Article de recherche / Research Article

Usage des pesticides et impacts sur la santé des applicateurs en zone cotonnière du Mali

Pesticide use and impacts on the health of applicators in the cotton zone of Mali

¹ Institut de Recherche pour le Développement (IRD), UMR SENS, Bamako, Mali
² Laboratoire de biologie moléculaire appliquée, Université des sciences techniques et technologiques de Bamako (USTTB), Bamako, Mali
³ Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Bamako, Mali
⁴ Faculté de Pharmacie de Bamako, Bamako, Mali

^* Auteur de correspondance : marjorie.le-bars@ird.fr

Résumé

Au Mali, le répertoire des pesticides utilisés en agriculture est vaste et les études de leurs impacts sur la santé sont rares. Des travaux de recherche sur les impacts des pesticides utilisés en productions cotonnière, céréalière et maraîchère sur la santé des populations méritaient d’être conduits. Cette étude a été menée dans trois villages du cercle de Kita (Madina Malinké, Banfara et Toufinko). Soixante pesticides, dont 17 herbicides et 1 insecticide non homologués par le Comité ouest-africain d’homologation des pesticides (COAHP), ont été identifiés. Les pesticides utilisés sur le coton sont formulés à partir de 20 matières actives, dont 5 (soit 25,5 %) interdites en Europe. Les pesticides destinés au maraîchage sont formulés à partir de 16 matières actives, dont 5 sont aussi interdites en Europe (soit 31,25 %), comme par exemple le profenofos, la bifenthrine et la flubendiamide. Au cours du suivi médical d’une cohorte de 244 applicateurs, plusieurs signes d’intoxications aigües (cutanée, orale, oculaire, gastrique) ont été observés sur nos trois sites d’étude pendant la période de pulvérisation, essentiellement avec les herbicides. Les cas d’intoxication orale et par inhalation sont les plus nombreux, observés chez 21,5 % des applicateurs en juillet, coïncidant avec le pic d’utilisation des herbicides à Madina Malinké. Des cas de toxicité et d’irritation cutanée ont été relevés chez 18,5 % des applicateurs en juillet, correspondant à un pic de pulvérisation des herbicides à Banfara. Dans les trois villages, les quantités d’herbicides utilisées sont plus élevées que celles des insecticides. L’utilisation d’insecticides à base de matières actives interdites comme le profenofos, la bifenthrine et la flubendiamide induit à long terme des risques d’infertilité, de perturbations endocriniennes et de maladies neurodégénératives. Le suivi de cette cohorte et l’utilisation de biomarqueurs permettra d’étudier le lien entre l’utilisation de certains pesticides et le développement de maladies chroniques.

Abstract

In Mali, the repertoire of pesticides used in agriculture is vast and studies of their impacts on health are rare. Research on the impacts of pesticides used in cotton, cereal and vegetable production on the health of the population was worthy of being carried out. This study was carried out in three villages in the Kita district (Madina Malinké, Banfara and Toufinko). Sixty pesticides including 17 herbicides and 1 insecticide not registered by the Comité ouest-africain pour l’homologation des pesticides (COAHP) were identified. The pesticides used on cotton are formulated from 20 active ingredients, 5 of which (25.5%) are banned in Europe. Pesticides used on vegetables are formulated from 16 active ingredients, 5 of which are also banned in Europe (i.e., 31.25%), such as profenofos, bifenthrin and flubendiamide. During the medical follow-up of a cohort of 244 applicators, several signs of acute intoxications (cutaneous, oral, ocular, gastric) were observed on our three study sites during the spraying period, mainly with herbicides. Oral and inhalation intoxications were the most numerous, observed in 21.5% of applicators in July, coinciding with the peak of herbicide use in Madina Malinké. Toxicity and skin irritation were reported in 18.5% of applicators in July, corresponding to a peak of herbicide spraying in Banfara. In the three villages, the quantities of herbicides used are higher than those of insecticides. The use of insecticides based on banned active ingredients such as profenofos, bifenthrin and flubendiamide induces long-term risks of infertility, endocrine disruption and neurodegenerative diseases. The follow-up of this cohort and the use of biomarkers will make it possible to study the link between the use of certain pesticides and the development of chronic diseases.