communauté de recherche française. Cah. Agric. 32: 8. https://doi.org/10.1051/cagri/2023001

Liste des tableaux

Tableau 1

Résumé des critères utilisés pour l’analyse bibliographique.

Summary of criteria used for the literature review.

Tableau 2

Présentation synthétique des publications selon les enjeux et dimensions du métabolisme des SAA abordées.

Summary presentation of the publications according to the addressed issues and dimensions of AFS metabolism.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Nombre d’articles scientifiques retenus classés par revue (n = 63).

Number of selected scientific articles on AFS metabolism by journal (n = 63).

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Nombre de publications retenues classées par année de publication (n = 90).

Number of selected publications on AFS metabolism by year of publication (n = 90).

Dans le texte

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