Issue
Cah. Agric.
Volume 33, 2024
Les systèmes agricoles des zones arides du Maghreb face aux changements : acteurs, territoires et nouvelles dynamiques / Farming systems in arid areas in the Maghreb facing changes: actors, territories and new dynamics. Coordonnateurs : Mohamed Taher Sraïri, Fatah Ameur, Insaf Mekki, Caroline Lejars
Article Number 28
Number of page(s) 9
DOI https://doi.org/10.1051/cagri/2024024
Published online 16 October 2024

© A. Lozzi et al., Hosted by EDP Sciences 2024

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.

1 Introduction

Le pommier (Malus domestica Borkh) est l’un des arbres fruitiers les plus cultivés sous irrigation dans les régions méditerranéennes et semi-arides (de la Fuente-Saiz et al., 2024). La production mondiale annuelle est d’environ 95,8 millions de tonnes (FAOSTAT, 2022).

Au Maroc, cette culture s’étend sur 52 000 ha, se classant au deuxième rang des rosacées fruitières après l’amandier. La production nationale atteint 923 000 tonnes, avec un rendement moyen de 18 t.ha−1 (FAOSTAT, 2022). Près de 60 % de cette production provient de la région de Drâa-Tafilalet, où la culture du pommier contribue de manière significative à l’économie locale en générant près de 2,4 millions de jours de travail (MAPMDREF, 2023). La culture du pommier est principalement concentrée dans les montagnes du Haut et du Moyen Atlas, situées au cœur de la région. Ces montagnes offrent des conditions climatiques idéales, notamment un froid hivernal suffisant, ce qui améliore certains traits qualitatifs des fruits, faisant des pommes de Drâa-Tafilalet une référence nationale (Goldberg, 2022).

Toutefois, ce potentiel prometteur dissimule des vulnérabilités socio-économiques et environnementales, susceptibles d’être exacerbées par le changement climatique. Les scientifiques estiment que la région méditerranéenne, notamment ses parties méridionales et orientales, sont particulièrement vulnérable à ce phénomène (Noto et al., 2023). L’augmentation de la fréquence et de la gravité des sécheresses, la réduction des précipitations annuelles et la pénurie chronique des ressources en eau, en sont les principales manifestations (Zittis et al., 2022 ; Sraïri et al., 2022). Des études menées au Maroc précisent ces observations, mettant en évidence des changements significatifs dans les régimes climatiques régionaux (Mokhtari et al., 2014 ; Filahi et al., 2017 ; Balhane et al., 2022). Ces évolutions posent des défis considérables à la culture du pommier, en augmentant les besoins en eau et en affectant négativement les rendements ainsi que la qualité des fruits (Badiu et al., 2015 ; Atay et al., 2023).

En outre, des recherches effectuées plus spécifiquement dans certaines parties de la région Drâa-Tafilalet révèlent que la baisse des précipitations ces dernières années a créé un déficit hydrique notable, exacerbant les défis de gestion des ressources en eau et compromettant l’ensemble des activités agricoles de la région (Khardi et al., 2024 ; Sraïri et al., 2024).

Cette étude a porté sur une zone à vocation pomicole du Haut Atlas central. Après une analyse climatique détaillée pour déterminer ses particularités et comprendre l’influence des variations climatiques sur la pomiculture, nous avons procédé à une évaluation approfondie des systèmes de production locaux pour appréhender la diversité des exploitations et des pratiques culturales. L’objectif est d’identifier les adaptations nécessaires pour améliorer la résilience, optimiser les performances et assurer la durabilité des exploitations dans un contexte climatique changeant.

2 Matériels et méthode

2.1 Zone d’étude

L’étude a été conduite dans la commune de M’semrir, principale zone pomicole de la province de Tinghir. Cette zone est enclavée entre les chaînes montagneuses du Haut Atlas, à environ 2000 m d’altitude, dans la vallée de l’Oued Imdghas, l’un des principaux affluents de l’Oued Dadès.

Le réseau hydrographique, alimenté par les cours d’eau d’Oussikiss (surnommée la « vallée des pommes ») et d’Imdghas, se caractérise par des écoulements importants en périodes pluviales et de fonte de neige.

Les sols alluvionnaires de M’semrir, riches en argiles rouges et en grès fins (El Ouali et al., 2021), sont connus pour leur fertilité naturelle et leur teneur élevée en nutriments et en matière organique, mais ils sont souvent peu profonds et vulnérables à l’érosion.

2.2 Analyse des données climatiques

Le climat de la région a été caractérisé en analysant les données de température et de précipitation mensuelles de 1992 à 2022, extraites de la base de données NASA-POWER (2023). Cette analyse était cruciale pour comprendre les conditions affectant la culture du pommier.

L’étage bioclimatique de M’semrir a été déterminé en calculant le coefficient Q d’Emberger (1955) selon l’équation suivante :

QEmberger=2000×P(M+m+546.4)(Mm)

Où :

P : la pluviométrie annuelle en mm

M : la température maximale du mois le plus chaud en °C

m : la température minimale du mois le plus froid en °C

Cet indice a été complété par le diagramme ombrothermique de Gaussen (1954) avec l’indice xérothermique (X) de Bagnouls et Gaussen (1957) ;

X=i=112(2TiPi). Ki

Où :

Ti : température moyenne du mois i en °C ;

Pi : précipitation moyenne du mois i en mm ;

Ki : proportion du mois pendant laquelle 2Ti > Pi.

Un mois est considéré comme aride si 2Ti > Pi.

2.3 Échantillonnage et collecte de données

Pour mieux comprendre les dynamiques de production pomicole dans la région de M’semrir, des enquêtes ont été réalisées, puis complétées par des observations directes sur le terrain. Les douars Ait Merghad à l’amont, M’semrir au milieu et Taadadate à l’aval de la vallée, ont été sélectionnés en raison de leur importance dans la production locale. Un échantillon de 67 pomiculteurs a été retenu par échantillonnage de convenance. Il s’agit d’une méthode non probabiliste basée sur la disponibilité et l’accessibilité des exploitants dans des zones géographiques complexes. Cette approche permet de recueillir rapidement une diversité représentative des pratiques agricoles dans ce contexte particulier (Jager et al., 2017). Les données ont été recueillies lors de deux sessions en 2022 : la première à la fin de la période de repos végétatif (mars-avril), et la seconde au début de la fructification (juin). Un questionnaire détaillé a été élaboré et testé pour caractériser les aspects technico-économiques de la culture du pommier. Les entretiens ont été centrés autour des caractéristiques structurelles et matérielles des exploitations, le parcellaire et l’assolement ainsi que l’itinéraire technique incluant l’irrigation, la fertilisation et les traitements phytosanitaires. Une attention particulière a été réservée à l’utilisation détaillée des intrants, tels que l’irrigation, la fertilisation et la main-d’œuvre, pour mieux comprendre leur impact sur la productivité et la rentabilité des exploitations.

2.4 Analyse statistique et typologique

Les données collectées ont été analysées statistiquement à l’aide du logiciel R. Une analyse descriptive initiale (moyennes et écarts-types) a permis de caractériser les exploitations et les pratiques culturales du pommier à M’semrir. L’analyse typologique a ensuite été conduite en deux étapes, utilisant l’analyse en composantes principales (ACP) et la classification ascendante hiérarchique (CAH) :

  1. classification des exploitations : l’ACP a été utilisée pour réduire la dimensionnalité des données, tandis que la CAH a permis de classer les exploitations selon des critères tels que la SAU (surface agricole utile), le niveau d’équipement, la quantité de main-d’œuvre, les charges annuelles, et la quantité vendue ;

  2. évaluation des performances : une deuxième analyse typologique, également basée sur l’ACP et la CAH, a évalué les performances des exploitations en fonction des rendements, la productivité de l’eau (Pe), le facteur de la productivité partielle de l’engrais azoté (FPPN) et le coût de revient de la production.

    Pe et FPPN ont été calculés comme suit :

Pe=YI,  FPPN=YN

Où Y représente le rendement (kg.ha−1), I représente la quantité d’eau appliquée (mm), et N la quantité d’azote appliquée (kg.ha−1).

Une analyse de variance a été réalisée pour évaluer les différences significatives entre les groupes, suivie d’un test de Duncan pour comparer les moyennes et identifier les différences spécifiques.

Toutes les données ont été testées pour la normalité à l’aide du test de Shapiro-Wilk (1965) avec une transformation logarithmique appliquée lorsque nécessaire pour assurer la validité des analyses.

3 Résultats et discussion

3.1 Caractérisation climatique et bioclimatique de la zone d’étude

L’analyse climatique de la région de M’semrir, basée sur les données de 1992 à 2022, a révélé un climat caractérisé par une forte variabilité interannuelle des précipitations et des températures. Le quotient pluviométrique moyen d’Emberger est de 26,9, indiquant un climat aride à semi-aride avec des hivers froids (−5,1 °C) et une forte variabilité interannuelle (Fig. 1). Le diagramme ombrothermique de Gaussen (Fig. 2) illustre l’aridité de la région, avec une période humide limitée de janvier à mars.

La moyenne mensuelle maximale durant la saison chaude dépasse souvent 35 °C, avec une amplitude thermique moyenne de 20,9 °C, révélant un contraste thermique marqué. Les températures moyennes annuelles montrent une tendance à la hausse, avec une augmentation notable de 0,37 °C entre 2012 et 2022 (Fig. 3). Ce réchauffement impacte l’accumulation des heures de froid, essentielles pour le développement des pommes, comme observé dans d’autres régions (Aziz et Elquaoumi, 2016 ; Wenden et al., 2022). Les gelées printanières représentent également un risque majeur, pouvant causer des pertes de récoltes significatives. Les précipitations annuelles, en moyenne 170 mm (Fig. 4), sont irrégulières, exacerbant les problèmes de gestion de l’eau. La dépendance à l’irrigation est donc cruciale pour les pommiers, nécessitant 700 à 900 mm d’eau annuellement, surtout en été (Moinina et al., 2018 ; Walali et Skiredj, 2003). Une part importante des précipitations annuelles tombe sous forme de neige, soutenant le débit hydrique au printemps. Cependant, des crues soudaines, amplifiées par le manque de végétation, entraînent l’érosion des sols et des dommages aux infrastructures hydrauliques (Ouadjane et al., 2021).

thumbnail Fig. 1

Évolution du quotient pluviométrique d’Emberger (Q) à M’semrir entre 1992 et 2022.

Evolution of the Emberger rainfall quotient (Q) at M’semrir between 1992 and 2022.

thumbnail Fig. 2

Diagramme ombrothermique de Gaussen de M’semrir (1992–2022).

Gaussen umbrothermal diagram of M’semrir (1992-2022).

thumbnail Fig. 3

Variation de la température annuelle moyenne dans la commune de M’semrir entre 1992 et 2022.

Variation in mean annual temperature in the commune of M’semrir between 1992 and 2022.

thumbnail Fig. 4

Variation de la pluviométrie annuelle dans la commune de M’semrir entre 1992 et 2022.

Variation in annual rainfall in the commune of M’semrir between 1992 and 2022.

3.2 Analyse descriptive des pratiques culturales

L’analyse des pratiques culturales des exploitations pomicoles de M’semrir a révélé une hétérogénéité au sein des exploitations en termes de structure et d’orientation technico-économique. Un aspect frappant est le morcellement prononcé des exploitations, avec des tailles allant de 200 m2 à 5 ha ; 52 % des exploitations suivies occupent moins de 0,5 hectare et seulement 19 % dépassent 2 ha. Ce morcellement entrave la mécanisation et interroge sur la viabilité à long terme de ces exploitations principalement familiales.

L’âge moyen des plantations est de 19 ans (Tab. 1). Les variétés dominantes sont Golden Delicious, Starking Delicious, Starkrimson, Royal Gala et Jéromine. La densité de plantation varie entre 600 et 4000 pieds par hectare, avec une moyenne de 1557 pieds par hectare.

Le fumier, surtout ovin, est couramment utilisé pour la fertilisation, avec des apports variant de 1,5 à 30 kg par arbre ; 84 % des agriculteurs interrogés complètent cette fertilisation avec des engrais chimiques, bien que les analyses de sol soient rares.

L’irrigation est une pratique essentielle dans la région. Toutes les exploitations recourent à un système d’irrigation gravitaire traditionnel via des canaux (séguia) alimentés par les affluents de l’Oued Dadès. Quelques exploitations (8 % de notre échantillon) utilisent également l’irrigation en goutte à goutte. La rotation de l’eau entre les parcelles est une pratique courante, permettant à chaque agriculteur d’accéder à l’eau pendant 1 à 3 heures selon les besoins des parcelles et la disponibilité de l’eau.

En matière de protection des cultures, 87 % des vergers sont traités annuellement contre des ravageurs, comme le carpocapse, le pou de San José et l’acarien rouge, tandis que 7 % des agriculteurs interrogés adoptent des approches biologiques.

L’association culturale, principalement avec de la luzerne, du blé et de l’orge, est pratiquée dans 88 % des vergers. La taille des arbres, bien que généralisée, reste souvent mal maîtrisée, et le désherbage est principalement manuel.

Tableau 1

Caractéristiques des exploitations étudiées et des pratiques agronomiques à M’semrir (n = 52).

Characteristics of surveyed farms and farming practices in M’semrir (n=52).

3.3 Analyse typologique

L’analyse typologique a distingué trois catégories principales d’exploitations pomicoles : les exploitations de taille moyenne, les petites exploitations, et les micro-exploitations. L’ACP initiale a mis en évidence que les deux premiers axes factoriels expliquaient respectivement 52,3 % et 16,0 % de la variabilité totale, soit 68,3 % (Fig. 5a et 5b). À l’intérieur de chaque catégorie, une évaluation supplémentaire a permis d’identifier les exploitations les plus performantes (P) et les moins performantes (NP), en se basant sur les critères de rendement, de productivité de l’eau (Pe), de facteur de la productivité partielle de l’engrais azoté (FPPN) et de coût de revient.

thumbnail Fig. 5

a) Projection des variables sur le plan factoriel à deux dimensions (ACP). b) Classification ascendante hiérarchique des exploitations de pommier de M’semrir.

a) Projection of variables on the two-dimensional factor plane (PCA). b) Hierarchical Clustering of Apple Farms in M’semrir.

3.3.1 Groupe 1 : exploitations de taille moyenne

Le groupe 1, qui représente 14 % de l’échantillon avec une SAU moyenne de 3,3 ha (Tab. 2), se distingue par un équipement relativement satisfaisant et une main-d’œuvre importante, avec une moyenne de 7 travailleurs par exploitation. Ces exploitations pratiquent davantage que les autres la culture en association, notamment avec la luzerne, et montrent une plus grande diversité variétale avec en moyenne plus de deux variétés de pommier. Néanmoins, les rendements restent modestes, avec une production moyenne de 12 kg par arbre, tandis que les coûts de production sont les plus élevés de l’échantillon, atteignant 2,2 DH par kg (1 DH vaut environ 0,10 €), soulignant la nécessité de réviser et d’optimiser l’utilisation des intrants.

Au sein de ce groupe, 57 % des exploitations (sous-groupe 1-P) montrent des performances meilleures, notamment en termes de productivité de l’eau, atteignant un niveau significativement supérieur à tous les autres groupes, soit 50 kg.mm−1, un niveau supérieur à celui observé dans des études similaires en climat semi-aride (Wang et al., 2020). Toutefois, malgré cette efficacité hydrique, le rendement moyen de 14 kg par arbre demeure en deçà du rendement moyen régional de 23 kg par arbre, suggérant une marge de progression possible. Le faible facteur de productivité partielle de l’engrais azoté (FPPN) de 73 kg par unité d’azote indique que la gestion des nutriments pourrait être un facteur limitant. Cette faiblesse des rendements pourrait également être attribuée à une maîtrise insuffisante des techniques de production, telles que la taille, cruciale pour l’optimisation du potentiel productif des arbres. Les autres agriculteurs de ce groupe (sous-groupe 1-NP, 43 % du groupe 1) montrent des performances inférieures, avec un rendement moyen de seulement 10 kg par arbre et une Pe de seulement 13 kg.mm−1, indiquant un besoin d’une utilisation plus efficace de l’eau d’irrigation.

L’association des cultures, bien qu’avantageuse pour la biodiversité et la gestion des sols, pourrait contribuer aux faibles rendements si elle est mal gérée. La luzerne, couramment utilisée, est exigeante en eau, ce qui pourrait réduire la disponibilité pour les pommiers et nuire à leur productivité. Le remplacement de la luzerne par des cultures moins consommatrices d’eau, comme l’orge, l’avoine ou le bersim, mieux adaptées au climat semi-aride, pourrait préserver les ressources hydriques tout en maintenant une couverture végétale bénéfique.

Tableau 2

Caractérisation de la typologie de performance. Les valeurs moyennes d’une colonne suivies de la même lettre ne sont pas significativement différentes selon le test de Duncan à 5 %.

Characterization of performance typology. Mean values within a column followed by the same letter are not significantly different by Duncan’s multiple range test (5%).

3.3.2 Groupe 2 : petites exploitations

Le groupe 2, représentant 29 % des exploitations étudiées, se caractérise par une SAU moyenne de 1,7 ha et des charges annuelles élevées de 12 000 DH.ha−1, en raison d’un effet d’échelle défavorable, avec des coûts fixes proportionnellement plus élevés.

Au sein de ce groupe, 67 % des exploitations (sous-groupe 2-P) affichent un rendement moyen exceptionnel de 33 kg. arbre−1, bien supérieur à celui des autres groupes. Ce sous-groupe se distingue également par une excellente productivité de l’azote de 189 kg par unité, un niveau significativement supérieur à celui des autres groupes. Toutefois, la gestion de l’eau reste une préoccupation majeure, comme l’indique la faible productivité de l’eau de 10 kg.mm−1, révélant un apport excessif en eau d’irrigation. Le coût de revient s’élève à 2,3 DH.kg−1.

En revanche, le sous-groupe 2-NP, bien que moins performant en termes de productivité d’azote (60 k par unité), montre une productivité de l’eau satisfaisante (28 kg.mm−1) et un coût de revient avantageux de 1,1 DH.kg−1.

À la lumière de ces résultats, nous estimons que l’amélioration des performances dans ce groupe peut être atteinte par une gestion plus rigoureuse de l’irrigation et une planification optimisée de la fertilisation azotée, fondée sur des analyses de sol régulières. De plus, l’adoption de techniques d’économie d’eau, telles que l’irrigation déficitaire, pourrait permettre une utilisation plus efficiente des ressources hydriques tout en maintenant les rendements. Cette approche a montré son efficacité dans l’étude d’El Jaouhari et al. (2018) où des rendements comparables à ceux obtenus sous l’évapotranspiration de référence ont été atteints en réduisant les apports d’eau de 25 % à 50 % pour le pommier cultivé à Imouzzer dans le Moyen Atlas du Maroc.

3.3.3 Groupe 3 : micro-exploitations

Les micro-exploitations, représentant 57 % de notre échantillon, sont confrontées à un problème de morcellement foncier accentué, avec une superficie moyenne de seulement 0,4 hectare. Ce défi structurel compromet l’efficacité de la gestion agricole, en particulier en matière d’irrigation. La faible productivité de l’eau, avec seulement 8 kg.mm−1, en témoigne, indiquant une utilisation inefficiente de l’irrigation, souvent exacerbée par les défis de gestion liés à la petite taille des parcelles.

Le sous-groupe 3-P, formant 37 % de ces exploitations, se distingue par un rendement moyen de 33 kg par arbre et un FPPN de 148 kg par unité d’azote, aligné avec les tendances observées dans des études similaires (Manolov et al., 2018 ; Hao et al., 2022). Le sous-groupe 3-NP, qui représente la majorité des micro-exploitations, montre des performances techniques inférieures, avec un rendement de seulement 18 kg par arbre, un FPPN limité à 52 kg par unité, et une Pe de 7 kg.mm−1. Au vu ces résultats, une réflexion approfondie sur la compétitivité des systèmes de culture actuels de ces exploitations, en lien avec l’économie d’eau et l’amélioration de sa productivité, s’impose. Opter pour des cultures moins gourmandes en eau et mieux adaptées aux contraintes climatiques de la région pourrait renforcer la durabilité de ces exploitations face à des conditions environnementales de plus en plus exigeantes.

4 Conclusion

Ce travail a permis de dresser un diagnostic des systèmes de production pomicole dans la commune de M’semrir, soulignant les spécificités locales et les contraintes majeures qui pèsent sur l’intensification de l’agriculture dans cette région montagneuse et semi-aride. L’analyse typologique a mis en lumière une relation entre les caractéristiques structurelles des exploitations et les performances de la culture du pommier, notamment en ce qui concerne les rendements et l’efficacité de l’utilisation de l’eau. Bien que cette analyse ne prenne pas en compte tous les aspects techniques, tels que le choix des variétés, l’âge des vergers ou les calendriers d’irrigation et de fertilisation, les résultats suggèrent que des gains de rendement et d’efficacité des ressources peuvent être obtenus en optimisant les pratiques culturales, en particulier celles liées à l’irrigation et à la fertilisation, ainsi que par la maîtrise d’autres techniques de production comme la taille et l’association des cultures.

Les résultats de l’étude soulignent également la nécessité d’adopter des approches plus adaptées aux contraintes environnementales de la région. Face à un aléa climatique croissant et à une disponibilité en eau de plus en plus limitée, l’introduction de cultures moins exigeantes en eau que le pommier, que ce soit dans le cadre des associations culturales ou par la diversification des systèmes de production, pourrait offrir des solutions plus durables.

Par ailleurs, des recherches futures devraient explorer le développement de techniques d’irrigation déficitaire dans la zone d’étude, car elles permettraient d’économiser l’eau tout en maintenant un niveau de production acceptable pour le pommier. De plus, la modélisation agroclimatique pourrait jouer un rôle clé en permettant une meilleure anticipation des conditions climatiques futures, ce qui fournirait des informations utiles pour optimiser la gestion de l’irrigation et la planification des interventions agricoles. Le développement de modèles spécifiques à la région permettrait de concevoir des stratégies d’adaptation plus robustes, assurant ainsi la pérennité des systèmes agricoles dans un contexte de changement climatique avéré.

Remerciements

Cette recherche a été soutenue par le projet MASSIRE, financé par le Fonds international de développement agricole (FIDA). Les auteurs tiennent à remercier les services techniques de l’ORMVAO (Office régional de la mise en valeur de Ouarzazate) pour leur soutien logistique. Nos vifs remerciements sont adressés également aux agriculteurs qui ont collaboré à notre étude.

Références

Citation de l’article : Lozzi A, Chakroun R, Hakimi F, Maatalah N, Bounadi I, Lahrech T, Bekkar Y, Bouaziz A. 2024. Diagnostic des systèmes de production de pommier face aux changements climatiques : cas de M’semrir, Haut Atlas, Maroc. Cah. Agric. 33: 28. https://doi.org/10.1051/cagri/2024024

Liste des tableaux

Tableau 1

Caractéristiques des exploitations étudiées et des pratiques agronomiques à M’semrir (n = 52).

Characteristics of surveyed farms and farming practices in M’semrir (n=52).

Tableau 2

Caractérisation de la typologie de performance. Les valeurs moyennes d’une colonne suivies de la même lettre ne sont pas significativement différentes selon le test de Duncan à 5 %.

Characterization of performance typology. Mean values within a column followed by the same letter are not significantly different by Duncan’s multiple range test (5%).

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Évolution du quotient pluviométrique d’Emberger (Q) à M’semrir entre 1992 et 2022.

Evolution of the Emberger rainfall quotient (Q) at M’semrir between 1992 and 2022.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Diagramme ombrothermique de Gaussen de M’semrir (1992–2022).

Gaussen umbrothermal diagram of M’semrir (1992-2022).

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Variation de la température annuelle moyenne dans la commune de M’semrir entre 1992 et 2022.

Variation in mean annual temperature in the commune of M’semrir between 1992 and 2022.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Variation de la pluviométrie annuelle dans la commune de M’semrir entre 1992 et 2022.

Variation in annual rainfall in the commune of M’semrir between 1992 and 2022.

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

a) Projection des variables sur le plan factoriel à deux dimensions (ACP). b) Classification ascendante hiérarchique des exploitations de pommier de M’semrir.

a) Projection of variables on the two-dimensional factor plane (PCA). b) Hierarchical Clustering of Apple Farms in M’semrir.

Dans le texte

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