Article de recherche / Research Article

Effets de la topographie sur les pratiques de gestion zootechnique dans les pelouses pastorales du Jbel Bouhachem (Rif, Maroc)

Effects of topography on zootechnical management practices in the pastoral grasslands of Jbel Bouhachem (Rif, Morocco)

¹ Équipe Sciences de l’Alimentation et Santé (UAE/UO6FS), Faculté des Sciences de Tétouan, Université Abdelmalek Essaâdi, B.P. 2121, 93000 Tétouan, Maroc
² Département des Productions et Biotechnologies Animales, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, B.P. 6202, Rabat, Maroc

^* Auteur correspondant : said.chakri@etu.uae.ac.ma

Résumé

Dans le Rif occidental du Maroc, les pelouses semi-naturelles du site Jbel Bouhachem constituent des habitats essentiels aux systèmes d’élevage local. Cette étude vise à analyser comment les facteurs topographiques influencent les pratiques pastorales dans ce territoire montagnard. Quinze pelouses de parcours ont été identifiées, situées entre 1000 et 1500 m d’altitude. Leur superficie varie de 0,42 à 16,72 ha, avec des pentes supérieures à 10 % dans plus de la moitié des cas. L’enquête socio-pastorale, menée auprès de vingt-deux villageois, met en évidence une spécialisation altitudinale marquée : les pelouses d’altitude (> 1400 m) sont exploitées à plus de 95 % par les caprins, tandis que celles à faible altitude accueillent une diversité d’espèces (caprins, ovins, bovins). La transhumance ne subsiste que sur deux pelouses (Menzla et Bab Miiz), pendant une période estivale réduite. L’analyse statistique a mis en évidence des corrélations négatives significatives entre la charge pastorale et les variables topographiques, notamment l’altitude (r = –0,47), la pente (r = –0,49) et l’humidité du sol (TWI, r = –0,53), indiquant une sous-utilisation des zones escarpées ou humides. Une analyse croisée montre que les pelouses les plus sèches (TWI < 8) supportent les charges animales les plus élevées, tandis que les plus humides (TWI > 8,5) sont faiblement exploitées. Une classification topographique a permis d’identifier trois types de pelouses (haute altitude et forte pente, altitude moyenne et pente modérée, basse altitude et pente douce), tandis que l’analyse en composantes principales a dégagé trois profils zootechniques : intensif (souvent caprin, > 300 UGB/ha), modéré (50–150 UGB/ha) et marginal, en lien avec l’accessibilité et les contraintes du milieu. Ces résultats soulignent l’importance des contraintes topographiques dans l’organisation des pratiques pastorales et offrent des bases pour une gestion différenciée et contextualisée de ces milieux de pâturage.

Abstract

In the western Rif region of Morocco, the semi-natural grasslands of the Jbel Bouhachem site represent essential grazing habitats for local livestock systems. This study aims to analyze how topographic factors influence pastoral practices in this mountainous area. Fifteen grazing grasslands were identified, located between 1000 and 1500 meters in elevation. Their surface area ranges from 0.42 to 16.72 hectares, with slopes exceeding 10% in more than half of the cases. A socio-pastoral survey conducted with twenty-two villagers revealed a marked altitudinal specialization: high-altitude grasslands (>1400 m) are used more than 95% by goats, while low-altitude grasslands host a greater diversity of livestock species (goats, sheep, and cattle). Transhumance now persists on only two grasslands (Menzla and Bab Miiz), and only during a short summer period. Statistical analysis revealed significant negative correlations between grazing pressure and topographic variables, particularly altitude (r = –0.47), slope (r = –0.49), and soil humidity (Topographic Wetness Index, TWI, r = –0.53), indicating underutilization of steep or humid areas. A cross-analysis showed that the driest grasslands (TWI < 8) support the highest stocking densities, while the most humid ones (TWI > 8.5) are rarely grazed. A topographic classification identified three types of grasslands (high altitude with steep slope, mid-altitude with moderate slope, and low altitude with gentle slope), while Principal Component Analysis (PCA) revealed three zootechnical profiles: intensive (often goat-dominated, >300 LU/ha), moderate (50–150 LU/ha), and marginal, shaped by accessibility and environmental constraints. These findings highlight the central role of topographic constraints in shaping pastoral practices and provide a basis for differentiated and context-adapted management of these grazing ecosystems.