Open Access
Issue
Cah. Agric.
Volume 34, 2025
Article Number 3
Number of page(s) 12
DOI https://doi.org/10.1051/cagri/2025001
Published online 07 February 2025

© Z. El Bakouri et al., Hosted by EDP Sciences 2025

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.

1 Introduction

Le palmier dattier (Phoenix dactylifera L.) est l’une des espèces fruitières les plus importantes des régions arides et semi-arides. Il est originaire du Moyen-Orient, mais il est cultivé dans de nombreuses autres régions du monde telles que l’Afrique du Nord, l’Asie du Sud, l’Espagne et les États-Unis (Krueger, 2015). Le patrimoine phoénicicole au Maroc est composé de 6,9 millions de plants, ce qui représente environ 4 % de l’effectif mondial. Les provinces d’Ouarzazate (vallée du Drâa), d’Errachidia (vallées du Tafilalet et du Ziz) et de Tata (Bani) représentent à elles seules près de 90 % de l’effectif marocain (Meziani, 2023). Du point de vue des ressources génétiques, le patrimoine national marocain est assez diversifié ; il est composé de 453 génotypes (52,3 % sous forme de variétés et 47,7 % sous de forme de khalts – populations hétérogènes issues de semis naturels). Parmi ces génotypes, 12 cultivars sont plus particulièrement appréciés par les agriculteurs : Mejhoul, Boufeggous, Jihel, Bouskri, Bousthammi Noir, Bouslikhène, Outokdime, Bouittob, Ahardane, Aguelid, Taabdount et Aziza Bouzid (Sedra, 2015). À la fin du XIXe siècle, le Maroc occupait le 3e rang mondial parmi les pays producteurs et une place de choix dans le commerce extérieur des dattes grâce, notamment, à la qualité de celles-ci. Malheureusement, après cette période de prospérité, à partir du début de XXe siècle, la situation s’est totalement renversée. La détérioration des palmeraies marocaines est principalement attribuée à la sécheresse prolongée, à l’ensablement, à l’exode rural et surtout à la propagation du bayoud. Cette maladie causée par le champignon tellurique Fusarium oxysporum f.sp. albidinis est responsable à elle seule de la destruction de plus des deux tiers des palmeraies marocaines. Ainsi, et partant des 15 millions de pieds qui peuplaient les palmeraies marocaines et dont la majorité était issue de variétés de bonne qualité, il ne reste plus actuellement que 6,9 millions de pieds, dont une grande partie est constituée de sujets francs très diversifiés et de qualité variable. Depuis le lancement de la stratégie nationale de développement de la filière palmier dattier en 2010, les oasis marocaines ont connu des changements importants, avec la plantation de plus de 3,1 millions de palmiers dattiers (Meziani, 2023). Les plantations s’inscrivent à la fois dans un programme de densification et de réhabilitation des palmeraies traditionnelles et de création de vergers phoénicicoles modernes (ANDZOA, 2018). Ainsi, de nouvelles fermes ont-elles été créées dans les zones d’extension des oasis. Ces fermes cultivent principalement des variétés à forte valeur commerciale, notamment Mejhoul, et utilisent des techniques de production modernes. Ces dernières années, une tendance croissante à planter ces variétés à forte valeur commerciale a été enregistrée, y compris dans les palmeraies traditionnelles, notamment parce que les plants distribués aux petits exploitants par les services du ministère de l’Agriculture, de Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts (MAPMDREF) sont majoritairement constitués de ces variétés.

Ce texte vise à décrire la diversité variétale des palmeraies traditionnelles du Tafilalet, principale zone phoénicicole du Maroc, et l’impact de la stratégie nationale de développement de la filière palmier dattier sur le maintien et la conservation de cette diversité. La relation entre la diversité génétique et le mode de gestion des palmeraies par les petits agriculteurs sera également discutée. Cet article n’étudie pas la diversité génétique des nouvelles fermes situées dans les extensions des oasis, qui est extrêmement faible.

2 Matériels et méthodes

2.1 Méthode d’échantillonnage

L’étude a été menée sur un échantillon stratifié de 226 exploitations dans des palmeraies traditionnelles d’une superficie totale de 299 hectares. La superficie de chaque palmeraie étudiée variait de 18 à 107 ha. Les exploitations étudiées ont été choisies aléatoirement dans les sept palmeraies du Tafilalet (Errachidia, Aoufous, Erfoud, Jorf, Errissani, Boudnib, Guelmima-Tinjdad) (Tab. 1, Fig. 1).

Tableau 1

Composition de l’échantillon des palmeraies étudiées.

Composition of the Sample of Surveyed Palm Groves.

thumbnail Fig. 1

Localisation des palmeraies du Tafilalet (Khardi et al., 2024).

Location of the Tafilalet palm groves (Khardi et al., 2024).

2.2 Collecte de données

Les enquêtes menées dans la zone d’étude ont concerné les variétés, les pratiques et les méthodes de gestion agricole. Elles ont été réalisées en automne (septembre à novembre) afin d’identifier le plus grand nombre possible de variétés.

2.3 Traitement et exploitation des données

2.3.1 Évaluation de la diversité variétale dans les palmeraies

Le recensement des variétés existantes et le degré de représentativité de ces variétés dans les palmeraies sont des indicateurs nécessaires mais non suffisants pour évaluer le niveau de diversité génétique des palmeraies étudiées. Après avoir inventorié toutes les variétés existantes, une évaluation de la richesse variétale de chaque exploitation a été réalisée à l’aide de l’indice de Shannon-Weaver (H) (Shannon et Wiener, 1963 ; Goffaux et al., 2011). Cet indice permet d’évaluer la richesse variétale et le degré de représentativité de chaque variété dans le verger. En effet, la diversité est assurée lorsque les variétés ont une répartition régulière, et à l’inverse, la présence de variétés très dominantes entraîne systématiquement la rareté de certaines autres variétés (Marcon, 2015).

La formule de calcul de l’indice de Shannon-Weaver est la suivante : H = -Σ[(ni/N)*log2(ni/N)],

  • ni est le nombre d’individu du génotype i ;

  • N est le nombre total des individus de tous les génotypes.

L’analyse de variance (ANOVA) a été réalisée à l’aide de SPSS (version 25) avec des intervalles de confiance à 95 % pour comparer les valeurs moyennes de l’indice de diversité entre les différentes palmeraies traditionnelles.

2.3.2 Relation entre l’évolution des pratiques agricoles et la diversité variétale

L’analyse de la relation entre la diversité génétique du palmier dattier et les pratiques agricoles adoptées dans les palmeraies traditionnelles a été réalisée à l’aide d’une analyse en composantes principales (ACP). Les pratiques agricoles examinées concernent principalement l’irrigation au goutte à goutte, la fertilisation minérale, les traitements phytosanitaires, l’élagage des palmes, l’éclaircissage des régimes et le nettoyage des touffes. L’étude de corrélation a été réalisée selon la méthode de régression linéaire (à 5 % et 1 % de risque) à l’aide du programme SPSS (version 25).

3 Résultats et discussion

3.1 Répartition variétale

Les enquêtes menées avec les agriculteurs dans les palmeraies du Tafilalet ont permis d’identifier 46 variétés et khalts (populations hétérogènes issues de semis naturels) ; 19 % des variétés identifiées représentent 73 % de la population. Les principales variétés sont Boufeggous (23 %), Mejhoul (21 %), Bouslikhène (15 %), Boucérdoune (4 %), Najda (3 %), Bousekri (2 %), Ras Tmar (2 %), Bouyjou (2 %) et Oum Nhal (1 %). Les khalts représentent 20 % de la population de palmiers dattiers recensée (Fig. 2). Ces résultats rejoignent ceux de Sedra (2015) qui citait Bouslikhène, Boufeggous, Ras Tmar, Boucérdoune et Mejhoul comme principales variétés caractéristiques de la palmeraie du Tafilalet. Selon l’ORMVATF (2020), le profil variétal du Tafilalet reste dominé par les khalts (33 %), tandis que Boufeggous, Mejhoul, Bouslikhène et Najda sont les quatre principales variétés de cette palmeraie. Les résultats de l’étude montrent également que 81 % des variétés identifiées ne représentent que 7 % de la population ; ces variétés sont : Azigzao, Lhammar, Belhazit, Aziza, Bid djaj, Khalt zahra, Koul ou Scout, Ademou, Tazougaght, Ali ben M’Hammed, Hafs, Lemkerkeb, Haoua, Elqataa, Sbaa Soultane, N’kila, Sbaa laabd, El Wastania, Lahlaout, Initfit, Kerna, Bou Michar, Bid El Ghoul, Ben aissa, Bouharet, Keddous, Akerchao, Bouharrath, Bouzitoune, Aghtita, Abidi, Aidness, Akadouss, Aguelid, jaffri, Boufeggous Gharas, Chatouia et El Khadria.

Certains de ces génotypes ont été cités dans des travaux antérieurs (Sedra, 2013 ; Sedra, 2015 ; ORMVATF, 2020), tandis que d’autres variétés citées dans la bibliographie, comme Alloubane, Assil, Bourar et Timssassine n’ont pas été identifiées dans nos enquêtes. Il semble que des travaux d’exploration plus approfondis devraient être envisagés à l’avenir pour déterminer si certaines de ces variétés ont disparu ou non de la palmeraie du Tafilalet.

Selon Sedra (2015), le patrimoine phoénicicole du Maroc comprend plus de 400 variétés, dont 71 cultivars se trouvent dans les palmeraies du Tafilalet et du Ziz. Nos résultats n’ont identifié que 65 % de ce patrimoine déjà déclaré (hors khalts). À noter que ce nombre reste significatif par rapport aux résultats de Boudjaj (2021), qui a identifié 18 variétés dans les palmeraies du Tafilalet, ou encore Houssni et al. (2018), qui a rapporté 31 variétés dans les palmeraies du Draa et du Tafilalet. Cependant, certaines variétés mentionnées dans la littérature n’ont pas été retrouvées dans les enquêtes récentes, probablement parce que certaines d’entre elles peuvent avoir disparu. Cette absence suscite des inquiétudes quant à la protection de la biodiversité du palmier dattier dans la palmeraie du Tafilalet. Par conséquent, des efforts de recherche supplémentaires et une surveillance continue sont nécessaires pour évaluer l’état de ces variétés et mettre en œuvre des mesures de conservation appropriées. Cela garantira la pérennité de la diversité génétique de cette culture emblématique.

Le profil variétal varie de 1 à 9 variétés par exploitation et de 11 à 23 variétés par palmeraie. L’effectif de la variété Mejhoul, qui est la variété la plus appréciée et la plus recherchée par les agriculteurs et les consommateurs marocains, représente une part importante dans le profil variétal de l’ensemble des palmeraies traditionnelles du Tafilalet, notamment dans celles de Guelmima-Tinjdad (26 %), d’Errachidia (25 %) et d’Erfoud (23 %). Meziani (2023) a signalé que, grâce aux efforts déployés par l’ensemble des acteurs de la filière des dattes, les effectifs de la variété Mejhoul au Maroc ont beaucoup évolué et sont estimés actuellement entre 15 % et 20 % du patrimoine phoénicicole marocain (entre 900 000 et 1 200 000 plants). Dans la région du Tafilalet (berceau de la variété), les effectifs de la variété Mejhoul sont passés de 2 % avant le lancement du PMV (Plan Maroc vert) à presque 30 % actuellement (ORMVATF, 2020). Mejhoul est pratiquement plantée dans toutes les palmeraies marocaines, que ce soient des oasis traditionnelles ou des extensions ; cependant les effectifs les plus importants sont localisés dans les zones d’extension, notamment celles de l’axe Meski-Boudnib.

Grâce à sa grande plasticité, la variété Boufeggous fait partie des variétés qui caractérisent toutes les palmeraies marocaines. Au Tafilalet, la part de cette variété dans le profil variétal des palmeraies varie de 21 % à Boudnib à 26 % à Errachidia. Selon l’ORMVATF (2020), la variété Boufeggous représente 20 % du patrimoine phoénicicole de la palmeraie de Tafilalet. La variété Najda a été sélectionnée pour la qualité de ses dattes et sa résistance à la maladie du bayoud (Jaiti, 2019). Malgré son intérêt pour la réhabilitation des palmeraies traditionnelles, cette variété est peu présente dans les palmeraies du Tafilalet. Sa part dans le profil variétal varie de 1 % pour Erfoud, Errissani et Aoufous, à 6 % pour Jorf et Guelmima-Tinjdad (Fig. 3). En effet, cette variété a été sélectionnée dans la palmeraie du Draa et est moins adaptée aux conditions climatiques du Tafilalet. La variété Bouslikhène constitue une part importante des profils variétaux des palmeraies d’Erfoud, Jorf et Errissani. Malgré sa valeur commerciale moyenne, cette variété spécifique à ces trois palmeraies est très appréciée par les agriculteurs de la région en raison de ses rendements élevés. Une plus grande valeur ajoutée peut être générée en atténuant le problème du détachement de l’épicarpe des dattes, typique de cette variété et favorisé par de mauvaises conditions de stockage (Noutfia et al., 2018).

La Figure 4 montre la fréquence de distribution des variétés dans la palmeraie du Tafilalet. Les résultats montrent que 83 % des agriculteurs cultivent des khalts dans leurs vergers, 76 % cultivent Boufeggous, 64 % cultivent Mejhoul et 54 % cultivent Bouslikhène. Les résultats ont montré également que les variétés Najda, Boucérdoune et Bousekri sont plantées par environ 20 % des agriculteurs interrogés. Si la plantation de la variété Najda se justifie par son adoption par les services du MAPMDREF pour la réhabilitation des palmeraies traditionnelles, les plantations de Boucérdoune et Bousekri se justifient principalement par la forte appréciation des consommateurs marocains et la qualité technologique des dattes de ces deux variétés (Harrak et Boujnah, 2012 ; Sedra, 2013). À noter que 50 % des variétés identifiées sont cultivées par moins de 1 % des agriculteurs interrogés.

La Figure 5 montre la fréquence de distribution des variétés identifiées dans chaque palmeraie du Tafilalet. Les khalts sont présents dans la plupart des exploitations traditionnelles étudiées. Cette fréquence varie selon les palmeraies, allant de 76 % à Errissani à 94 % à Boudnib. Les résultats montrent également que, pour l’ensemble des palmeraies du Tafilalet, de nombreux agriculteurs choisissent de planter principalement deux variétés, Mejhoul et Boufeggous, dans leurs vergers. La fréquence de distribution de Mejhoul varie entre 48 % à Jorf et 71 % à Guelmima-Tinjdad, tandis que celle de Boufeggous varie entre 66 % à Jorf et 81 % à Guelmima-Tinjdad. Ce constat s’explique par la valeur commerciale de ces deux variétés et leur parfaite adaptation aux conditions pédoclimatiques de ces palmeraies (Sedra, 2015 ; Meziani, 2023). Le Tafilalet est en effet le berceau de ces deux variétés à forte valeur commerciale. Contrairement aux palmeraies d’Errachidia, Boudnib, Guelmima-Tinjdad et Aoufous, la plupart des agriculteurs des autres palmeraies choisissent de cultiver la variété Bouslikhène dans leurs vergers. Son appréciation par les consommateurs locaux, sa parfaite adaptation et son rendement élevé sont les principales raisons de son adoption.

thumbnail Fig. 2

Répartition variétale dans les palmeraies du Tafilalet.

Varietal distribution in the date palm groves of Tafilalet.

thumbnail Fig. 3

Répartition des principales variétés par palmeraie.

Distribution of major varieties by date palm grove.

thumbnail Fig. 4

Fréquence de la distribution des variétés dans le Tafilalet (% d’agriculteurs cultivant la variété Vi).

Frequency distribution of varieties in Tafilalet (% of farmers growing variety Vi).

thumbnail Fig. 5

Fréquence de la distribution des principales variétés par palmeraie.

Frequency distribution of major varieties by date palm grove.

3.2 Comparaison des indices de diversité génétique

Les tailles des échantillons de cette étude sont inégales, ce qui peut affecter les résultats de l’analyse de variance. Nous avons donc d’abord réalisé un test d’uniformité de variance selon la méthode de Levene afin de choisir le test d’égalité et de comparaison des moyennes le plus approprié. Le test de Welch (test de variance inégale) qui a ensuite été utilisé a démontré une différence significative (P < 0,05) entre les valeurs moyennes de l’indice de Shannon-Weaver. Ce même résultat a été confirmé par le test de comparaison des moyennes ANOVA. Afin de pouvoir classer toutes les palmeraies sur la base des résultats ci-dessus, le test de comparaison multiple T3 de Dunnett a été utilisé (Tab. 2). Ainsi, les résultats montrent que la moyenne de l’indice de Shannon de la palmeraie de Boudnib (Hmoyen = 2,026) est significativement différente de l’indice de Shannon enregistré pour la palmeraie d’Errissani (Hmoyen = 1,679) et de Jorf (Hmoyen = 1,659), alors que les autres palmeraies ne présentaient pas de différences significatives dans leurs niveaux de diversité variétale.

Tableau 2

Test de Dunnett de comparaisons multiples.

Dunnett’s test for multiple comparisons.

3.3 Corrélation entre la diversité génétique du palmier dattier et l’évolution des pratiques culturales dans le Tafilalet

L’analyse de corrélation entre les différentes pratiques agricoles modernes a montré que ces pratiques sont positivement corrélées entre elles (P < 0,05 et P < 0,01). Ainsi, l’entretien des palmes est fortement corrélé au nettoyage des touffes (0,95 ; P < 0,01), au ciselage des régimes – éclaircissage des fruits (0,89 ; P < 0,01) et à la protection des régimes –ensachage (0,9 ; P < 0,01) (Tab. 3). Cette association étroite entre ces techniques de production s’explique par le fait que l’opération de l’entretien des palmes est une condition de réussite des opérations de ciselage et de protection par ensachage des régimes. Des corrélations moyennes ont été enregistrées entre l’utilisation de pesticides et la fertilisation minérale d’une part (0,58 ; P < 0,01) et l’irrigation localisée (0,54 ; P < 0,01) d’autre part (Tab. 3). Cela peut s’expliquer par le fait que les agriculteurs qui utilisent des pesticides ne pratiquent pas nécessairement une irrigation localisée et une fertilisation chimique. Ils ont recours à des interventions phytosanitaires lorsque cela est nécessaire, indépendamment de la fertilisation chimique, même en l’absence d’irrigation localisée.

L’étude de factorisation des variables de la diversité génétique du palmier dattier et des pratiques agricoles modernes montre que deux composantes factorielles doivent être retenues (somme des inerties expliquées par chaque axe : 80,5 %). Le premier axe factoriel contient plus de 68 % de l’information et comprend : l’irrigation en goutte à goutte, la fertilisation minérale, l’utilisation de pesticides, l’entretien des palmes, le nettoyage des touffes, le ciselage et la protection des régimes. Le deuxième axe factoriel représente l’indice de diversité génétique (Indice de Shannon) (Fig. 6). Le test de corrélation entre l’indice de Shannon et les pratiques agricoles modernes n’a montré aucun lien entre ces deux aspects (Tab. 4).

En l’absence de relation entre l’indice de Shannon et les pratiques agricoles modernes, et sur la base des résultats de l’enquête, la corrélation entre la superficie des exploitations et les pratiques agricoles modernes a été examinée. Le Tableau 5 montre qu’il existe une corrélation positive significative (0,58 ; P < 0,01), ce qui signifie que la taille des exploitations affecte le choix des pratiques agricole adoptées. Les techniques modernes sont plus couramment utilisées si la superficie est importante (généralement supérieure à 1 hectare) (Fig. 7 a-g). Les résultats montrent qu’en fonction de la qualité des génotypes cultivés, parfois même sur de petites superficies, certains agriculteurs ont adopté un certain nombre de techniques de production modernes, notamment l’entretien des palmes, le nettoyage des touffes, ainsi que l’ensachage pour la protection des régimes. L’enquête réalisée a révélé des résultats similaires à ceux observés dans l’analyse des corrélations. En effet, la quasi-totalité des agriculteurs possédant des petites superficies ont indiqué que ces dernières ne justifient pas économiquement l’installation d’un système de goutte-à-goutte, et que beaucoup d’entre eux ne disposent pas des moyens nécessaires pour l’achat d’intrants tels que les fertilisants ou les produits phytosanitaires. Toutefois, même avec des superficies réduites, ces agriculteurs accordent une attention particulière à certaines variétés, telles que Mejhoul et Boufeggous. Ce choix est principalement guidé par la valeur commerciale élevée de ces deux variétés, qui représentent un investissement plus rentable malgré les contraintes économiques.

Tableau 3

Corrélation entre les différentes pratiques agricoles modernes dans les palmeraies traditionnelles.

Correlation between different modern agricultural practices in traditional date palm groves.

thumbnail Fig. 6

Carte factorielle de représentation de la diversité génétique et des pratiques culturales modernes.

Factorial map representing genetic diversity and modern farming practices.

Tableau 4

Corrélation de Pearson entre l’indice de Shannon-Weaver et les pratiques culturales modernes.

Pearson correlation between the Shannon-Weaver index and modern farming practices.

Tableau 5

Corrélations de Pearson entre la superficie et les pratiques agricoles modernes.

Pearson correlations between farm size and modern farming practices.

thumbnail Fig. 7

Corrélation entre la superficie et les techniques de production.

Correlation between farm size and production techniques.

4 Conclusion

Le secteur phœnicicole du Maroc a connu un essor considérable depuis le lancement du contrat de programme palmier dattier en 2010 dans le cadre du Plan Maroc vert. Cette dynamique a été réalisée essentiellement à travers la plantation de 3 millions de vitroplants, principalement de la variété Mejhoul, mais aussi à travers la modernisation de la filière en encourageant l’utilisation de techniques de production modernes. Ce programme s’est concrétisé au niveau des zones d’extension par la création de grandes exploitations caractérisées par un profil monovariétal et des techniques de production modernes permettant un niveau de productivité assez élevé. Cette étude, réalisée dans l’une des principales palmeraies traditionnelles du Maroc, montre que le niveau de diversité génétique y reste assez élevé, mais qu’un certain nombre de variétés semblent avoir disparu. Cette diversité n’est pas en relation directe avec la superficie des exploitations ou la modernisation des techniques de production. Cependant, il est important de souligner l’intérêt concret pour les phœniciculteurs et les acteurs du développement à maintenir cette biodiversité. La diversité génétique des palmeraies est un facteur clé pour assurer la résilience des cultures face aux aléas climatiques, aux maladies et aux ravageurs, et elle joue un rôle fondamental dans la durabilité du secteur. Si les phœniciculteurs n’y voient pas d’intérêt immédiat en raison des coûts associés à la préservation de cette diversité, il sera crucial d’explorer d’autres pistes, comme l’appui de l’État, des organismes internationaux, des banques génétiques ou des structures de financement pour soutenir la conservation des ressources génétiques locales.

À long terme, la conservation des ressources génétiques phoénicicoles pourrait offrir des avantages indirects en termes de diversification des revenus et de renforcement de la compétitivité des exploitations. Ainsi, des actions ciblées pour préserver cette diversité génétique devraient être intégrées dans les futures stratégies de développement du secteur, tant au niveau local que national.

En complément, des études plus approfondies devraient aussi être menées dans l’ensemble des palmeraies marocaines afin d’évaluer l’impact de la stratégie de plantation menée dans le cadre du PMV qui repose sur un nombre très restreint de variétés. Cela permettrait de fournir des informations fiables aux décideurs afin de mieux orienter les nouveaux programmes de plantation dans le cadre de la stratégie “Génération Green” (GG) qui vise à planter 5 millions de vitroplants entre 2020 et 2030.

La conservation de la diversité génétique est un enjeu qui doit être pris en considération par l’ensemble des acteurs. Il est vrai que la majorité des agriculteurs interrogés ont manifesté un intérêt pour un nombre restreint de variétés (comme Mejhoul, Boufeggous, et Bousekri), en mettant en avant des objectifs de rentabilité économique, sans accorder une grande importance aux aspects de durabilité et de résilience. Cependant, ces agriculteurs sont ouverts à planter d’autres variétés, à condition de bénéficier d’un soutien pour la valorisation et la commercialisation de ces variétés alternatives. Du côté des acteurs du développement, tels que les offices et autres institutions, il existe une préoccupation concernant l’avenir de la diversité génétique des palmeraies marocaines. Cependant, ils se retrouvent contraints par le mélange variétal actuellement disponible dans les laboratoires de production de vitroplants, composé majoritairement de Mejhoul et Boufeggous, avec de plus petites proportions de Bousekri, Najda, et Aziza Bouzid. En ce qui concerne le consommateur marocain, la préservation de la diversité génétique présente un intérêt certain. En effet, le Maroc est le deuxième importateur de dattes à l’échelle internationale, avec environ 100 000 tonnes importées chaque année, principalement en provenance des Émirats arabes unis, de Tunisie, d’Égypte et d’Irak. Ces dattes importées sont souvent vendues à des prix bien plus bas que les variétés Mejhoul et Boufeggous. Par conséquent, la préservation et le développement d’autres variétés locales, appréciées par les consommateurs marocains et capables de concurrencer les variétés importées, constituent un atout indéniable. Certaines variétés locales, comme Bouslikhène, sont appréciées par les agriculteurs et les consommateurs, mais elles ne sont pas vendues à des prix intéressants en raison d’un manque de soutien pour leur valorisation.

Le ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts (MAPMDREF) a pris plusieurs initiatives dans le cadre du Plan Maroc vert et de la stratégie "Génération Green" pour promouvoir la sauvegarde de cette diversité génétique. Ces mesures incluent l’exigence d’un mix variétal (au moins 30 % des plants plantés doivent être hors Mejhoul) pour les investisseurs, ainsi que l’introduction de 40 génotypes locaux dans le cadre du nouveau programme de plantation de 5 millions de plants entre 2020 et 2030. Cependant, malgré leur importance, ces mesures restent insuffisantes car les investisseurs se limitent souvent à planter 30 % de Boufeggous, ce qui ne mène pas à l’objectif souhaité de diversité variétale. De plus, les 40 génotypes programmés ne sont pas disponibles dans les laboratoires privés, et la lenteur de l’obtention des plants de ces variétés rend cet objectif difficile à réaliser d’ici 2030. Ainsi, il apparaît essentiel que tous les acteurs, y compris les agriculteurs, les acteurs du développement, les institutions de recherche et les consommateurs, participent à l’effort de préservation de la diversité génétique. La diversité variétale est non seulement une assurance de résilience face aux défis climatiques, mais aussi un moyen de renforcer la compétitivité des dattes marocaines sur le marché national et le marché international.

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Citation de l’article : El Bakouri Z, Meziani R, Bouzelmate H, Rabach B, Jaiti F. 2025. Étude de la diversité génétique du palmier dattier et des facteurs l’influençant dans les palmeraies du Tafilalet au Maroc. Cah. Agric. 34: 3. https://doi.org/10.1051/cagri/2025001

Liste des tableaux

Tableau 1

Composition de l’échantillon des palmeraies étudiées.

Composition of the Sample of Surveyed Palm Groves.

Tableau 2

Test de Dunnett de comparaisons multiples.

Dunnett’s test for multiple comparisons.

Tableau 3

Corrélation entre les différentes pratiques agricoles modernes dans les palmeraies traditionnelles.

Correlation between different modern agricultural practices in traditional date palm groves.

Tableau 4

Corrélation de Pearson entre l’indice de Shannon-Weaver et les pratiques culturales modernes.

Pearson correlation between the Shannon-Weaver index and modern farming practices.

Tableau 5

Corrélations de Pearson entre la superficie et les pratiques agricoles modernes.

Pearson correlations between farm size and modern farming practices.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Localisation des palmeraies du Tafilalet (Khardi et al., 2024).

Location of the Tafilalet palm groves (Khardi et al., 2024).

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Répartition variétale dans les palmeraies du Tafilalet.

Varietal distribution in the date palm groves of Tafilalet.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Répartition des principales variétés par palmeraie.

Distribution of major varieties by date palm grove.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Fréquence de la distribution des variétés dans le Tafilalet (% d’agriculteurs cultivant la variété Vi).

Frequency distribution of varieties in Tafilalet (% of farmers growing variety Vi).

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

Fréquence de la distribution des principales variétés par palmeraie.

Frequency distribution of major varieties by date palm grove.

Dans le texte
thumbnail Fig. 6

Carte factorielle de représentation de la diversité génétique et des pratiques culturales modernes.

Factorial map representing genetic diversity and modern farming practices.

Dans le texte
thumbnail Fig. 7

Corrélation entre la superficie et les techniques de production.

Correlation between farm size and production techniques.

Dans le texte

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