Open Access
Issue
Cah. Agric.
Volume 32, 2023
Article Number 13
Number of page(s) 11
DOI https://doi.org/10.1051/cagri/2023007
Published online 07 April 2023

© G.L. Djohy et al., Hosted by EDP Sciences 2023

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.

1 Introduction

Les régions soudaniennes et soudano-guinéennes du Bénin sont à vocation essentiellement agricole et pastorale (Mees, 2015). L’agriculture est essentiellement pluviale (Vodounou et Doubogan, 2016). Les différents systèmes de production agricole demeurent traditionnels et sont hérités des techniques de l’agriculture itinérante. Les élevages pratiqués sont à la fois semi-sédentaires et mobiles (Sounon et al., 2019 ; Djohy et Sounon Bouko, 2021). Ces régions, antérieurement peu peuplées, sont de plus en plus convoitées par les éleveurs et les agriculteurs. Elles sont actuellement soumises à une forte pression migratoire. En effet, la dégradation des conditions climatiques dans le nord du Bénin (Boko et al., 2012 ; Djohy et al., 2021), caractérisée par des déficits pluviométriques et la hausse des températures, accentue les épisodes de sécheresse, contraignant les éleveurs et les agriculteurs à rechercher de nouveaux espaces pâturables et de nouvelles terres agricoles plus au sud. Ces aléas climatiques ont une incidence sur la disponibilité des ressources fourragères herbacées et ligneuses en saison sèche, et contraignent les éleveurs à l’exploitation des résidus de récolte pour compléter l’alimentation des animaux (Totin et al., 2016 ; Djohy et al., 2022).

Les flux migratoires, ajoutés à la croissance démographique, entraînent une forte pression humaine et animale sur les milieux naturels, qui sont menacés par une dégradation progressive (Sanon et al., 2014 ; Sounon et al., 2019). Ainsi, l’extension des agrosystèmes induit une réduction du temps de jachère et une augmentation des emblavements agricoles pour subvenir aux besoins alimentaires croissants des populations. Ceux-ci contribuent énormément au morcellement et à la diminution des espaces de parcours et des jachères (Hiernaux et al., 2014), ce qui crée un déséquilibre entre l’espace fourrager disponible et la charge animale. Face aux effets combinés de l’extension des emblavements agricoles et de la sécheresse, les éleveurs se sédentarisent peu à peu, limitant les déplacements saisonniers à quelques dizaines de kilomètres (Gonin et Tallet, 2012). Ainsi, deux systèmes d’élevage bovin sont développés dans la région d’étude : l’élevage semi-sédentaire pratiqué par des agropasteurs, et l’élevage mobile pratiqué par des pasteurs transhumants (Sounon et al., 2019). Les agropasteurs ont recours aux jachères et aux résidus de cultures en saison sèche pour affourrager leurs troupeaux (Djohy et Sounon Bouko, 2021), principalement constitués de bovins et d’ovins (Bogale et al., 2008). Les résidus concernés sont notamment ceux du sorgho, du maïs, du riz, de l’arachide et du niébé. Ils sont consommés par les animaux pendant environ trois mois après la récolte (Krätli et al., 2017). Pour pallier les difficultés liées aux pénuries d’aliment en saison sèche et augmenter la production agropastorale, il est nécessaire de connaître la quantité, la période d’utilisation et la contribution des résidus à l’alimentation des troupeaux de ruminants, afin de mettre œuvre une politique pertinente de développement du secteur agropastoral. Cette étude s’insère dans ce cadre et se propose, d’une part, d’estimer la biomasse des résidus de cultures au champ, et, d’autre part, d’analyser la capacité de charge (unité de bétail tropical/ha) qui en résulte.

2 Matériels et méthodes

2.1 Milieu d’étude

L’étude a été menée dans le bassin de l’Ouémé Supérieur au Bénin, notamment dans les communes de Tchaourou et Djougou (Fig. 1). Ces communes s’inscrivent dans la zone phytogéographique soudanienne. Les climats sont respectivement de type sud-soudanien à pluviométrie moyenne annuelle comprise entre 1100 et 1200 mm en six à sept mois de pluie (Kora, 2006) et de type soudano-guinéen à pluviométrie moyenne annuelle comprise entre 1200 et 1300 mm en six à sept mois de pluie (Biaou, 2006).

L’agriculture et l’élevage constituent les principales activités des populations de la zone d’étude. Celles-ci développent principalement des cultures céréalières (maïs, sorgho, riz), des légumineuses (niébé, soja, arachide, voandzou), des tubercules (igname, manioc) et des cultures de rente (coton, anacarde, karité). Les résidus des différentes cultures, notamment des céréales et des légumineuses, permettent aux agropasteurs de nourrir le bétail en saison sèche. Le système d’élevage agropastoral semi-sédentaire, qui fait l’objet de la présente étude, et le système d’élevage pastoral mobile constituent les principaux systèmes d’élevage dans la région d’étude (Sounon et al., 2013, 2019 ; Totin et al., 2016). Les éleveurs agropastoraux pratiquent une transhumance saisonnière dans le terroir villageois et associent l’élevage aux cultures. Ainsi, les parcelles mises en jachère et les ligneux fourragers sont exploités par les troupeaux, de même que les résidus des champs récoltés. Les éleveurs pastoraux mobiles n’ont pas de territoire d’attache fixe et se déplacent à l’intérieur des communes de l’Ouémé Supérieur au rythme de l’expansion des cultures.

thumbnail Fig. 1

Carte de la zone d’étude.

Map of the study area.

2.2 Collecte des données primaires

La collecte des données primaires a été faite entre octobre et décembre, en 2020 et 2021, dans les communes d’étude. Elle a été réalisée en deux étapes, à savoir une phase d’enquête exploratoire et une phase d’installation et de prélèvement d’échantillons de résidus.

2.2.1 Enquête exploratoire

L’enquête exploratoire a permis de discuter avec les agropasteurs sur les principaux résidus de culture utilisés dans l’alimentation des animaux, d’identifier les différents arrondissements et villages d’investigation et de solliciter les agropasteurs et les cultivateurs afin de procéder à l’installation des placettes de mesure de biomasse dans leurs champs.

À la fin des enquêtes, les sept principales cultures céréalières et légumineuses ont été retenues. Il s’agit du sorgho (Sorghum bicolor L.), du maïs (Zea mays L.), du riz (Oryza glaberrima L.), du soja (Glycine max L.), de l’arachide (Arachis hypogaea L.), du niébé (Vigna unguiculata L.) et du voandzou (Voandzeia subterranea L.).

En fonction de la disponibilité des pâturages et de l’importance des emblavements agricoles, les arrondissements de Tchatchou, Alafiarou, Goro et Bétérou, dans la commune de Tchaourou, et les arrondissements de Partago, Onklou et Serou, dans la commune de Djougou, ont été retenus (Fig. 1). À l’intérieur de ces arrondissements, 21 villages ont été identifiés comme support à ce travail.

Des entretiens ont été effectués avec 28 chefs d’exploitations agricoles, afin de procéder à l’installation des placettes et aux prélèvements d’échantillons de résidus. Les producteurs pratiquent généralement le semis en lignes, soit à partir d’un piquet ou du talon du pied. Les prélèvements d’échantillons de résidus ont été réalisés dans les trois types de champs (Chps) développés par les producteurs de la zone d’étude selon le travail du sol réalisé pour la mise en place des cultures : les champs travaillés manuellement avec une houe (Chps 4 et 5 : 10 placettes par culture pour un total de 70 placettes mesurées chaque année), avec une charrue tirée par un animal (Chps 2 et 3 : 10 placettes par culture pour un total de 70 placettes mesurées chaque année) ou avec un tracteur (Chps 1 : 5 placettes par culture pour un total de 35 placettes mesurées chaque année).

De plus, 300 agropasteurs ont été interrogés dans la zone d’étude sur les résidus de cultures utilisés dans l’alimentation des animaux.

2.2.2 Installation des placettes et prélèvements des échantillons

L’estimation des quantités de résidus est effectuée dès la récolte des cultures, suivant une série de prélèvements et de pesées des résidus à l’intérieur des placettes installées (Thiébeau et Recous, 2016). L’évaluation de la biomasse des résidus est faite suivant la méthode de Bechir (2010) et de Sanon et al. (2014). Ainsi, 350 placettes (5 × 5 m) sont installées dans les champs des cultures sélectionnées, dont 175 en 2020 et 175 en 2021. Les mesures de biomasse des résidus portent essentiellement sur les parties végétatives les plus appréciées par les animaux, notamment les fanes de légumineuses et les pailles de céréales (Bechir, 2010). Des échantillons ont été prélevés sur chaque placette et placés dans des poches individuelles pour être transportés et traités au laboratoire. Ensuite, ils ont été placés en étuve durant 48 h à 75 °C pour être séchés jusqu’à poids constant, puis pesés à la sortie d’étuve pour l’estimation de leur masse sèche.

2.3 Collecte des données secondaires

Afin de faire une estimation de la biomasse des résidus produits dans la zone d’étude, les données sur les superficies emblavées ont été collectées sur la période 1996–2016 à la direction des statistiques agricoles. Les effectifs de bovins (80 572 têtes) et d’ovins (35 155 têtes) de la zone d’étude ont été également collectés (PDC-Djougou, 2017 ; PDC-Tchaourou, 2017).

2.4 Analyse des données

2.4.1 Production des résidus de cultures

L’évaluation de la production des résidus dans les communes d’étude a consisté à déterminer la quantité de matière sèche disponible pour alimenter les animaux. La quantité de résidus produite dans la zone d’étude est déterminée par la formule suivante :

où : QTR = quantité totale de résidus ; QRha = quantité de résidus de chaque culture à l’hectare ; NTha = nombre total d’hectares par culture.

2.4.2 Capacité de charge permise par les résidus de cultures

Dans le cadre de cette étude, la capacité de charge (unité de bétail tropical/ha) de la biomasse des résidus est évaluée suivant la méthode de Barmo et al. (2020).

où : CC = capacité de charge à l’hectare ; P = production totale moyenne de résidus à l’hectare (kg MS/ha) ; K(%) = coefficient d’utilisation ; UBT = unité de bétail tropical (1 UBT = 1 bovin de 250 kg de poids vif). Au pâturage, il peut ingérer potentiellement 6,25 kg MS/Jour ; PD = période d’utilisation (en jours). La période d’utilisation des résidus de cultures couvre les mois de décembre à février (90 jours). Le coefficient d’utilisation (K) des résidus de cultures considéré dans le cadre de cette étude est de 35 % pour les pailles de céréales (maïs, sorgho, riz) et de 60 % pour les fanes de légumineuses (niébé, soja, arachide, voandzou) (Sanon et al., 2014).

2.4.3 Bilan fourrager des résidus

La confrontation de la capacité de charge avec la charge animale a permis de déterminer le bilan fourrager (FAO, 2020). La charge des bovins et des ovins est déterminée suivant les normes admises en milieu tropical : un ovin équivaut à 0,12 UBT (Barmo et al., 2020) et un bovin d’Afrique subsaharienne équivaut en moyenne à 0,8 UBT, compte tenu de la présence de nombreuses têtes de bovins inférieures à 250 kg de poids vif dans les troupeaux (Sanon et al., 2014).

2.4.4 Traitements statistiques des données

Les données collectées auprès des agropasteurs et celles issues des prélèvements d’échantillons de résidus ont été traitées à l’aide du logiciel SPSS. Des analyses de variance ont été réalisées pour déterminer la significativité des moyennes observées (au seuil de signification de 0,05). Le test t de Student et la statistique de Fisher (F) ont été utilisés dans la comparaison multiple par paires de différents facteurs (culture, champ, année).

3 Résultats

3.1 Importance de la biomasse des résidus de cultures

Les agropasteurs interviewés avaient un âge moyen de 62 ± 10 ans, avec 99 % d’hommes et 1 % de femmes. La taille moyenne de leur cheptel est de 114 ± 59 bovins et de 17 ± 9 ovins. Ces répondants développent des Systèmes d’intégration agriculture-élevage (SIAE) dans le but de valoriser les résidus de cultures (Fig. 2 et 3) pour mieux répondre aux besoins alimentaires du bétail en saison sèche.

Les pailles de sorgho (98 %) et de maïs (97 %), puis les fanes d’arachide (86 %), de soja (85 %) et de niébé (78 %) constituent les principaux résidus utilisés par les éleveurs dans l’alimentation du bétail. Les associations de résidus de cultures concernent principalement le sorgho-maïs-soja-arachide-niébé (38 %), sorgho-maïs-soja-arachide (14 %) et le sorgho-maïs-arachide-niébé (11 %). Ces résidus constituent une ressource fourragère importante pour le bétail. Certains agropasteurs interrogés (59,4 %) ont un accès généralement libre à ces ressources. Par contre, d’autres répondants (40,6 %) procèdent à l’achat ou à l’échange de lait contre des résidus. Pour la grande majorité des répondants (79 %), les résidus sont exploités dans l’alimentation du bétail entre décembre et février. Par contre, 21 % des agropasteurs considèrent que les résidus de cultures ne sont disponibles que sur la période de décembre et janvier.

thumbnail Fig. 2

Principaux résidus de cultures utilisés dans l’alimentation du bétail, en fréquence des réponses exprimées.

Main crop residues used in livestock feed, in frequency of responses expressed.

thumbnail Fig. 3

Principales associations de résidus de cultures utilisées dans l’alimentation du bétail, en pourcentage des réponses exprimées (Sorgho : S ; Maïs : M ; Riz : R ; Soja : J ; Arachide : A ; Niébé : N ; Voandzou : V).

Main crop residue associations used in livestock feed as a percentage of responses (Sorghum: S; Maize: M; Rice: R; Soybean: J; Groundnut: A; Cowpea: N; Voandzou: V).

3.2 Production des résidus de cultures

Les mesures réalisées montrent une variation des quantités de résidus en fonction des cultures et des années de mesure (Tab. 1 ; Fig. 46).

Les résultats (Tab. 1) montrent qu’en 2021 les rendements moyens des résidus de cultures céréalières, notamment le maïs, le sorgho et le riz, ont connu une tendance baissière par rapport à ceux de 2020. Par contre, les rendements moyens en 2021 des résidus de cultures légumineuses, notamment le niébé, le soja, l’arachide et le voandzou, sont restés stables par rapport à ceux de 2020.

La dispersion des données collectées (Fig. 46) montre que les rendements moyens des résidus varient selon les espèces cultivées, les champs et les années de mesure. Le tableau 2 présente les résultats de l’analyse de variance réalisée pour déterminer la significativité des moyennes calculées.

L’analyse de variance révèle une différence significative de production de biomasse de résidus entre les différentes cultures étudiées (P = 0,001), les années de production (P = 0,001) et la nature du travail du sol des champs (P = 0,003). Elle révèle également une interaction significative entre les cultures et les années de production (P = 0,001). En revanche, elle révèle une absence d’interaction significative entre les différentes cultures et la nature du travail du sol des champs (P = 0,180), les années de production et la nature du travail du sol des champs (P = 0,347), la nature du travail du sol des champs, les années de production et les différentes cultures (P = 1). Dans ces conditions, plusieurs comparaisons multiples ont été réalisées selon la méthode Holm–Sidak avec les facteurs cultures et champs, afin de les classer en groupes homogènes ; 2020 étant différent de 2021 (Tab. 3).

La variable « culture » présente 5 groupes distincts. L’analyse montre que le niébé et le soja, puis l’arachide et le voandzou, ne présentent pas de différence de production de résidus entre eux, alors que toutes les autres cultures ont des productions différentes les unes des autres. Le choix de l’espèce cultivée aura donc une influence sur le stock fourrager des agropasteurs.

L’analyse de la variable « champs » présente 3 groupes : A composé des champs 1, 2 et 5 ; B composé du champ 4, et AB composé du champ 3, lui-même non différent des champs 1, 2, 4 et 5. La technique de travail du sol ne permet donc pas de discrétiser la production de résidus des différentes cultures, puisque le champ 4 a été travaillé à la houe, tandis que le champ 3 a été travaillé à la charrue animale.

La comparaison des données de la variable « année de mesure » montre que les quantités de résidus de cultures produites en 2020 (pluviométrie : 1155 mm) sont significativement plus élevées qu’en 2021 (pluviométrie : 1179 mm). La pluviométrie des deux années d’étude étant similaire, les variables qui ont pu avoir une influence significative sur le niveau de production mesuré des résidus de cultures sont : la répartition des pluies, la qualité des sols, des semences et les pratiques culturales (fertilisation, sarclage, etc.).

Tableau 1

Production moyenne des résidus de cultures par espèce et année de mesure.

Crop residue production by species and year of measurement.

thumbnail Fig. 4

Dispersion des données de production de résidus selon les espèces cultivées.

Dispersion of residue production data by crop species.

thumbnail Fig. 5

Dispersion des données de production de résidus selon le travail du sol réalisé pour l’implantation des cultures. (Chp 1 : Tracteur ; Chp 2 et 3 : Animal ; Chp 4 et 5 : Houe).

Dispersion of residue production data according to the tillage performed for crop establishment. (Chp 1: Tractor; Chp 2 and 3: Animal; Chp 4 and 5: Hoe).

thumbnail Fig. 6

Dispersion des données de production de résidus en fonction des années de mesure.

Dispersion of residue production data by measurement year.

Tableau 2

Analyse de variance à trois facteurs (culture, année et champ).

Analyse of variance with three factors (crop, year and field).

Tableau 3

Classement des variables « culture » et « champs » en groupes homogènes de résidus récoltés.

Classification of “crop” and “field” variables into homogeneous groups of harvested residues.

3.3 Bilans fourragers et capacité de charge saisonnière

Le tableau 4 présente les évolutions des bilans fourragers réalisés à partir des mesures de résidus réalisées dans cette étude et des capacités de charge saisonnière au cours des deux années de mesure dans l’Ouémé Supérieur au Bénin.

Les communes d’étude ont produit en moyenne 71 605 t de résidus au cours des deux années de mesure, notamment 78 063 t de résidus en 2020 et 65 147 t de résidus en 2021. La capacité de charge de la biomasse des résidus est donc de 53 070 UBT en 2020 et 44 955 UBT en 2021 (Tab. 4). La charge animale donnée par le recensement de la zone d’étude est de 68 676 UBT (bovins : 64 458 UBT et ovins : 4219 UBT). La différence entre la capacité de charge des résidus et la charge animale réelle révèle un bilan fourrager négatif sur les deux années de mesure, soit −15 606 UBT en 2020 et −23 721 UBT en 2021. Les résidus ont assuré respectivement 77,3 % et 65,5 % des besoins alimentaires du bétail entre décembre et février 2020 et 2021. Le reste des besoins alimentaires est assuré, selon les agropasteurs interrogés, par les jachères (45 %), la végétation des zones humides et les ligneux fourragers (45 %) et les cultures fourragères (10 %).

Tableau 4

Bilans fourragers et capacité de charge saisonnière.

Fodder balance and seasonal carrying capacity.

4 Discussion

Les éleveurs interrogés ont recours principalement aux pailles de céréales (maïs, sorgho, riz) et aux fanes de légumineuses (niébé, soja, arachide, voandzou) pour l’alimentation des animaux en saison sèche. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Autfray et al. (2012), Totin et al. (2016), Sanou et al. (2016), Krätli et al. (2017), qui ont montré que les résidus des cultures céréalières et légumineuses occupent une place de choix dans l’alimentation du bétail en période sèche. Si le fourrage herbacé est abondant pendant la saison pluvieuse et peut couvrir la totalité des besoins alimentaires des troupeaux, en saison sèche, le fourrage herbacé devient rare (Douma et al., 2007). L’alimentation des animaux en saison sèche est assurée principalement par les résidus de culture et les ligneux fourragers (Djohy et Sounon Bouko, 2021). L’exploitation des résidus par les animaux constitue un enjeu stratégique, vital, pour les éleveurs (Touré, 2015).

Les différentes cultures fournissent des quantités importantes de résidus à l’hectare (Tab. 5). Il ressort des résultats des différents auteurs que la production des résidus à l’hectare varie en fonction des cultures et des années ; ce que confirment nos travaux. Pour Bamouni (2016), ces variations résulteraient de la combinaison de plusieurs facteurs, dont le choix de la parcelle de culture, la gestion de la fertilité du sol et les itinéraires techniques des cultures ; ce qui n’a pu être mis en évidence dans le travail présenté. Akinola et al. (2015) ont montré que les résidus de cultures ont permis de couvrir entre 26 et 64 % de la consommation de matière sèche des troupeaux de bovins de l’État de Kano au Nigéria. Pour notre zone d’étude, cette couverture a varié de 65 à 77 % de décembre à février 2020 et 2021, ce qui est mieux, mais reste insuffisant pour couvrir l’ensemble des besoins saisonniers, d’où le recours des éleveurs aux ressources pastorales (herbacées et ligneux).

Malgré la quantité importante de résidus disponible dans la zone d’étude, la capacité de charge des résidus est inférieure à la charge animale. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Kere (2006), qui a trouvé un bilan fourrager déficitaire dans le terroir agropastoral de Monomtenga au Burkina Faso. Par contre, Sanon et al. (2014) ont trouvé un bilan fourrager excédentaire dans un terroir test de la zone soudanienne du Burkina Faso, car la production potentielle de biomasse des résidus y était largement supérieure à la charge animale. Ces auteurs ont donc estimé logiquement, sur la base de la production agricole de ce terroir test, que les populations de ruminants pouvaient y être potentiellement entretenues pendant la saison sèche ; ce qui ne correspond pas à notre situation. Nos travaux montrent également que le choix des espèces cultivées peut impacter significativement la quantité de résidus fourragers récoltés et, par conséquent, constituer une variable d’ajustement à prendre en compte pour réduire ce déficit. Cependant, la qualité des résidus doit aussi être prise en compte, comme leur teneur en azote par exemple, qui est un élément nutritif critique pour le bétail en saison sèche. Les résidus de légumineuses sont en effet généralement deux à quatre fois plus riches en azote que ceux des céréales.

Le bilan fourrager saisonnier déficitaire de la zone de ce travail est dû à plusieurs facteurs, dont le nombre important de bovins et d’ovins par rapport aux surfaces agricoles emblavées. Il en résulte des résidus en quantités insuffisantes pour entretenir des effectifs croissants d’animaux dans cette zone. Cette faible disponibilité des ressources fourragères en saison sèche cache un certain nombre de contraintes en rapport avec l’accès aux ressources, dont les difficultés d’accès aux pâturages et aux couloirs de passage, qui génèrent des conflits entre éleveurs et agriculteurs. Cette situation peut certainement être améliorée. Une autre voie d’ajustement à considérer est de limiter les effectifs animaliers présents dans cette zone géographique.

Tableau 5

Comparaison des résultats liés à la production de résidus de culture par hectare.

Comparison of crop residue production results per hectare.

5 Conclusion

L’approche utilisée dans cette étude a permis d’estimer les quantités de résidus de cultures présents sur le sol après les récoltes. Ces résidus de cultures sont très sollicités par les agropasteurs pendant la saison sèche, entre décembre et février, en complément de l’alimentation du bétail. Mais la capacité de charge des résidus observée en 2020 (52 387 UBT) et en 2021 (44 783 UBT) est inférieure à la charge animale (68 676 UBT) dans la zone d’étude. Dans ces conditions, les agropasteurs ont recours aux pâturages et aux ligneux fourragers pour nourrir les animaux. Ces résultats expliquent les difficultés que rencontrent les agropasteurs dans leur recherche de ressources fourragères pendant la saison sèche. Ce bilan fourrager de la zone d’étude fournit des informations aux acteurs du secteur de l’élevage et aux décideurs politiques afin d’améliorer leur planification et leurs études prospectives du secteur. Il est en effet indispensable d’évaluer l’adéquation entre les besoins alimentaires du bétail et les ressources fourragères disponibles afin d’améliorer la résilience des systèmes de culture et d’élevage.

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Citation de l’article : Djohy GL, Sounon Bouko B, Djohy G, Dossou PJ, Yabi JA. 2023. Contribution des résidus de culture à la réduction du déficit alimentaire des troupeaux de ruminants dans l’Ouémé Supérieur au Bénin. Cah. Agric. 32: 13. https://doi.org/10.1051/cagri/2023007

Liste des tableaux

Tableau 1

Production moyenne des résidus de cultures par espèce et année de mesure.

Crop residue production by species and year of measurement.

Tableau 2

Analyse de variance à trois facteurs (culture, année et champ).

Analyse of variance with three factors (crop, year and field).

Tableau 3

Classement des variables « culture » et « champs » en groupes homogènes de résidus récoltés.

Classification of “crop” and “field” variables into homogeneous groups of harvested residues.

Tableau 4

Bilans fourragers et capacité de charge saisonnière.

Fodder balance and seasonal carrying capacity.

Tableau 5

Comparaison des résultats liés à la production de résidus de culture par hectare.

Comparison of crop residue production results per hectare.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Carte de la zone d’étude.

Map of the study area.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Principaux résidus de cultures utilisés dans l’alimentation du bétail, en fréquence des réponses exprimées.

Main crop residues used in livestock feed, in frequency of responses expressed.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Principales associations de résidus de cultures utilisées dans l’alimentation du bétail, en pourcentage des réponses exprimées (Sorgho : S ; Maïs : M ; Riz : R ; Soja : J ; Arachide : A ; Niébé : N ; Voandzou : V).

Main crop residue associations used in livestock feed as a percentage of responses (Sorghum: S; Maize: M; Rice: R; Soybean: J; Groundnut: A; Cowpea: N; Voandzou: V).

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Dispersion des données de production de résidus selon les espèces cultivées.

Dispersion of residue production data by crop species.

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

Dispersion des données de production de résidus selon le travail du sol réalisé pour l’implantation des cultures. (Chp 1 : Tracteur ; Chp 2 et 3 : Animal ; Chp 4 et 5 : Houe).

Dispersion of residue production data according to the tillage performed for crop establishment. (Chp 1: Tractor; Chp 2 and 3: Animal; Chp 4 and 5: Hoe).

Dans le texte
thumbnail Fig. 6

Dispersion des données de production de résidus en fonction des années de mesure.

Dispersion of residue production data by measurement year.

Dans le texte

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